Canard Bourbon, passionné et engagé

Inviter des chefs étoilés à La Réunion, c’est possible. Jean-Pierre Rodzinka veut en faire un événement régulier. La visite de Michel Husser a été une réussite qui en appelle d’autres.

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Michel Husser, en compagnie d’Isabelle Rodzinka (en bleu), de sa brigade, et de Jean-Pierre Rodzinka (premier à gauche).

Canard Bourbon. Si ce nom ne vous dis rien, il vous faut combler cette lacune d’urgence. Ce restaurant dont la spécialité est le canard, comme son nom l’indique, prend ses quartiers à la rue Vallon Hoarau, dans le bas du centre ville du Tampon.

La grande salle au plafond bas est très accueillante, avec ses belles tables dressées. Ceux qui préfèrent sentir la brise iront à la terrasse attenante. Jean-Pierre Rodzinka, le patron, nous y installe. Ce déjeuner impromptu est l’occasion de faire un retour de la visite de Michel Husser, chef étoilé alsacien, une visite qui en appelle d’autres.

« Si j’ai invité Michel Husser, ce n’est pas pour moi spécialement, mais pour La Réunion » déclare le patron de Canard Bourbon. « Je trouve anormal qu’il n’y ait aucun restaurant référencé au guide Michelin ou au Gault et Millau à La Réunion, et plus généralement dans les DOM et dans les TOM. C’est une aberration. Si nous on n’est pas bon, alors tout le monde est mauvais. »

Le gratin des chefs sollicités

Pour rester cohérent avec son ambition, Jean-Pierre Rodzinka souhaite fédérer d’autres chefs à son projet. Il sollicite donc tour à tour La Case Pitey, Le Blue Margouillat, la Fabrique qui déclinent l’invitation, pour des raisons diverses. Du côté des étoilés Michelin, ce n’est pas plus facile. Philippe Etchebest, Michel Sarran, Anne-Sophie Pic, Pascal Bardet sont contactés, personne ne répond présent, avec des degrés d’hésitation divers. « C’est Thierry Kasprowicz qui nous a mis en contact avec Michel Husser, et de dernier pose comme condition de sa venue de nous rencontrer d’abord. »

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Un magret tendre et savoureux
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Les foie gras de canard et du cou de canard farci (à droite)

Le chef vient quinze jours, et pendant la première semaine, juge sévèrement le restaurant, excepté la cuisine. « Nous nous sommes améliorés durant la deuxième semaine. Trois jours avant de partir, il m’informe qu’il a nous a recommandé auprès de Joël Phillips, chef de son restaurant. » Une reconnaissance qui va droit au cœur des Rodzinka. Et Jean-Pierre d’ajouter, un brin ironique, au sujet de l’emission « Tous en cuisine » : « C’est Michel Husser qui devait présider le jury au départ, et non pas Jean-Alexandre Ouaratta. J’ai dit à la chaîne : pas de problème, mais son billet d’avion est à 4200€. Plus une mouche n’a volé. Et je ne demandais rien, juste que mon épouse soit présente sur le plateau, juste retour des choses. »

« J’ai mangé à la table d’un chef étoilé »

Aujourd’hui Jean-Pierre Rodzinka regarde vers l’avenir. Dans l’idéal, il souhaiterait faire venir un chef étoilé tous les trimestres. « Pendant quinze jours, les gens qui sont venus chez nous ont pu dire : « j’ai mangé à la table d’un chef étoilé », souligne le patron de Canard Bourbon. Une chance réservée à ceux qui peuvent voyager et qui ont les moyens de descendre dans ces adresses parfois prestigieuses, où les repas se chiffrent parfois avec plusieurs zéros avant la virgule.

Le prochain chef, référencé dans le guide du bibendum, invité par Jean-Pierre est Alexis Pelissou, chef étoilé, spécialiste de la truffe et ancien propriétaire du restaurant étoilé Le Gindreau à Saint-Médard dans le Lot. De belles soirées en perspectives. En attendant, les foie gras, magrets de canard rosés et desserts élaborés vous feront découvrir tout le talent d’Isabelle Rodzinka et de sa jeune brigade.

Anne Blard, passionnée, la voyez-vous venir ?

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Anne Blard, avec les Rodzinka

Celle qui officie en cuisine avec la Cheffe Isabelle Rodzinka, est une passionnée. D’abord étudiante en langue à l’université, son amour pour la cuisine lui fait changer de voie pour entreprendre le parcours classique CAP et Brevet Professionnel du Centhor. Puis elle s’inscrit à l’institut Paul Bocuse, casse sa tirelire et règle la coquette somme de 8000 € pour quinze jours de formation ! Elle fera ses premières armes dans un restaurant étoilé de Terre Blanche, Tourette-sur-Loup, dans le Var. On mesure conséquemment la motivation de la jeune femme, à qui Jean-Pierre Rodzinka promet un bel avenir. Une pépite à suivre.

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Un concours pour les jeunes talents

Jean-Pierre Rodzinka suggère d’organiser un concours culinaire pour les jeunes talents des Dom-Tom. Une opération qui rappelle beaucoup Trophée des Chefs Ultra-Marins ou le Trophy Table Art de Béatrice Fabignon, qui, de son côté, a dû batailler ferme pour soulever l’intérêt des institutions et des écoles. Nous en avons déjà parlé lors de son passage à La Réunion. A cette occasion nous avions aussi émis l’idée d’un concours inter-écoles, qui rassemblerait le Lycée de la Renaissance, le Centhor, l’AFPAR, le RSMA, Vattel, pour les plus connus. Un moment privilégié pour que les élèves défendent leur école tout en se mesurant à leurs homologues, dans un esprit de compétition sain et galvanisant. Encore faudrait-il que les institutions le veuillent bien, et sachent accorder leurs violons pour que cet événement puisse voir le jour. A n’en pas douter, un tel concours saurait mettre en lumière les jeunes talents que compte notre île.

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Un spécialiste de la truffe pour un repas étoilé

Alexis Pelissou est le second chef étoilé invité par les Rodzinka. Il vous invite à un voyage gustatif autour du canard et de la truffe les soirs du 23 au 26 janvier, puis du 30 janvier au 1er février, le soir, et le dimanche 2 février à midi. Chaque service est limité à 50 couverts. Le menu est à 109€ par personne avec un accord mets/vins à 30€ par personne supplémentaires.

