Le Riz Sofé ne décolle toujours pas

Passage éclair du côté du Riz Sofé, petit restaurant posé sur la traversante de Terre-Sainte et qui, depuis son ouverture, avait donné des signes positifs quant à la qualité de ses plats. Nous l’avions visité à peine un mois après son ouverture et nous avions également acheté des barquettes à l’occasion.


Nous nous y arrêtons une fois de plus en cette année 2022 finissante. Au menu : rougail saucisses, civet de cerf, rougail boucané, porc chouchou, rougail morue, Civet la patte cochon fumé, rougail chevaquine et cari poulet. Soit huit plats. Sont-ils tous du jour ? Non, certains sont de la veille.
Dans les accompagnements figurent des brèdes chou-de-Chine, et le plat le Riz Sofé éponyme.
L’accueil est sans défaut, le service non plus. Sourire et efficacité sont présents. Le cadre est agréable et confortable.
Nous demandons le rougail morue, sur place, plus le civet la patte à emporter.
Le plat arrive assez rapidement, le temps de se désaltérer.


A la vue le rougail morue présente bien, avec une jolie couleur. Au nez aussi, bien que nous ayons vu des rougails plus odorants que celui-ci. En bouche, surprise : la salaison envoie de la douceur, et pas subtilement. Qu’est-ce qui s’est passé ? Tomates trop mûres ou est-ce la faute aux oignons ? Heureusement que la texture est satisfaisante, bien que nous aurions aimé un plat un peu plus sec. Les brèdes sont à la fois croquantes et délicates, leur amertume est légère et la dose de sel est impeccable. Le riz « sofé », marque de fabrique de l’établissement, est assez bon. Les grains de riz sont tendres et collent juste ce qu’il faut, mais ici le sel fait défaut. On le compense avec le petit piment la pâte orange.

Le civet la patte cochon fumé est en soi un non-sens, selon nous. Mais il fallait le goûter pour en avoir le cœur net. Le verdict est imparable : le côté vin s’accommode mal de la viande fumée, et inversement. En effet les saveurs se mélangent et annulent mutuellement leur intérêt respectif. On n’apprécie plus ni le fumé et de la viande, ni la cuisson au vin. Mieux vaut faire un civet avec la patte fraîche, et un cari avec la patte fumée, c’est plus clair.

La crème brûlée du dessert fait son office, sans plus.
Nous repartons en réglant 33 euros pour une boisson, un plat, une barquette, un dessert.
Le rapport qualité prix est perfectible.

Le Riz Sofé figurait dans le « Guide Jaune », mais dans la liste de fin de chapitre, celle qui indique les restaurants dont la cuisine est correcte mais sujette à amélioration et/ou de qualité inconstante.
Nous avons bon espoir de le sortir de là pour lui attribuer une fourchette, mais ce ne sera pas le cas aujourd’hui. Il faudra une nouvelle visite pour cela. Il manque justement de rigueur et de constance. Parfois les plats sont bons, parfois ils naviguent dans les eaux grises du passable, celles fréquentées par les bouis-bouis dont l’ambition n’est que de remplir les ventres de clients peu exigeants. C’est inadéquat avec les tarifs pratiqués. Le décor c’est bien, les prestations aussi, mais ce qui compte au final c’est le goût. Il ne faudrait pas l’oublier.

Restaurant Law Shun, la qualité dans la simplicité

Aujourd’hui nous visitons un restaurant de Saint-André dont nos antennes nous ont vanté les caris. Il se situe dans le haut de la ville. Pour éviter les embouteillages, vous pouvez passer par la route menant à Salazie, puis, au rond point de la station, redescendre l’Avenue de Bourbon. Vous le trouverez sur votre gauche un peu plus bas. Un bâtiment relativement récent, une grande salle très propre à la décoration minimaliste, des tables et chaises en plastique, sans nappes, voilà le décor.

L’accueil est très sympathique et souriant. Il est 11h00, les plats sont prêts et attendent les clients. Au menu du jour : gratin de brocolis, salade fermière, vindaye de thon, brèdes songe morue, rougail boucané, porc aux trois merveilles, poulet croustillant, shop-suey poulet, cuisses de poulet rôties, riz safrané aux légumes. Soit une dizaine de plats, un nombre raisonnable qui laisse espérer davantage de soin dans leur préparation. Nous demandons le rougail boucané accompagné du riz safrané, plus un vindaye et une morue brède-songe à emporter.

Le boucané affiche une jolie couleur, assez appétissante. La première bouchée confirme le visuel : c’est du boucané « dur ». Non pas qu’il nécessite une mâchoire de néandertalien pour être mastiqué, il est juste composé de plus de viande que de gras. Pour autant, cette dernière n’est pas sèche et si elle offre une belle mâche, propice à diffuser sa saveur fumée, elle reste accessible aux molaires. La sauce réduite emballe les morceaux sans supplément d’huile. Rien à voir avec certains caris qui nagent dans la flotte comme nous en voyons parfois. Le sel est légèrement bavard, on s’y attendait, mais il se fait plus discret sur la longueur, quand le palais s’est habitué. Bon point donc tant sur le choix du boucané que sur sa préparation.

Nous sommes en revanche un peu plus nuancés concernant le riz safrané, et moins sur son assaisonnement que sur sa nature même. En effet, si les saveurs n’ont rien à se reprocher, et si pour une fois le riz long en grains détachés s’impose par le cousinage du plat avec le briani, la dégustation est un peu gênée par une sensation sableuse ou farineuse sur les grains de riz. Peut-être un morceau de pomme de terre s’est-il effrité, peut-être est-ce du à la qualité du riz lui-même, ou bien encore à la sauce des haricots blancs, ce qui dédouanerait le riz. On aurait d’ailleurs aimé que ces derniers soient plus en crème. Le rougail Dakatine pour sa part est efficace.

Le vindaye est un des meilleurs que nous ayons dégusté, et nous en avons dégusté de très bons. Le plat n’agresse pas, avec des saveurs fortes où le citron est revendicatif. Ici, place au raffinement, autant que cela est possible, avec un trio safran, citron et graines de moutarde qui jouent leur partition en parfaite harmonie. C’est délicat, et laisse au nez des odeurs complexes d’épices fraîches. Le thon n’est pas top sec, et profite amplement de ce festival de saveur.

La morue brèdes songe, ou l’inverse, n’est pas en reste. C’est de la belle ouvrage, très proche de ce que l’on pouvait apprécier naguère dans le regretté restaurant Chez Ti Fred. La texture n’est pas humide, signe d’un essorage des songes réglementaire, et l’on y distingue à peine les morceaux de morue, signe d’un émiettage patient, façon grand-mère. En bouche, c’est bien la morue qui s’impose, mais pas au détriment des brèdes songe, dont on sent quand même le goût si particulier.

Sur place, nous terminons avec un gâteau banane maison, pas trop sucré, et qui évite d’être compact et laisser la sensation d’avaler un parpaing après le boucané. C’est bon, mais une présentation à l’assiette avec une boule de glace, de la chantilly, du chocolat fondu et/ou un fruit serait un plus apprécié, quitte à ajouter 2 ou 3 euros au tarif.

Nous repartons après avoir réglé une note de 24€ pour trois plats dont deux à emporter, une boisson et un dessert. Le rapport qualité-prix est très bon.

Les « majors » de Saint-André ayant tous été visités, nous désespérions d’y trouver un établissement qui puisse soutenir la comparaison. Les nombreux petits restaurants, snack et point de vente à emporter sont en effet de qualité très inégale, et frisent la plupart du temps le très moyen. Ce n’est pas le cas du Law Shun auquel il ne manque pas grand chose pour atteindre le niveau supérieur, celui qui va déplacer les foules depuis loin. La cuisine est simple et bonne, si tous les plats ressemblent à ceux que nous avons testé. Le chef connaît visiblement son affaire. Une assiette de crudités pour accompagner le plat (et qui pourrait servir d’entrée), des desserts plus variés et travaillés, des nappes ou des sets de table (même en papier), avec des couverts, quelques plantes vertes, un peu plus de déco, autant d’éléments qui inciteraient davantage la clientèle à rester sur place. Pour l’heure, le Law Shun a de bonnes chances d’entrer dans le prochain « guide jaune ».

Zarboutan ? De quoi ?

Deux restaurants créoles de Sainte-Marie figurent dans le guide jaune 2022, mais cette commune en abrite bien plus, surtout des petites structures, à la qualité inégale et inconstante. Aujourd’hui nous visitons officiellement Le Zarboutan, qui n’est pas spécialement petit, après plusieurs passages tout au long de l’année qui nous avaient donné l’espoir de le voir rejoindre ses deux confrères dans le guide l’année prochaine. Eh bien c’est pas gagné.

Le Zarboutan est planté au bord de la traversante principale de la zone de La Mare, et bénéficie de l’ombrage des arbres et d’un vaste parking à l’arrière qui permet d’éviter de chercher de la place jusqu’à ce que mort s’ensuive.
70 couverts sous chapiteaux, des tables hautes et basses, globalement propres si on n’y regarde pas de trop près (la nôtre affiche une vieille tache de café), plus un local équipé d’une vitrine où les clients choisissent leurs plats en mode buffet à volonté.
Le menu du jour comprend, outre les entrées, un massalé cabri, un cari la patte cochon, un rougail saucisses fumées poulet, un sauté de courgettes, un cari bichiques (importés), des grillades. L’accueil est poli, et le service efficace.

En entrées nous demandons des œufs mimosa, des petits sandwichs Dakatine, quelques feuilles de salades variées, et de la charcuterie. Les œufs sont assez bons, bien que salés plus que de raison. L’idée des sandwichs, des petits pains viennois, est à saluer. Le rougail Dakatine est standard, fort probablement industriel, avec un piment léger. Les feuilles de salades sont fraîches et croquantes.

Nous refaisons la queue pour les plats cette fois et entamons le cabri massalé. La viande est bien cuite et très moelleuse, mais le goût général est éteint. C’est du massalé pour palais zoreil fragile, si fait exprès, ou plus sûrement un plat fait à l’étouffée, sans roussi, avec une poudre éventée. Les quelques feuilles de caloupilé peinent à donner au plat un semblant de relief gustatif. C’est frustrant pour les amateurs de massalé. Il ne manque pourtant pas grand-chose pour qu’il sorte la tête de cette déprime.

Le rougail saucisses est un tas de sel. Ce qui est dommage car les saucisses sont assez bonnes, quoiqu’un peu grasses, signe d’un pedigree bas de gamme. En fait, la sauce est salée aussi, le cuisinier ne s’est peut-être pas contenté d’exploiter le sel de la charcuterie et en a rajouté. Certaines personnes aiment ça, sans doute.

Le cari bichique n’est ni fait ni à faire. On le sait, les bichiques importés, congelés, ont beaucoup moins de saveur que leur congénères locaux, vendus à prix d’or pour cause de rareté (la faute à la surpêche et au je-m’en-foutisme des pouvoirs publics concernés). Voilà pourquoi les cuisiniers ont tendance à y aller au godet de tractopelle pour l’assaisonnement, surtout concernant le gingembre. C’est aussi le cas présentement, mais cela aurait pu éventuellement passer si les bichiques n’étaient pas bouillies ! Un cari bichique mouillé est un scandale en soi. On peut comprendre que ça prenne du temps à tourner dans la marmite délicatement pour ne pas que ça attache trop au fond, mais dans ce cas pourquoi proposer le plat ? Pour faire joli ? Le « Z » de « Zarboutan » devient « Z » comme « Zéro ».