Le menu

• Mise en bouche : Tastou, beurreck au confit de canard
• Entrée : Velouté glacé, capuccino truffé, Julienne de truffe
• Plats : Escalope de Foie gras de canard poêlée, chips de légumes, vinaigrette truffée,
• Magret de canard en aiguillettes aux épices, la cuisse en Dodinette, jus giboyeux
• Service fromager à la truffe sur une gelée, servie en calice
• Dessert : Soufflé à la truffe et effluves de Marasquin.

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Le croquant aux pommes et sa glace jouent le chaud et le froid

Le P’tit Bleu

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Saint-Gilles, par une chaleur étouffante, où nous avons l’impression d’être dans la peau d’un poulet au gril, su bor d’chemin. Au détour d’une ruelle du centre, à deux pas de l’esplanade du front de mer, nous trouvons l’entrée du P’tit Bleu, restaurant du Grand Bleu, l’hôtel.

IMG_0113Un hôtel de ville à la plage en somme. Personne encore alors que midi n’a pas sonné sur la grande terrasse aux tables bien mises. Une jolie demoiselle nous accueille avec un sourire jusque derrière les oreilles, nous propose une table, puis nous montre le menu à l’ardoise.

Quatre entrées, quatre poissons, trois viandes et un plat végé. « Salade de palmiste à notre façon », « Salade de zourite et son mesclun de jeune pousse », « Tataki de thon, salasa de mangue », «pavé de dorade au combava » ou « entrecôte charolaise aux poivres concassés », voilà qui nous met en appétit. Les tarifs s’étagent entre 14 et 26 euros. Le menu du jour est proposé en deux formules, la totale pour 23€ ou deux plats seulement pour 18€. Nous nous désaltérons d’une mousse locale, très rafraîchissante avec une amertume raffinée. L’entrée est servie. Après l’estomac dans les talons nous avons Les Dalons dans l’estomac.

IMG_0118Nous choisissons la salade de zourite. Superbement assaisonné, l’octopus nous nous chatouille les sinus. En bouche des saveurs fraîches et ensoleillées de poivron rouge et de persil emballent et acculent les tentacules à se laisser mordre doucement. Elles résistent, prouvent qu’elles existent, et risquent l’impatience des dents qui lancent leurs assauts bellicistes. Mais finalement cède l’ourite, non sans livrer au palais une suite d’intermèdes gustatifs alléchants.

IMG_0121Ah, les chants ! Les chants charmants de l’iode et des champs, mêlant leurs codes, dans les atours changeants de la chair rouge du thon, laissant ses saveurs autour comme pour surprendre les méchants qui rôdent. Très bel assaisonnement, acidulé, garni de ses petits croquants, va chercher le sucré dans les gouttes en maraude. Dernière chiquenaude. Les sensations s’éloignant, au thon en emporte le vent.

IMG_0126Du dessert l’on se sert sur ces récents sentiments pour ravir nos pupilles et sucrer nos papilles. Chocolat ni noir ni blanc, surprend de son sucre appétant. Sont-ce donc les fraises, nous en sommes bien aise, qui calment les ardeurs grasses de la mousse, avant que se taisent les relents jouissifs de ce mets qui glousse de leur éclat de braise ?

C’est fini. Les rimes rament et nous déclinons le rhum. La note : près de 50 euros pour une entrée, un plat, un dessert et une boisson, le rapport qualité prix est bon. Hélas nous partons.

L’hôtel est le Grand Bleu, son restaurant le P’tit Bleu, et le chef de ce dernier est loin d’en être un, de bleu. Il propose une cuisine variée, goûteuse, ensoleillée comme le ciel de Saint-Gilles en été, la fraîcheur en plus, servie dans des assiettes joliment dressées. Le plaisir des yeux précède celui du palais. Ajoutez à cela un accueil comme nous n’en voyons que trop rarement, souriant, gai, et un service détendu mais professionnel, et vous avez tous les ingrédients pour un moment gastronomique très sympathique. Les photos de leur page Facebook en promettaient, nous ne sommes pas partis déçus, mais proprement repus.

Pour les rimes riches et les Alexandrins, vous attendrez que nichent les ours sous les trains.

La Kaz à Léa

Aujourd’hui nous mettons les pieds sous la table à la Kaz à Léa, restaurant saint-pierrois qui affiche une (grosse) carte de plats divers, dont sept de cuisine locale, très classiques : cari camaron, civet canard ou zourite, cari d’espadon et un « Ti Caz Salé », mélange d’andouille, boucané et saucisses, qu’on retrouve sous d’autres noms ailleurs, mais avec la particularité ici d’inclure des lentilles de Cilaos. Nous avons dénombré pas moins d’une quarantaine de plats différents, burgers compris, sans compter les suggestions du chef, les desserts, le menu enfant et la partie plats à emporter. Dans ces cas-là, deux solutions : une belle brigade officie en cuisine ou le frigo est plein.  

IMG_0594Le décor, une case créole avec poutres apparentes, est cosy, confortable, agréable à l’œil. Trois espaces se succèdent : une jolie  terrasse, la salle principale et celle du fond, plus tranquille. Nous arrivons de bonne heure, comme à notre habitude, et avons l’impression d’être transparent. Personne à l’accueil, tandis que la queue aux barquettes commence. Finalement quel-qu’un finit par s’apercevoir de notre existence.

Une formule du jour est disponible pour 17 euros, entrée, plat et dessert, sans qu’il soit précisé si l’on a le choix des plats. Nous lui préférons la carte, et ses entrées élaborées. Nous optons pour un mi-cuit de foie gras caramel, sucre de canne et son chutney de saison pain au sésame, puis un cari poulet palmiste. 

Le service est poli mais peu avenant, et balbutiant. Le jeune homme nous demande quel accompagnement nous voulons avec le foie gras : frite ou salade. C’est une blague ? Il ne doit pas être là depuis longtemps, ce qui nous sera confirmé, mais assez quand même pour apprendre la carte non ? Un «vieux de la vieille» prend le relais. Passons donc.

IMG_0605L’entrée débarque. C’est très copieux et pourrait suffire pour le déjeuner. Il est vrai qu’elle est affichée à 19 euros. A savoir ça, nous aurions opté pour l’entrée de la formule. Le dressage est basique. Nous attaquons.

Deux petits morceaux de foie gras poêlé sont posés sur les toasts. Le reste est présenté comme une crème brûlée dans un ramequin. Le foie est assez bon, fondant mais peu parfumé, heureusement le chutney (pomme ananas, apparemment) lui donne de la couleur, et beaucoup de sucré. Une pointe piquante  n’aurait pas été de trop. Les toasts sont mous. Du croquant aurait été bienvenu. La petite salade, elle, est croquante, et fraîche, ce qu’on aurait davantage senti si elle n’était assaisonnée d’une vinaigrette très acide. Chacun ses goûts en matière de vinaigrette. Certaines personnes aiment leur salade quand elle a cuit dedans, d’autres pas. Il serait peut-être mieux de ne pas l’imposer et plutôt la proposer à part.