Le cari la patte pour sa part est très bon. Belle viande tendre, dont la peau fond presque en bouche. Jolie couleur appétissante. Le goût est conforme à ce qu’on attend de ce cari emblématique de la cuisine réunionnaise, épicé, profond, gourmand. Nous constatons la présence dans la sauce de plusieurs grains de ce qu’il semble être des baies roses. Celles-ci sont assez nombreuses pour oser une tentative d’aromatisation du cari, en dépit du fait que leur saveur est pâle. Il faut vraiment tomber dessus pour la ressentir. Fraîche, les baies roses s’emploient avec bien plus de prudence. Qu’importe, leur présence a donné à la sauce un côté un peu plus corsé, à la marge, et le cari s’en trouve valorisé.

Le riz a les grains trop détachés pour nous satisfaire, mais le restaurateur suit la tendance actuelle imposée par la clientèle appréciant la « sensation basmati », un riz qui, rappelons-le, ne convient pas aux plats en sauce comme les caris. Les grains sont corrects. Le rougail margoze est ciselé épais, avec un assaisonnement très passable, ou alors il a été mal mélangé.

Un tiramisu pour clôt le repas. Fait maison ou acheté à un prestataire, c’est un « tirami-en-dessous ». C’est lourd et grossier, avec une crème trop épaisse. Du comblage flingue-diabétique.

Nous réglons une note de 64 euros pour deux formules « à volonté », deux desserts et des boissons. Le rapport qualité-prix est mauvais.

Le Zarboutan est l’archétype du restaurant du midi pour travailleurs qui sait de temps en temps sortir des plats très corrects, mais qui semble globalement privilégier la quantité à la qualité, et cuisine à la va-vite, à l’économie. Les idées sont pourtant là. Si nous avons vu largement pire dans la catégorie des buffets à volonté, celui-ci mériterait un peu plus d’attention de la part du (des) cuistot(s), même si certains clients ne viennent que pour se remplir le ventre en vitesse. Excepté trois groupes, sans doute des entreprises du coin, il n’y avait pas tant de monde que cela ce jour-là, et apparemment pas mal d’habitués. Nous sommes certains que ce restaurant peut faire beaucoup mieux, mais pour le moment, on se demande de quoi est ce « Zarboutan »… pas de la cuisine traditionnelle réunionnaise en tous les cas.

Cette critique est faite suite à notre visite du mardi 22 novembre à midi. Elle est subjective par nature et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive sur la qualité du service et des plats de ce restaurant. Nous certifions n’avoir aucun lien avec les responsables de cet établissement ni aucun intérêt à lui donner une bonne ou une mauvaise note. Faites vous votre propre opinion.

Timides progrès à l’Auberge

Sainte-Anne et Saint-Benoît, sont un vivier de restaurants qui compte quelques bonnes tables. L’on peut citer « le Saint-Benoît », « La Cabane aux Epices », « Il était une fois dans l’Est », « Saveur dan’ Fèy Banane ». Aujourd’hui nous allons faire une mise à jour de critique à l’Auberge Créole. La dernière visite date de 2013, il était temps.

Nous débarquons de bonne heure, comme d’habitude. Pas de souci pour se garer, le parking est grand. La salle aussi, d’autant que peu de tables y sont dressées. Idéal pour les évènements familiaux ou d’entreprise. En effet une très belle terrasse tout en bois a été réalisée, ce qui, outre le fait d’agrandir le restaurant, lui donne un certain cachet, surtout au bord de la mer et près d’une ligne de pinpins typiques de la côte Est et Sud Sauvage. En revanche un certain désordre règne aux alentours de la caisse. Des bacs qui traînent ici, des baskets posées là, à la vue du client. Tout ça n’est pas très présentable.
L’accueil est souriant et avenant. Nous choisissons notre table. Le menu sur ardoise nous est déposé pour le choix. Les seuls plats qui mettent en appétit : un civet de cerf et un poulet palmiste.

Nous demandons à la serveuse si le cerf est local, ayant un doute. « Oui », nous répond-on. Va pour le cerf, plus le poulet à emporter. Aucune entrée n’est proposée, les seules crudités font partie de salades qui sont des plats à part entière. Voilà qui est dommage. Pourquoi ne pas imaginer servir ces mêmes salades en version réduite en guise d’entrée ?
A notre surprise, ce sont des samoussas (au fromage), des nems et bonbons piment qui nous sont servis. Pas mauvais, mais sans doute pas faits maison. Le cerf arrive. A la chasse !
Nous notons d’abord que l’odeur caractéristique de civet est standard, et pas très relevée. L’aspect général ne donne pas envie. Un peu plus persil ciselé, saupoudré avec davantage de soin, une ou deux tomates cerise, auraient suffi à donner au plat quelques couleurs, y compris gustatives. La première bouchée n’est guère engageante, la texture est de papier mâché, presque farineuse sur certains morceaux. La saveur intrinsèque de la viande est au rabais, atomisée par le vin rouge. Tout ça est grossier. Ça, du cerf péi ? Nous reposons la question à un autre serveur qui confirme les origines néo-zélandaises (et donc surgelées) du bestiau. Si on avait su, on aurait pas venu, comme dit l’autre.

Le poulet, lui, vient bien de chez nous. Encore heureux. Il se défend d’ailleurs beaucoup mieux. Rien à dire sur le cari lui-même. Le roussi est bon, les odeurs conformes et les saveurs aussi. Le palmiste, coupé assez gros pour avoir de la mâche, est imbibé de la bonne sauce, laquelle n’est pas claire comme nous avons pu le constater ailleurs à maintes reprises. En revanche la chair est sèche, encore. C’est loin d’être un poulet fermier, ou les poulets fermiers d’aujourd’hui ne sont plus ce qu’ils étaient. Encore moins un poulet « la cour ». On peut comprendre le choix économique d’une volaille rentable mais dans ce cas il faut adapter le plat.

Le riz, quant à lui, n’est pas grandiose mais fait le travail. Les haricots sont bons. Le rougail aussi, même s’il aurait pu être mieux haché que ça. Il faut hélas faire une croix sur le rougail tomate pilé à l’ancienne, qu’on ne retrouve même plus dans les tables d’hôtes. Trop difficile, trop fastidieux, pénurie de pilon ?

Nous demandons si le dessert est fait maison. On nous certifie que oui. La tarte tatin arrive donc après un temps d’attente certain, toute chaude, accompagnée d’une glace au coco. Il aurait été bon de préciser le parfum lors de la prise de commande. Tout le monde n’aime pas le coco. La pâte est fine, l’appareil conséquent, tout ça se déguste avec plaisir, mettant un point final positif à un repas assez moyen.

Nous réglons une addition de 62 euros pour deux plats dont un à emporter, une bière et un dessert. Le rapport qualité-prix est perfectible.


L’Auberge Créole est présente depuis des années à Sainte-Anne. Son emplacement, la configuration des lieux ainsi qu’une carte qui ratisse large (hors menu créole), en fait un acteur de poids du secteur, encore plus depuis son extension en point de vente à emporter « Fins plaisirs » un peu plus loin en direction de Sainte-Rose. Et c’est pas fini, selon nos sources.
Que dire de cette visite ? Même si l’impression générale est meilleure qu’en 2013, nous sommes repartis passablement frustrés. Le nouveau décor est pourtant très engageant, mais la révolution ne se voit pas dans l’assiette créole, pas encore, et pas ce jour là en tout cas. Si l’adoption d’un menu resserré serait une bonne chose, signe de modernité, ce n’est pas juste pour faire « tendance » mais pour privilégier les produits frais et de qualité. Qu’est-ce que c’est que ce cerf venant d’outre océan indien ? En regard de cette qualité là, on pourra trouver tout ça bien cher. Il serait bon aussi de briefer le personnel sur le contenu exact des plats, histoire qu’ils ne racontent pas n’importe quoi aux clients. Au passage, on ne nous a pas proposé d’eau, mais ça devient assez commun. Compte tenu du service flottant et de la qualité hésitante aujourd’hui, il faudra que l’Auberge Créole fasse mieux si elle veut entrer dans le « guide jaune » l’année prochaine. Le décor, c’est bien, mais ce qu’on a dans l’assiette, c’est mieux. Qui trop embrasse mal étreint, surtout avec le recrutement problématique de nos jours.

Kel Délice, du potentiel à la rue Bois de Nèfles

Nous poursuivons notre tour de l’île des restaurants à la recherche de nouvelles fourchettes d’or. La récolte des dernières semaines n’a pas été à la hauteur de nos espérances. Certaines tables, comme une terrasse du côté de Saint-André nous ayant laissé sur notre faim, gustativement parlant, et trop hésitants sur la note. Aujourd’hui retour à Saint-Denis, du côté de la rue Bois de Nèfles, où plusieurs personnes nous ont recommandé un petit restaurant sans prétention.

Nous arrivons peu avant midi, après avoir fait trois tours du quartier pour trouver une place de parking. Si un peu de marche ne vous fait pas peur, et que vous répugnez à ronger votre frein et à mordre votre volant de rage, le « parking de la Sécu » est une solution envisageable. Et si toutefois vous trouvez une place pas loin, jouez au Loto, c’est votre jour. Le restaurant est logé au rez-de-chaussée d’un immeuble en retrait de la rue, juste à côté d’une pâtisserie. Le menu du jour est posé sur le trottoir.
Cabri massalé, poulet brèdes, cari de daurade, poulet croustillant et riz cantonnais, sauté de bœuf aux oignons, tagliatelles au poulet pesto et tomates séchées, et « pavé de saumon, haricot vert crème d’aneth potatoes ». Deux derniers plats qui prouvent une ouverture (et une compétence) vers d’autres cieux culinaires.
Nous voulions déjeuner sur place, mais la configuration des lieux ne nous y incite guère. Dedans les tables sont en désordre, dehors aucun parasol visible pour parer les premières ardeurs de midi. Tant pis, nous repartons avec des barquettes. Cabri, poisson et bœuf seront testés.

Nous commençons par le poisson, qui n’est pas un cari mais un poisson au gingembre. Le menu affiché à l’intérieur est bon mais pas celui de l’extérieur. Changement de dernière minute sans doute.
Les bouchées sont très goûteuses et moelleuses. Le poisson, relevé par le rhizome et par un assaisonnement doux salé délicat, est très bon. Son côté un peu brut a été domestiqué, sans pour autant être étouffé. Les carottes et les lamelles de gingembre croquantes passent sous la dent avec bonheur. La barquette pourrait se terminer sans difficulté, mais deux autres plats sont à goûter.