IMG_0608Une dizaine de minutes plus tard, voici qu’arrive le poulet palmiste, dressé dans une petite marmite (malgache ?), les haricots  aussi, le tout posé avec le riz et un achard de légumes dans l’assiette. Présentation douteuse, à défaut d’être ringarde. Les petites marmites, on a vu, revu et re-revu depuis 40 ans et plus, un peu partout. On aimerait voir autre chose, passons encore. Le fait de les poser dans l’assiette comme si celle-ci est un plateau, c’est sans doute pratique pour le service mais est-ce bien hygiénique ?

Le cari ne fait pas d’étincelles. Les morceaux, coupés menu au hachoir, ne laissent pas deviner une aile ou une cuisse. La chair est blanche, et un peu sèche. Cela remugle l’odeur rance du vieux chou de palmiste dur. Mélangé à celle des épices roussies, dont sans doute des oignons pas jeunes non plus, cela fait l’effet d’un curcuma dispersé sur de la transpiration. Confirmation en bou-che : le palmiste est bien dur, et coupé en tranches de 5 mm. Ceci explique sans doute cela. Quand un palmiste peut absorber la sauce, on en fait des bouchées qui autorisent des sensations correctes. Bref, c’est du cari niveau barquette à 6 euros, catégorie boui-boui, mais facturé 20.

Le achard, assez croquant, est passable. Le riz est bon. Les grains sont hétérogènes, certains bien cuits d’autres moins bien. Le rougail tomate est spécial, spécial hypertendus : sans sel, mais suffisamment pimenté, et la tomate semble fatiguée.

Nous nous dispensons de dessert. Un café précède l’addition qui se monte à 41€, pour une entrée, un plat et un café donc, sans boisson, sans vin. Le rapport qualité prix est perfectible, et c’est peu de le dire.

Des plats de cette qualité, dans un tel décor, c’est comme une femme vulgaire en robe de soirée (ou une brute en smoking, comme il vous siéra). Nous sommes sortis déçus aujourd’hui de la Kaz à Léa, en espérant tout de même que sa cuisine sait faire mieux que le niveau cantine. L’endroit est fréquenté, ce qui laisserait supposer que c’est le cas. La note TripAdvisor est également bonne. Nous pourrions, à l’instar du Choka Bleu voilà quelques semaines, réserver notre note qu’à la partie locale de la carte, sauf que nous n’avons goûté que le poulet palmiste. L’entrée, bien que bonne dans l’ensemble, n’était pas grandiose, pas assez pour racheter le plat de résistance. 

Si on ajoute à cela un accueil médiocre, même en tenant compte d’un manque de chance ou d’un raté fortuit, il nous est difficile d’attribuer à la Kaz à Léa autre chose qu’une fourchette en inox.

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Finox
Pour résumer. 
Accueil : médiocre • Cadre : très bien • Présentation des plats : moyen
• Service : moyen • Qualité des plats : moyen • Rapport qualité-prix : perfectibleImpression globale : décevante

Fourchette en inox

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Le Jamblon

Il est midi tapante quand nous arrivons au Jamblon, restaurant de la Bretagne, posé sur la route Gabriel Macé. Pas un chat, ou presque. Quelques quidams repartent avec des barquettes.

IMG_0462Le menu inscrit à l’entrée mentionne des plats de type brasserie, et quelques autres locaux et « exotiques », comme ce poulet rôti « à l’orientale ». « C’est fait avec les épices du coucous » précise l’homme qui nous accueille. Oui, nous avions bien senti l’odeur en arrivant. Entrecôtes, magret de canard, tartares, salades, voilà en somme l’essentiel du menu, avec un porc au caramel et un cari de poisson au gingembre, jeu de chair en cubes ordinaires baignant dans la sauce. Nous choisissons le poisson frais grillé et le poulet « oriental ».

La terrasse d’une soixantaine de couverts, où trône le jamblon, se remplit peu à peu tandis que nous goûtons au cocktail de fruits frais, contenant « un peu de tout » nous dit-on en énumérant une longue liste de fruits. Le résultat n’est pas joyeux. A peine une saveur douceâtre noyée dans l’eau. Même le thé industriel servi avec est meilleur. A 6,50 euros, ça fait cher le cocktail.

IMG_0465IMG_0473Les assiettes dressées ne tardent pas. Peut-être auraient-elles dû. En effet, le poisson est servi cru à cœur. A ce compte-là, le tartare frétille encore. Il retourne en cuisine et nous revient une dizaine de minutes plus tard un peu cramé sur le dessus. L’espadon est brut de décoffrage en terme de goût, le citron le civilise un peu. Heureusement que la texture est restée moelleuse après le supplément de cuisson. Nous avions demandé l’espadon « nature », finalement une petite sauce aurait bien enrobé tout ça. Peut-être eut-il fallu choisir le filet de Saint-Pierre sauce vierge.

IMG_0468Le poulet n’est pas grandiose. C’est du poulet industriel « de lo », tout de même correctement rôti, mais qui ne propose pas de saveurs à la hauteur de l’odeur qui nous avait interpellés. La chair est tendre, elle présente cependant des côtés rosés à l’intérieur. C’est la course en cuisine ? Pas le temps de cuire correctement les aliments ? Si le plat rappelle peut-être lointainement un vague couscous au poulet en conserve, il baigne dans l’huile et  tient davantage du poulet sauce d’huître gras que d’autre chose.

Le riz est très standard, avec des grains détachés. Ce n’est pas du grand luxe, mais il reste mangeable. Les haricots sont atomisés par des feuilles de caloupilé, avec un arrière-goût assez étrange. Le rougail courgettes est un tas de sel, nonobstant le fait que de nos jours il est bien difficile de trouver des courgettes qui ont du goût.

Les desserts sont bons, sans faire de feu d’artifice. La crème brûlée « à la fêve de Tonka », servie chaude dehors, tiède dedans, est assez satisfaisante. Les mignardises servies avec le café gourmand sont passables, sauf la salade de fruits, fade, comme un rappel du cocktail.

Addition : 55€ pour deux repas, apéritifs compris. Le rapport qualité-prix est perfectible.

Midi trente. La terrasse est bondée. Le restaurant semble être prisé. Aurions-nous choisi les mauvais plats ? C’est possible. Sommes nous arrivés un mauvais jour ? C’est aussi une éventualité. L’accueil et le service, eux, sont très professionnels, bien que nous ayons encore dû réclamer notre carafe d’eau. Que dire de plus sinon que les plats que nous avons dégustés aujourd’hui sont assez quelconques. Cela est d’autant plus décevant que l’établissement nous avait été recommandé. Si c’est juste pour se nourrir, à ce prix là, autant rester chez soi. Nous quittons le Jamblon après lui avoir décoché une fourchette en inox.

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Finox
Pour résumer. 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : bien
• Service : bien • Qualité des plats : très moyen • Rapport qualité-prix : perfectibleImpression globale : mitigée

Fourchette en inox

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Entre Nous…

IMG_7314Le restaurant de l’hôtel Dimitile s’appelle « Entre-Nous ». Un nom en forme de jeu de mot sur l’Entre-Deux et le romantisme. Cette critique est également « entre nous » : elle n’est pas publiée dans le Journal de l’île. D’ordinaire, nous ne testons pas les adresses proposant des plats métros ou assimilés, cette critique est donc plus subjective encore que les autres. Il serait toutefois opportun que la nouvelle direction se pose des questions concernant la cuisine de l’Entre Nous…

Voici ce qu’on peut lire sur le site de l’établissement : « Le chef élabore une cuisine créative, en revisitant les plats traditionnels créoles et européens. Les produits sont achetés localement, chez des producteurs connus pour la qualité de leurs fruits, de leurs légumes et de leurs viandes. Une gamme de plats végétariens est disponible », une cuisine « fusion créole ».

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« Fusion créole » il faut le dire vite.

Outre le fait d’avoir un seul plat créole à la carte, un comble pour un hôtel sur notre île à la gastronomie si riche (mais après tout c’est un choix stratégique comme un autre), nous ne voyons pas bien le côté « fusion » dans les plats affichés.

Nous avons dîné d’un « l’aspic de vivaneau aux épices douces, combava et citron confit » en entrée, et de « Saint-Jacques marinées, risotto d’orge et piquillos », en finissant par un dessert de café en trois textures, émulsion, biscuit et glace. Un repas qui ne nous a pas vraiment convaincu.

IMG_7317L’aspic (des aliments en gelée) est tyrannisé par le citron, lequel a dû être « confit » juste la veille. Les morceaux sont croquants. On ne voit dès lors pas bien où sont les « épices douces » et quelle est leur nature. Du combava, on ne perçoit que l’amertume. Le vivaneau, quant à lui, se manifeste en envoyant des salves brutes de vieux corail mort aux saveurs saumâtres.

IMG_7325C’est sans doute original de faire un risotto avec des grains d’orge, mais ceux-ci sont restés très « al dente », par rapport à un risotto classique. Assez désagréable. L’assaisonnement au fromage n’est pas trop mal, mais laisse le poivron timide. Les deux noisettes de Saint-Jacques, à peine assez grosses pour caler une dent creuse, et décongelées bien sûr, ont les prétentions à marée basse.

IMG_7331Le dessert au café est bien plus plaisant. Sucre maîtrisé, parfum qui reste au nez, beau jeu des textures, il termine en beauté un repas dont on ne sait trop quoi penser.

Si tous les mets sont du même genre que ceux que nous avons dégusté, ils sont hors sujet par rapport à la philosophie affichée. Et il y a encore du pain sur la planche. Surtout dans un village où pas moins de trois autres adresses proposent une cuisine française et du monde élaborée, et dont la réputation n’est plus à faire. Une vraie «cuisine fusion» aurait donc sa place pour mettre à l’honneur non seulement les produits de notre île, mais également sa gastronomie.

 

Hébergement correct

Côté chambre, la propreté est sans reproche. La décoration est un peu datée, mais les meubles en bois, et le sol en béton ciré rouge, donnent un peu de chaleur. Pas de climatisation, un simple plafonnier va tempérer la température, ce qui, à cette altitude, est bien suffisant, surtout en hiver. Le balcon est envahi par la végétation. Ce serait agréable si elle ne cachait pas presque totalement la vue. La literie de notre chambre est à revoir. Pour dormir correctement sur un tel matelas, il faut être fakir. C’est dur comme du béton. Renseignement pris, un lifting des chambres serait programmé pour l’année prochaine.
Rien à dire sur l’accueil et le service, très professionnels et aux petits soins, pas plus que sur le petit-déjeuner, relativement copieux… si l’on compare à des hôtels trois étoiles locaux, bien sûr …

Membre du Groupe Amanta resorts depuis un peu plus d’un an, l’hôtel Le Dimitile, quatre étoiles (si, si !), propose 14 chambres doubles et 4 chambres triples. Chaque chambre est lovée dans un cocon de verdure. La piscine est chauffée. L’hôtel organise régulièrement des événements, comme les dîners dans le noir, pour mieux ressentir les saveurs des mets, les week-end yoga, en partenariat avec l’association réunionnaise de yoga et des dégustations de vins.

Le « coin marmites » du Choka Bleu

IMG_7194C’est un soleil d’été en septembre qui tape aujourd’hui sur la plage du Trou d’eau. Il est 11H30. Un peu plus loin en direction de Saint-Leu, le restaurant le Choka Bleu vient d’ouvrir ses portes. Les pieds dans l’eau, et la tête au milieu d’un no-man’s-land de cailloux et de poussière. On ne saurait dire depuis quand cette visite était envisagée, nous y voilà enfin.

La grande salle ouverte sur l’océan comprend une soixantaine de couverts, balcon compris, plus une trentaine d’autres dans une salle fermée adjacente. On nous y accueille avec sourires et égards. On nous propose la carte, et on nous explique le fonctionnement du « coin marmite », ce pour quoi nous sommes venus. 25 euros à volonté. C’est un peu au-dessus des tarifs pratiqués jusqu’ici dans d’autres établissements qui adoptent le système du buffet. Nous serons donc conséquemment plus vigilants encore. Prévenons tout d’abord les hululements scandalisés des effarouchés de la critique culinaire : la présente concerne uniquement la qualité du buffet « marmite » du Choka Bleu et en aucun cas les plats d’inspiration métropolitaine, et réalisés avec des produits locaux, figurant à la carte. Le dessert, puisque dessert il y a, est cité à titre purement anecdotique.