Le cabri se renifle avec plaisir. Si l’aspect visuel en barquette fait « pâté », l’odeur du massalé est plutôt suave et raffinée. La couleur l’annonce déjà, nous n’avons pas affaire à ce « gros » massalé très torréfié, qui envoie des claques. Confirmation en bouche avec des saveurs assez complexes, qui baignent et réjouissent les papilles. Le plaisir est augmenté par une cuisson aboutie sans laquelle certains morceaux de cabri auraient pu servir d’élastique à lance-pierre. Là-dessus, le sel appuie sans exagération des contours acidulés peut-être envoyés par du tamarin, et qui excitent l’appétence. Ce cabri massalé est indiscutablement dans la moitié supérieure de la liste des meilleurs que nous ayons dégustés.

Nous terminons avec le bœuf. Le sauté aux oignons (et poivrons) affiche un côté « sauvage » intéressant. Cela ressemble au bœuf sauce grand-mère, dans l’esprit. Les morceaux exigent un peu de mâche, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Les dents c’est fait pour ça, bien que la tendance générale penche vers la nourriture molle et prémâchée, celle des burgers des multinationales, qui a formaté les jeunes générations au point que celles-ci n’auront plus besoin de leur faïence un beau jour, et déjeuneront à la paille.

Mauvais point pour le riz. Si celui-ci est convenablement cuit, il ne fait pas mystère de sa basse extraction. Les grains détachés suintent un peu. C’est du demi-luxe, sauf erreur. Intéressant pour la marge, moins pour la mâche. Rien à dire en revanche au sujet des grains blancs, bons et veloutés.
Le rougail dakatine envoie du bois question piment, un vrai dopant pour le Grand Raid. Le rougail « zognons » est bon aussi quoique grossier à la présentation. Le rougail concombre s’impose avec le cabri massalé en apportant un croquant frais bienvenu.
Nous réglons 23,50€ pour les trois barquettes. Le rapport qualité-prix est acceptable.

Kel Délice ! Promesse tenue ? En tout cas, le restaurant de la rue Bois de Nèfles n’a pas à avoir honte de sa cuisine. La prestation du jour ne nous a pas déçus, excepté peut-être le riz, à revoir selon nous. Pour changer des caris, le cuistot sait aussi proposer des plats différents, ainsi que des salades et quelques gâteaux maison. Un effort serait à faire sur le cadre d’abord, et sur l’accueil, poli mais manquant de chaleur, si l’on se fie à notre expérience du jour. On espère que c’est différent la plupart du temps. Si la tendance se confirme lors de notre prochaine visite, Kel Délice devrait entrer facilement dans le « guide jaune » l’année prochaine. A suivre donc

La Terrasse Kréole, une escale intéressante

Aujourd’hui nous allons explorer les rues de Saint-André, et plus précisément le Chemin du Centre, qui compte plusieurs petits restaurants « barquettes ». Nous nous arrêtons à la Terrasse Kréole, qui offre non seulement des tables dans une salle confortable (quoique fatiguée par les ans) mais aussi un grand parking.

L’accueil est souriant et particulièrement gai de la part d’une jeune femme, « Jojo », comme l’indique une ardoise. Les tables ont toutes l’air réservées, heureusement il en reste une pour nous. Jojo nous propose un thé glacé « maison », qu’elle vante. Nous nous laissons convaincre. Au menu du jour : civet cabri, shop-suey poulet, cari poulet chou rave, cari pêche cavale, plus des desserts maison et des salades. Va pour le cabri, plus le poisson à emporter.

Le thé est très frais et bien aromatique. Des olives sont mises à disposition. A peine avons-nous le temps d’y toucher que le plat est servi, avec un enthousiasme non feint de Jojo.


Le civet de cabri est un plat délicieux quand il est réussi. Les humeurs un peu sauvages de cette viande s’accommodent très bien avec un vin, pour autant que ce dernier ait du tanin de caractère.
A la vue, presque rien à dire. La couleur est appétissante, mais nous remarquons que la sauce est claire, et pas très épaisse. La viande est parfaitement cuite, et même au-delà du nécessaire, rapport probablement à certains morceaux qui, sans cette cuisson poussée, auraient pu servir d’élastique à un lance-pierre. La mâche est correcte. Au niveau du goût en revanche cela se discute pour ceux qui aiment les civets forts. Ici, le gustatif est poussif. Le vin a-t-il été mal choisi ? La dose est-elle trop faible ? Ou un surcroît de flotte qui a-t-il noyé tout ça ? L’intérêt est que le goût du cabri lui-même est bien plus présent. Les oignons verts par-dessus font de la figuration avec le persil, qu’on aurait aimé plus démonstratif, histoire qu’il réveille un peu la saveur de vin cuit.

Nous avons demandé le cari pêche cavale à emporter, un plat très rare dans les restaurants. Nous aurons une pêche cavale, ni deux, ni trois. On trouve ça un peu pingre. C’est d’autant plus frustrant que ça sent bon et que le plat est qualitativement au-dessus du précédent.
Ce poisson n’est vraiment apprécié que par les amateurs, qui ne se laissent pas rebuter par les nombreuses arrêtes qu’il contient, et qui le dépiautent méticuleusement. La chair est plus dense que d’autres poissons courants en cari, avec une tendance à être sèche si on le cuit trop. Ici elle reste agréable à manger, d’autant que la sauce est parfaitement exécutée. Nous croyons même y déceler du piquant, un piment s’est sans doute baladé par là, pour notre bonheur. Un peu de combava là-dessus, ou dans une sauce piment vert en accompagnement, et le plaisir est décuplé.

Rien de spécial à dire sur le riz. Un « grain long » parfaitement cuit. Les lentilles sont délicieuses avec ce soupçon de massalé qui va bien. En revanche nous commençons à en avoir un peu assez de cette légumineuse qui devient systématique un peu partout. C’est le client qui réclame, ou bien est-ce une histoire de coût ? Les deux peut-être. Le rougail de courgettes est excellent. La petite salade verte en accompagnement est appréciable.

Nous terminons par un dessert maison recommandé par la tonique Jojo. Un « chococcino », pendant cacaoté du tiramisu cappuccino. Bon, mais un peu épais quand même. De la légèreté ne lui ferait pas de mal.

Nous réglons la somme de 30 euros pour une boisson, une bouteille d’eau, deux plats dont un à emporter et un dessert. Le rapport qualité prix est passable.

La terrasse créole est indéniablement une bonne adresse pour qui désire déjeuner rapidement, et correctement, du côté de Saint-André. La cuisine se défend, mais il est compliqué de noter suite à cette visite, avec les plats que nous avons dégustés. Le civet manquait de saveur, clairement, mais le poisson était parfait pour le peu qui nous a été servi. Le dessert, quant à lui, peut encore être amélioré. L’accueil et le service sont impeccables. Pour cette fois, nous attribuons à la Terrasse Kréole une « petite » fourchette de bronze. Le potentiel est là. Ce restaurant sait faire mieux, nous en sommes persuadés. Une seconde visite est nécessaire pour conforter cette note et qui sait, la remonter.

Chez Mité, qualité stable et c’est déjà bien

Retour à Saint-Gilles
La station balnéaire ne nous a hélas jamais habitué à une grande qualité gustative de ses plats réunionnais, depuis qu’Angelo et Armelle ont laissé la Marmite pour les Cocotiers à la Saline les bains. Depuis l’année dernière nous avons entrepris de sillonner le secteur jusqu’au trou d’eau, et plusieurs petits restaurants ont été testés, sans qu’aucun ne sorte du lot. On citera, entre autres, « La Potée Ose », « l’Arc en Ciel » et « Chez Rosa », les deux premiers figurant quand même dans le guide jaune, à la page des adresses complémentaires. Nos investigations vont se poursuivre. Aujourd’hui nous descendons chez Mité, bien connu à Saint-Gilles.

Notre dernière visite chez Mité remonte à deux paires d’années. Le restaurant du centre de Saint-Gilles avait obtenu de justesse une fourchette en argent, ce qui, à l’époque, était une performance dans un secteur où naguère pleuvaient les fourchettes en plastique. La dernière adresse proposant de la bonne cuisine réunionnaise dans le secteur était « La Case DIC », du côté du marché couvert, encore qu’elle ne fit qu’une apparition dans le guide jaune de l’année dernière. La qualité avait baissé quand nous y sommes retournés pour l’édition 2022. A refaire de toute façon.
Mité, de son côté, semble inchangé depuis 4 ans. Seules les tables très espacées, stigmates de la crise sanitaire sans doute, donnent une impression de vide, surtout quand on est les premiers à s’installer à la terrasse, qui aurait besoin d’un peu plus de soins. Ce n’est visiblement pas la priorité pour les gérants.
Signe encourageant, la queue est déjà conséquente à midi moins le quart. Pas de quoi stresser les deux personnes au service et à la caisse, qui discutent avec la clientèle. Aujourd’hui, neuf plats sont au menu du jour. Du poulet à toutes les sauces, roti, en cari, sauté, en civet. Rougail saucisse, boucané bringelles et porc massalé pour la cochon. Et un cari de marlin, pas précisé « frais », et sans doute surgelé, vu le tarif. Tarif de 8 euros pour tous les plats, sauf pour le poulet roti à 6€. 11 sur place. Des salades à composer soi même sont aussi proposées.
Nous prendrons le boucané bringelle et le porc massalé en petites portions dans la même assiette, plus un poulet aux olives à emporter.


Le boucané n’est sans doute pas une rolls du genre mais il reste bon, en dépit d’une relative faiblesse de son caractère fumé. Trop bouilli ou pas assez fumé ? Nous penchons pour la première explication, étant donné sa texture plutôt molle. Les bringelles ont d’ailleurs fondu, donnant de l’épaisseur et du liant à la sauce. L’ensemble est plutôt harmonieux, et pas désagréable en bouche. Le cari se mange sans forcer, mais ça manque quand même de punch.

Le porc massalé est dans la même veine. Si on sent le massalé, et qu’un touriste qui le découvre peut y trouver son plaisir, la poudre d’épices est faiblarde pour un réunionnais rompu aux saveurs musclées d’un massalé malbar revendicatif. Les morceaux de porc sont assez hétéroclites, secs pour certains, avec du gras pour d’autres. Les patates ont bu le sel, mais ils restent bonnes.


Le poulet ne fait ni pire, ni mieux que les deux caris précédents. C’est bon dans l’ensemble, quoi qu’un peu sec sous la dent. La saveur de vin cuit n’est pas agressive, ce qui en l’occurrence est plutôt une bonne chose, cette fois-ci. Il faut dire que les olives aident bien à relever les saveurs.

Très bon point pour le riz, dont les grains moelleux boivent bien les sauces et donnent des bouchées gourmandes. Les haricots, coco ou rosés, sont également délicieux et veloutés. Le rougail d’oignon est réussi aussi. Il donne la claque nécessaire aux caris trop sages en épices.

Nous ne prendrons pas de dessert et nous en sortons pour une vingtaine d’euros, pour un plat sur place, un plat à emporter et une bouteille d’eau. Le rapport qualité prix est correct.