IMG_7176Du côté des marmites, présentées « à la façon feu de bois », mais cul au gaz, tous les caris réunionnais typiques se sont donnés rendez-vous : cari la patte cochon (écrit « la pâte », un porc de chez Panzani ?), le rougail morue, un civet de canard, un massalé cabri, un cari camaron, avec des brèdes cresson. Nous avons déjà croisé du cresson lors de nos pérégrinations, en salade, du côté de Salazie, mais c’est la première fois que nous les voyons cuites en brèdes dans un restaurant. Voilà qui est encourageant. Trois rougails sont aussi présents. Taïaut.

Nous entamons la dégustation avec le massalé cabri. Difficile de dire qu’il n’est pas bon. La viande est presque fondante sur ses parties grasses, les os se détachent facilement. La saveur typique et complexe de la poudre de massalé fait un passage sur nos papilles, mais n’en fait pas deux. Malgré le soutien du caloupilé, tout cela reste timide, fugace. Les ancêtres malbars n’ont pas inventé le massalé pour être fugace, mais pour envahir les cavités buccales et nasales comme un tsunami. C’est un roussi à la sauvette qui est probablement responsable de ce résultat, ou une poudre éventée. Passons au canard.

Le civet n’est pas beaucoup plus enjoué que le massalé. Cette fois encore les saveurs, bien que présentes, rasent les murs. Heureusement que la viande de canard a du potentiel et se suffit à elle-même. Le vin cuit, qui se manifeste à peine au nez, n’est même pas soutenu par du girofle ou même du laurier, comme la cavalerie sauve de la Bérézina.

Nous commençons a froncer les sourcils, mais la cavalerie arrive avec la morue. Bien que présentée en morceaux de grosseur hétéroclite, le poisson présente sans honte ses saveurs de dessous de bras caractéristiques, celles-ci étant portées par le côté chauffé des morceaux de gros piment. Le sel est bien dosé. Malgré ses côtés secs, la morue se faufile jusqu’à l’estomac en distribuant du contentement.

Le plaisir se poursuit à la dégustation des camarons. Pas des camarons de rivière, vu les accents marins qu’ils envoient. C’est puissant, relevé, et leurs coques se mastiquent avec une patience consommée, jusqu’à épuisement total de leurs charmes. Le rougail citron vert apporte ici sa juste contribution.

IMG_7181Retour à la terre avec le cari la patte cochon. Nous l’accompagnons des brèdes cresson et du rougail tomate. Ce cari est un peu plus goûteux que le cabri et le canard, bien qu’arborant une couleur pâlotte. Evidemment, c’est la chasse au trésor dans la marmite pour débusquer les morceaux les plus charnus, et la cuillère en bois mise à disposition n’est pas très pratique surtout pour aller chercher la sauce au fond. Des réminiscences de thym et d’épices roussies assurent le minimum syndical. Les brèdes cresson croquantes illuminent le cari avec leur amertume piquante. Le rougail tomate est également très parfumé, mais les tomates ont semble-t-il un peu rendu de leur eau. C’est en tout cas plus sympathique que les tomates hachées gros-doigt qu’on trouve trop souvent par ailleurs.

Le riz et les lentilles ne valent pas la peine qu’on s’y attarde. Le riz est cuit, mais sec, en grains longs détachés, pas du tout adaptés pour absorber les sauces. Les lentilles sont du même acabit : secs et durs, sans une once de velouté.

Nous terminons avec la tarte au citron meringuée de la carte, joliment présentée. La « meringue » est molle. Le dessert est bon, mais pas transcendant Malheureusement, « Nout’ Racines », le dessert phare de l’établissement, était aujourd’hui porté pâle. Nous repartons en réglant une note de 59 euros pour deux personnes, dont plus de 45 euros pour le buffet marmite, un cocktail, un dessert et un café. Le rapport qualité-prix est perfectible.

Perfectible en effet un rapport qualité-prix pour ce buffet affiché à 25 euros. Sans doute paye-t-on le décor, la vue, ou le service dont on peut dire qu’il est très professionnel, et même largement au-dessus de celui qu’on rencontre dans d’autres établissements de même catégorie.

IMG_7172IMG_7190Cela aurait pu être pire. Si l’on prend pour comparaison les « buffets créoles » proposés sur la côte balnéaire, et dont certains ont été durement vilipendés ici même avec fourchette en plastique pour récompense, celui du Choka Bleu est assez respectable, en dépit d’une fuite patente de goût. Il faudrait voir à ne pas glisser vers les prestations médiocres de certains établissements qui prennent les touristes pour des pigeons voyageurs, en s’asseyant au passage sur la tradition culinaire réunionnaise, avec la bonne dose de je-m’en-foutisme de rigueur. Et ce n’est pas TripAdvisor qui le dit. Le Choka bleu n’en est heureusement pas là, et souhaitons-le, jamais. Il n’y a aucune fourchette entre l’inox et l’argent. Donc, pour son « coin marmite » (et uniquement) nous délivrons au Choka Bleu une juste fourchette en argent, en attendant mieux.

Les plats à la carte sont une toute autre affaire, et nous vous recommandons d’aller y goûter.

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Farg2
Pour résumer. 
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : buffet
 Service : très bien • Qualité des plats : moyens/bons
• Rapport qualité-prix : mauvais. 
Impression globale : assez bonne table

Fourchette en argent

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L’Alambik

Le port de Sainte-Marie est en travaux jusqu’à Dieu seul sait quand. Tous les restaurants ont été rapatriés dans des locaux provisoires tout contre le jardin gardé par la statue du Mahatma Gandhi, sous les arbres. Enfin, « jardin » est un bien grand mot. Disons plutôt « parking la poussière » pour le moment.

IMG_7142Aujourd’hui nous allons tester l’Alambik, petit restaurant de cuisine locale tenu par un « marmaille la kour » de La Mare. Il a bien arrangé
son affaire, l’endroit est sympathique et accueillant. Quelques jours auparavant, nous avons joué les éclaireurs en dégustant une barquette de rougail saucisses-boucané, avec assez peu de boucané, mais avec assez de goût pour nous donner l’envie d’y retourner.

Deux jeunes gens nous accueillent avec sourire et prévenance. L’un d’eux, le gérant semble-t-il, nous installe la table à l’ombre et prend notre commande, sous un air de « Naéssayé ». Le temps d’écluser une blonde, et voici les assiettes servies, ou plutôt les vannes.  Ici pas de chichi ou de carte à rallonge. C’est à la bonne franquette : trois ou quatre caris, pas plus. Les Caris bichiques et poulet massalé pomme de terre du jour feront notre affaire. Nous laissons le gigot d’agneau. Vous pouvez trouver les menus sur leur page Facebook.