L’établissement poursuit son existence tranquille à Saint-Gilles, réussissant à conserver un peu d’authenticité dans les plats au milieu d’un spot touristique, ce qui signifie un bon nombre de palais zoreils peu habitués ou enclins à des saveurs franches. Heureusement ils ne sont pas tous comme ça. Ce « lissage » gustatif est notablement ennuyeux, pour qui recherche des sensations. Pour un déjeuner pas cher, ça passe. Quand même, la cuisine de chez Mité gagnerait à un peu plus d’originalité, d’audaces, avec des épices plus présentes, car entre ce que nous avons mangé aujourd’hui et la bouillie proposée à l’époque dans les marmites d’un établissement presque sur plage, et dont nous tairons le nom avant d’y retourner, le chemin est court et la pente glissante. Pour le moment, « Chez Mité » tient bon. Pourvu que ça dure encore. La fourchette est toujours d’argent, mais toujours ric-rac.

Beauvallon, vilain plan

Tracez un large cercle au compas à partir de la Rivière des Roches et vous y trouverez un certain nombre de points d’intérêt culinaire, entre des restaurants référencés au « jaune », Provanille, la charcuterie Marianne, et quelques autres petits établissements aux barquettes encourageantes.
Ce cercle englobe également le restaurant Beauvallon, quant à savoir si c’est un intérêt culinaire, rien n’est moins sûr.

Testé plusieurs fois par le passé, avec et sans publication, le restaurant profite d’un site magnifique largement apprécié des locaux et des touristes. A ce titre, il est en pôle position pour faire découvrir à ces derniers toutes les qualités de notre cuisine traditionnelle.
Nous débarquons peu avant midi. Pas un chat. Nous sommes accueillis avec le sourire et placés à la petite terrasse qui donne sur la Rivière où le bichique ne sera plus qu’un souvenir en noir et blanc à cause de la stupidité crasse des humains.
Le menu du jour est alléchant. Trois entrées, dont la fameuse assiette créole (achard, samoussas, etc.), un foie gras maison et des gambas grillés ; Cinq plats, un civet de cerf côtoyant un shop suey et un cari de poisson, un massalé d’agneau, un boucané bringelle. Quatre « spécialités » : bouillon coquilles, cari langouste, cari poisson rouge et civet zourite. Cinq desserts assez classiques.
Après quelques hésitations nous commandons le cari de poisson rouge, plus le boucané bringelles à emporter. Nous choisissons les gambas pour commencer.

Celles-ci arrivent assez vite, avec un effort de présentation, si l’on fait abstraction de la salade verte pâlotte encore croquante mais qui ne donne pas envie. Grillées les gambas ? A la vue comme à l’odeur, c’est juste un petit coup de soleil. En bouche ce n’est guère mieux. Les crustacés manquent de caractère. On est obligé de mâchouiller leur mince carapace pour aller chercher un peu de saveur. Un flambage au whisky leur aurait fait piquer un far aromatique. La sauce « cocktail », industrielle pour sûr, se charge de les faire passer. Une simple mayonnaise maison aurait mieux fait le travail.

Place au cari de poisson rouge, « spécialité », ce qui voudrait sous-entendre que le chef excelle particulièrement dans l’exécution du plat. Le cari a en effet été exécuté, mais plutôt au sens peloton du terme. Deux juvéniles sont présentés côte à côte, enduits d’une sauce épaisse hétérogène, d’une couleur entre le marron clair et le jaune sale, posée comme du vomi. Disons-le, c’est naze.
La dégustation est décevante, pour employer un euphémisme en dentelles. Les poissons ne sont pas très fins, tant au goût qu’en texture. Quand elle n’est pas complètement écrasée par la sauce curcumatée à la truelle, avec un gingembre aussi délicat qu’un videur de boîte de nuit un soir de baston, la chair du poisson nous évoque davantage (à tout « thazard ») le grenadier ou le vieux maquereau. Résultat : une amertume qui reste en fin de bouche, très désagréable. Les tomates n’étaient pas mûres (probable vu la couleur), ou bien il s’agissait de ces tomates sous serre pleine de flotte et sans goût dont l’agriculture moderne nous gratifie.

Le boucané bringelles dégusté à domicile fait mieux. Ce n’est pas difficile. Mais la dénomination est exagérée quand on constate que trouver des morceaux de bringelle dans la barquette ressemble presque au jeu « Où est Charlie ? », ce qui est très dommage car ceux-ci sont goûteux.
Le fumé du boucané fait son travail en activant l’appétence.

Un mot sur le riz, bien cuit, mais dont les grains, qui affichent de fines traces noires ici et là, sont absolument inconsistants et fadasses. Du riz bon marché, copain de la marge. Les lentilles pour leur part sont veloutées et parfumées. Le rougail oignon citron, pimenté juste ce qu’il faut, est ciselé gros doigt mais encourage le poisson.

Nous terminons avec un café gourmand. Il mérite son nom. Le brownie est très bon. Idem pour le gâteau patate, peu sucré et léger, ainsi que la panacotta. Le dessert sauve l’honneur, mais pas la note.

En parlant de note, la nôtre se monte à 58€, pour une boisson, une entrée, deux plats dont un à emporter, et un dessert. Le rapport qualité prix est très mauvais.

Bénéficier d’un cadre pareil pour proposer une cuisine aussi bâclée est du gâchis. Et c’est ça qu’on va proposer aux touristes ? Heureusement que les touristes ont d’autres bonnes tables où aller manger aux alentours, ce qui leur permet de faire la différence. Pourtant l’accueil est parfait, le service aussi, et la carte judicieusement limitée permet de mettre à l’honneur des produits de qualité. A la place nous avons constaté des cuissons ratées, des assaisonnements grossiers et des produits médiocres. Ce restaurant a figuré parmi les premiers à être visités, en 2011. Une deuxième visite a eu lieu en 2016. Et les deux fois, la fourchette en inox était sortie. Rien de neuf sous le soleil. Tout est à revoir. On ne peut faire autrement que de donner au Beauvallon une jolie fourchette en plastique.