IMG_7133Si vous avez lu notre pénultième critique, sur un restaurant de Sainte-Rose, vous vous rappelez que nous y avions dégusté un cari bichiques un peu mouillé. Celui qui se trouve dans notre assiette aujourd’hui est aux antipodes de cet « à peu près » plat. En effet notre cari bichiques  (d’importation, toujours) est sec comme un coup de trique. Epicé comme il faut, avec de belles remontées de gingembre et de thym, des tomates à petite dose et cette odeur sympathique qui fait reconnaître ce cari à cent mètres. En bouche, c’est très bon. Le sel joue au garde du corps, sage et vigilant, et on regrette peut-être un manque d’onctuosité qu’une cuillère ou deux d’huile supplémentaire auraient pu apporter. Dommage également de trouver des morceaux de bois de thym coupés aux ciseaux, nos gencives n’aiment pas.

Entre-temps, l’un des deux compères nous ramène un peu de confit de citron massalé, arrangé par un gramoune aux fières bacchantes, qu’on retrouve au marché forain de Sainte-Marie le samedi. Une bombe gustative qui vous fait oublier que votre estomac a des limites. A tester d’urgence.

IMG_7139Le poulet n’est pas vieux. Il n’a pas beaucoup vu le soleil, pas plus que mangé cinq fruits et légumes par jour. Bref, ce n’est pas de la volaille de compétition, en témoigne une chair blanche et un peu sèche. Pour autant, c’est un cari « qui déchire ». Un assaisonnement impeccable, dosé au gramme près, qui laisse causer un massalé vivifiant, tonique, mais tout en nuances et non agressif. Quelques feuilles de caloupilé amènent leur fumet profond, qui habille bien la volaille. Ce n’est pas pour rien que les «cousins» les appellent « le caripoulet ». Les patates, succulentes, pas farineuses, offrent un mordant assez ferme. Elles embaument de la sauce curcumatée, à vous retourner les narines de plaisir. 

IMG_7140Le riz grains longs, et détachés, n’offre pas de bouchées aussi gourmandes qu’avec des grains épais, mais il se défend quand même. Les haricots blancs suivent le mouvement. Le rougail « zognon » est « dangereux ». Tout au long de l’année, nous nous plaignons régulièrement de retrouver trop souvent ce rougail à notre table, comme une rengaine interminable. Aujourd’hui, c’est différent : c’est l’un des meilleurs rougails « zognon » que nous ayons jamais dégusté. Une fragrance citronnée qui fait merveille, avec un piment juste à la limite de la claque, histoire de faire transpirer le touriste à retardement. C’est frais, c’est enjoué, et donne vie à la fourchette, comme si elle  ramenait les aliments à la bouche toute seule.

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Pas de dessert pour terminer ce repas, c’est bien dommage. Deux cafés nous consoleront.

Nous repartons après règlement d’une note de 37,60 euros pour deux boissons, deux repas et deux cafés, soit un peu plus de 18 euros par personne. Le rapport qualité-prix est acceptable.

C’est un restaurateur (bien noté) qui a involontairement attiré notre attention sur l’Alambik dont nous ignorions jusqu’ici l’existence. Voilà une découverte des plus intéressantes. En effet, le chef nous a fait une démonstration magistrale de son savoir-faire, en accommodant des produits de base, pas chers, pour en faire des caris tout à fait civilisés, comme le professeur Higgins qui transforme une marchande de fleurs vulgaire en femme du monde dans « My Fair Lady »! Et ainsi faire en sorte que le client en ait pour son argent.

Que manque-t-il à l’Alambik ? Un cari supplémentaire peut-être. Une entrée. Des desserts réguliers. Proposer une carafe d’eau. Mais certainement pas la bonne humeur, l’hospitalité et la gentillesse dont ses deux hôtes débordent généreusement. Certains devraient en prendre de la graine. Avec quelques ajustements, sans trahir l’esprit convivial et authentique, l’excellence ne serait pas loin. 

Autant d’arguments qui justifient largement l’attribution d’une belle fourchette en argent à ce petit restaurant de Sainte-Marie.

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Farg2
Pour résumer. 
Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : bien
• Service : très bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix : bonsImpression globale : bonne table

Fourchette en argent

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La Case de l’Oncle Tom

La semaine dernière nous avons relaté l’ouverture dans le jardin de l’Etat d’un nouveau restaurant : l’Oiseau du jardin. Aujourd’hui nous visitons un autre établissement situé sous les arbres : La Case de L’Oncle Tom, posé dans le parc de la Trinité sous un énorme banian, derrière la médiathèque baptisée du patronyme d’un autre tonton.

IMG_0121« La Case de l’oncle Tom », évoque le célèbre roman d’Harriet Beecher Stowe traitant de l’esclavage, dont un mémorial est édifié tout près. Y aurait-il un rapport ? N’allez pas demander au chef s’il vend des frites ou des bouchons dans son snack, vous risqueriez de l’indisposer. Le message écrit blanc sur noir sur le panneau extérieur est explicite : ceci est un restaurant !

« C’est si rare de voir un restaurant ouvert aux quatre vents dans un cadre comme celui-là, les gens ne sont pas habitués. J’ai assez donné dans ce genre de cuisine (la cuisine rapide). Aujourd’hui je fais la cuisine que j’aime, avec des produits de qualité», nous lance le chef en plongeant sa cuillère dans la marmite pour nous servir. Car pour une fois, nous prenons des plats à emporter. Il y a assez d’espace autour pour déjeuner en paix sous les arbres. L’établissement met tout de même à disposition une trentaine de couverts sous sa terrasse, pas pour le même tarif, il va sans dire. Et si Stephan Eicher, les plats ne le sont pas. Au menu du jour : bœuf carotte, un cari policé, cari saucisses pomme de terre, rôti de poulet jaune et cari vegan petit pois (soja texturé bio).

Notez que les gérants, Thomas et Béatrice, affichent une totale transparence quant à l’origine des produits qu’ils utilisent. Sur leur page Facebook, les petits pois sont par exemple signalés surgelés. Ayant réservé, puisque c’est conseillé pour les plats à emporter, nous repartons avec le bœuf et les saucisses.

Première surprise : les barquettes n’en sont pas vraiment. Ce sont des containers en carton (alimentaire, et bio-dégradable) qui doivent coûter une petite monnaie. Nous en avons trouvé sur le net à plus de 9€ les 25 unités. C’est le prix à payer pour éviter la propagation du plastique. Les portions sont généreuses.

IMG_0135Testons d’abord le bœuf, du jarret (précision apportée sur leur page facebook). La chair est juste assez grasse pour fournir une belle souplesse en bouche. Le mordant est gourmand, aucune présence de filasses sèches et désagréables qui vient se loger entre les dents. Une saveur de vin cuit, agréablement soutenue par un girofle domestiqué, monte jusqu’au nez pour y lâcher des notes de poivre et de laurier. Les carottes (péi) compensent parfaitement l’acidité sous-jacente et un sel assez présent par leur douceur naturelle. La barquette est atomisée.

Le cari saucisses pomme de terre est un ton en dessous mais reste très bon. Des saucisses de chez Alagama, apparemment fournisseur du restaurant, charcutier qui vient tout juste d’ouvrir son point de vente à Sainte-Suzanne, et qui peut s’enorgueillir d’une réputation respectable dans le milieu du cochon (leur boucané est délicieux). La texture des saucisses donne dans le moulu fin, mais pas trop. Des petits bouts s’éparpillent un peu. La saveur est prononcée, brute mais non brutale, comme un fumet sauvage qui irait bien se marier avec celui des andouillettes créoles. Ici aussi le sel joue les gros bras, les patates ont un peu de mal à le calmer mais y parviennent tout de même. 

Les accompagnements sont corrects. Le riz, en grains séparés, est bien cuit. Si le sauté de chou est assez commun chez les familles réunionnaises, nous le trouvons que très rarement dans les restaurants, bon point donc, mais nous l’aurions apprécié plus croquant encore. La petite sauce de piment vert au gingembre mangue se pose en redoutable excitateur d’appétit. Mention spéciale pour les lentilles. Ce ne sont pas des lentilles en boîte, pour sûr, vu le bouquet qu’elles envoient. Cela sent la terre juste après une averse, sur un velouté délicat qui porte aussi l’arôme des épices roussies, ail, ail, ail !

Addition : 15 euros à emporter pour ces deux caris. Il nous en aurait coûté 27,50 € si nous avions déjeuné sur place. Le rapport qualité-prix est bon.

IMG_0125La Case de l’oncle Tom, niché dans le parc de la Trinité, c’est d’abord une bonne cuisine créole traditionnelle, qui privilégie les produits frais. Mais quand on dit «traditionnelle », ici il faut l’entendre au sens large. Le chef ne se contente pas des grands classiques, il sort des sentiers archi battus par d’autres restaurants. Ainsi le cari saucisse pomme de terre et le sauté de chou sont des plats que nous n’avons quasiment jamais trouvé ailleurs en huit ans de critiques. En outre, un « gros » vendredi, où le rougail morue est de rigueur un peu partout (ça en devient lassant), La Case de l’Oncle Tom préfère proposer un cari végan. Pour y déjeuner, soyez ponctuels. Le restaurant n’est ouvert que de 12h à 14h. Ne vous étonnez donc pas si vous le trouvez fermé en dehors de ces horaires. Pour les plats à emporter, on vous prie de réserver avant 11H45. 

Voilà une adresse à retenir. Pour ces repas goûteux, pour leur originalité, pour la passion visible du chef, nous décernons à La Case de l’Oncle Tom une jolie fourchette en argent.

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Farg2
Pour résumer. 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : barquette
• Service : bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix : bonsImpression globale : bonne table

Fourchette en argent

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La Coulée 77

IMG_6920Piton Sainte-Rose a fait de la coulée de 1977 une attraction touristique, notamment avec l’histoire de son église préservée de la destruction. Nombre de restaurants se sont installés dans les parages. Le dernier en date a être testé fut le Corail, en 2014, qui hérita d’une fourchette en inox.

Aujourd’hui nous allons mettre les pieds sous la table du restaurant « La coulée 77 », installé à quelques dizaine de mètres de l’église, sur le trottoir d’en face. L’établissement est aussi un snack, un PMU et une boutique de souvenirs. L’accueil est poli. Nous nous installons dans la salle d’une trentaine de couverts, et plus si affinités. On nous propose une table de deux pour manger à trois. A notre départ, la plupart des tables étaient encore inoccupées. Nous n’avons pas bien compris la manoeuvre.

Au menu du jour : cari poulet péi, boucané aux brèdes lastron, cari bichique, civet zourite, sauté de poulet aux brèdes, massalé de poisson frais, et cari de camarons. Nous commandons le poulet, les bichiques et le camarons. Le zourite, notre premier choix, étant épuisé. Le service est aimable, efficace et prévenant. Les plats sont un peu plus longs à arriver que dans d’autres établissements, mais l’attente est raisonnable, surtout si les plats sont réalisés avec des produits frais et ne sortent pas du congélateur. Les assiettes dressées finissent par arriver. Nous notons l’effort d’une présentation très colorée. Espérons que le plaisir du palais suive celui des yeux.

IMG_6927Le poulet a effectivement tous les atours du gallinacé « péi ». La couleur tire vers le marron cuivré, l’aspect est ferme, la chair ne se disloque pas en filasses sèches. En bouche, c’est très correct. La mâche est souple, et livre une saveur convenable, quoiqu’un peu timide. Un petit goût de sel et d’épices supplémentaire n’aurait pas été de trop. 

IMG_6922Nos bichiques péi, très supérieurs en goût à leurs cousins importés congelés, sont devenus un produit de luxe.  Ceux que nous dégustons, venus de «déor», vu le prix affiché, envoient au nez une charge de gingembre conséquente. La dégustation confirme l’examen visuel : un aspect un peu « mouillé », ou le sel, cette fois, est bavard. La saveur des alevins est beaucoup trop confidentielle. En soi le plat n’est pas mauvais, mais il est assez éloigné du cari classique. Les bichiques, qu’ils soient locaux ou importés, sont en effet bien meilleurs préparés à la traditionnelle, c’est à dire cuits sans eau, avec suffisamment d’huile et le secouage de marmite recommandé pour ne pas les écraser. Pour les sublimer, l’option « saupoudrage au piment vert » pourrait être proposé aux clients. 

IMG_6925Les camarons sont dans la même veine. Nous avions l’espoir que leurs coques conservées auraient joué leur rôle habituel de concentrateur de goût. C’était sans compter le fait que, selon toute évidence, elles n’ont pas assez attaché au fond de marmite avant que les crustacés ne boivent la sauce. Oubli ou manque de temps ? Il en résulte un cari aux saveurs trop «lisses», sans cet éclat de roussi particulier qui d’ordinaire saute au nez, même si, par ailleurs, le goût des camarons est présent dans une chair qui a conservé une certaine élasticité. C’est très dommage. Pour le prix, 20€, un flambage au rhum, par exemple, aurait été salutaire.

Le riz et les grains sont assez bons. Nous demandons un piment la pâte pour changer un peu du sempiternel rougail citron-oignons. Le remplaçant joue parfaitement son rôle, avec tous les plats. Une petite salade de crudités apporte une belle fraîcheur à l’ensemble.

IMG_6930En dessert, nous choisissons un roulé au coco et une tarte chocolat-banane. Le roulé est délicieux, moelleux et pas trop sucré. La tarte chocolat banane aurait pu donner un peu plus d’importance au fruit. Le chocolat est tyrannique.

Addition : 70€ et des poussières pour trois caris, trois boissons, et deux desserts. Le rapport qualité-prix est perfectible.

20€, 18€, c’est en effet un peu cher payé pour des plats qui ne sont pas aboutis : des bichiques en jus et des camarons pâlichons. En dehors de ces remarques, le repas s’est bien passé. Nous avons vu largement pire ailleurs. Ajoutez à cela un service impeccable, et nous avons toutes les raisons de repartir peut-être légèrement frustrés, mais dans l’ensemble satisfaits. Assez en tout cas pour octroyer à la coulée 77 une fourchette en argent… ric-rac.

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Farg2
Pour résumer. 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : bien
• Service : très bien • Qualité des plats : acceptable • Rapport qualité-prix : mauvaisImpression globale : bonne table

Fourchette en argent

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Chez Doudou

IMG_6720Aujourd’hui, nous voilà chez Doudou, route du Maïdo, adresse que nous avons visitée en 2012. Une mise à jour de fourchette s’impose.

Si l’extérieur est resté à peu près identique, la salle est beaucoup mieux aménagée et décorée que dans nos souvenirs. L’ambiance chalet est propice à la détente et quelques produits artisanaux proposés à la vente raviront les touristes.

IMG_6722La maison a choisi le buffet à volonté comme mode de fonctionnement, avec boissons, amuses bouches et dessert compris pour 23 euros. Dans les bacs : un cari de poulet, un civet de canard, un rougail saucisses-andouillettes-boucané, un cari de poisson, des grains, une daube de chouchou. Présentés à part, et assez joliment, quatre rougails : concombre, baba-figue, chouchou et bringelles. L’accueil est poli. Nous sommes placés, et l’on vient prendre la commande des boissons. Un jus de goyavier et un punch maison bien frais mettent nos papilles au garde-à-vous.

IMG_6725L’assiette d’amuses-bouche ne tarde pas. Quelques beignets de bringelles et de songe et des bouchons frits côtoient des chips de patate douce, accompagnée d’une succulente sauce épaisse, douce-acide et pimentée. Cette entrée en matière étant engageante, nous fonçons vers les caris avec confiance.

Le cari de poulet est assez standard. Un peu blême aussi. Les morceaux de viande ont tout de même de la tenue, et ne sont pas secs. La sauce imbibe l’affaire correctement et le mélange avec le riz, quoiqu’un peu huileux, produit les effets escomptés. Le goût est au rendez-vous.

Les charcutailles en rougail font mieux. Les morceaux de boucané coupés assez gros procurent une mâche gourmande, où le sel est un peu prétentieux, sans être vraiment dérangeant. A vrai dire il relève bien l’ensemble. Les saucisses sont moulues finement, elles dégagent un beau fumet quand la peau frite craque sous la dent. La sauce bien rouge est goûteuse colore le riz, et incite à se relever pour aller chercher des tranches de saucisse supplémentaires.

IMG_6727Le civet de canard est trop timide. Il frise même le black-out gustatif. La couleur est d’ailleurs assez pâle, pour un civet. Pénurie de gros rouge ? Girofle éventé ? Poivre confidentiel ? Pas assez roussi ? Un peu de tout cela peut-être. Un civet qui ne casse pas trois pattes à un canard. 

Le poisson est pire. Les filets, du congelé sans aucun doute, durs sous la dent, baignent dans une sauce tomate trop salée, dont le persil pourtant joyeux peine à masquer la médiocrité. Le poisson lui-même est fadasse. Autant jeter des bouts de carton dans de la sauce tomate en boite avec du sel, on ne verrait même pas la différence. Si c’est là l’unique plat pour les clients qui ne mangent pas de viande, la déception est au rendez-vous.

Les (vieux) chouchous sont passables, si l’on fait abstraction du bombardement au poivre. Le riz fait son travail, les grains affichent un petit fumet plaisant. Mention spéciale pour les rougails : ils sont tous très bons, avec la dose de piment programmée pour les palais délicats. Le baba-figue délivre une petite amertume contenue, très agréable. Le rougail chouchou, finement râpé, est légèrement croquant, et très frais. Le rougail bringelle, dans le même esprit, aligne son onctuosité parfumée.

IMG_6733Au dessert : crème brûlée au géranium et tarte aux goyaviers meringuée. La crème est tout à fait délicieuse, et son humeur de géranium est pour le palais un baume de plaisir. La tarte est assez bonne, sucrée, mais la meringue est molle. Un succulent petit rhum arrangé au café met un point final au repas.

Addition : 46 euros pour deux personnes. Le rapport qualité prix est globalement assez bon.

Elle est loin, l’improbable tambouille à laquelle nous avons eu droit en 2012 chez Doudou. Les choses ont évolué, mais des progrès sont encore à faire. Nous avons apprécié l’offre des rougails, les amuses-bouches et deux caris. Deux autres étaient pitoyables. Quand on se retrouve en tête des adresses culinaires du patelin, avec des touristes qui débarquent, on fait tout pour que la totalité des caris soient bons. Pas besoin de faire du poisson, si c’est pour proposer ces filets congelés, à l’instar des infâmes pangasius, leurs frères ou leurs cousins, dans une sauce tomate salée. Céder aux sirènes du profit au détriment de la recherche de la qualité n’est pas rendre service à notre tradition, et c’est aussi mépriser nos touristes. Surtout quand on revendique cette tradition lontan sur un panneau du parking !

Deux couacs qui ternissent quelque peu l’ensemble de la prestation, mais ne nous empêchent pas de constater une nette amélioration globale par rapport à notre précédente visite.

La fourchette en inox est évitée de très peu. 

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Farg2
Pour résumer. 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : buffet
• Service : très bien • Qualité des plats : acceptable • Rapport qualité-prix : bienImpression globale : bonne table

Fourchette en argent

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