Cette critique faite sur la foi de notre visite du 24 août 2022 à midi ne prétend pas être une vérité absolue et définitive sur la qualité des plats et du service de ce restaurant (quoi que là, à force…). Nous certifions n’avoir aucun rapport avec le ou les responsables de cet établissement ni aucun intérêt à lui attribuer une bonne ou une mauvaise note. Faites vous votre propre opinion.

Jury exigeant pour la saucisse d’or 2022

Lundi dernier, le Vieux Kréole, fourchette d’or du Jir, a reçu un petit comité venu spécialement pour déguster de la saucisse. 15 nouvelles charcuteries ont en effet participé, sans le savoir, à la 5e édition du concours de la Saucisse d’Or.

Cette année, le jury fut particulièrement choisi. Thierry Kasprowicz, critique culinaire, directeur du Guide Kaspro et du magazine « Le Bon Zest », déjà un habitué de l’exercice, et Yves Bouvier, président des Disciples d’Escoffier Réunion Océan Indien, nous ont fait l’honneur de leur présence. Du côté des chefs : Alix Clain (notre hôte), Larissa Rajaonarivelo, cheffe consultante, Xavier Elizéon, traiteur à domicile, et l’excellent Jacky du Far-Far Kréol. L’influenceuse et épicurienne Stéphanie Rousse, auteure de la page Facebook « Food by Steph » était également de la partie. Le président et le vice président du syndicat Mixte des bouchers, charcutiers et traiteurs, Didier Mazeau et Yoland Viracaoundin sont venus représenter la profession. Enfin, notre gagnant de la Saucisse d’or 2021, Bertrand Maillot, a été convié à passer le relais en dégustant à l’aveugle les saucisses de ses confrères.
La plupart des charcuteries, sélectionnées sur toute l’île, n’a jamais participé au concours. Le but étant de donner sa chance à tout le monde.
Dès 10 heures, les saucisses sont retirées de leurs glacières et disposées dans les assiettes numérotées. L’équipe du Vieux Kréole fait chauffer l’eau. Alix Clain recommande d’utiliser le même volume pour toutes les saucisses, puis inscrit le numéro de celles-ci sur les marmites. L’opération est délicate. Il s’agit de ne pas mélanger les saucisses, en s’assurant que celles-ci transitent dans les contenants portant leur numéro.
Toutes vont bouillir 25 minutes avant de tâter les poêles à frire. Le jury s’installe. Au fond de la salle, Pascal, notre assistant épicurien, a lancé le tableau Excel de sa fabrication où les notes vont être entrées pour un résultat final instantané.


La dégustation peut commencer. Pendant une petite heure, chacun est concentré sur sa tache. Aspect, odeur, texture, équilibre en gras et maigre, dosage du sel et saveur sont notés de zéro à quatre pour une note totale sur vingt. Entre chaque morceau de saucisse, les jurés peuvent « réinitialiser » leurs papilles avec des quartiers de pommes vertes.
Puis le verdict final tombe. Nous annonçons la saucisse de bronze et la saucisse d’argent. La saucisse d’or sera gardée secrète jusqu’à ce jour.
Le jury a été exigeant, c’est le moins que l’on puisse dire à la lecture des notes. La charcuterie Gérard de Saint-Benoît est arrivée en tête avec 129 points sur 200. Suivent la charcuterie de Salazie, avec 112 points, et la charcuterie du Leclerc La Réserve, un petit point seulement en dessous.



Le principe

Les charcuteries sélectionnées ne sont pas prévenues. Les saucisses sont achetées à l’improviste, en mode « client mystère », afin de pouvoir juger le produit que n’importe quel client peut acheter tous les jours. Il ne s’agit donc pas d’un concours où l’artisan, averti à l’avance et volontaire, doit travailler pour sortir la plus belle saucisse de sa vie ! Le but est de coller à la réalité quotidienne.
Les charcuteries n’étant pas volontaires, la gagnante a donc la possibilité de refuser sa récompense. Certains n’aiment pas être médiatisés. Cela s’est déjà produit, ce qui a permis à la deuxième de la liste d’hériter de la fourchette d’or, il s’agissait de Chez Alex, à Sainte-Clotilde.

Les impressions du jury

« Yves Bouvier, Président des Disciples d’Escoffier : « Un concours judicieux, qui représente bien le patrimoine réunionnais. On a une belle diversité de couleur, de qualité, de savoir-faire et de goût. C’est assez compliqué à évaluer. Il faut que ce concours soit pérenne. »

Jacky Aroumougom, chef du far far Kréole : « Une réelle découverte pour moi. Je ne pensais pas trouver autant de saveurs différentes dans les saucisses. Certaines sont très bonnes, d’autres beaucoup moins. »

Bertrand Maillot, Saucisse d’or 2021 : « Super expérience. Nous avons eu une belle année avec cette saucisse d’or 2021. Nous avons vu venir une nouvelle clientèle, et des ouvertures vers la Métropole. C’est arrivé au bon moment, juste après la crise sanitaire. Nous avons écoulé 700 kg de saucisse la semaine après l’obtention du prix ! »

Didier Mazeau, Président du syndicat Mixte des bouchers, charcutiers et traiteurs : « Les chiffres ne mentent pas. Quand on a des professionnels autour de la table, on voit ce qui se fait, du moins bon à ceux qui sont au top. C’est la première fois que je participe à ce genre de concours. Notre syndicat compte 87 adhérents soit 89% des bouchers charcutiers de La Réunion. Je me suis obligé à ne pas faire de concours chez nous, car nous ne sommes pas là pour distribuer des lauriers à qui que ce soit, nous privilégions la formation et le respect de la réglementation. C’est aux clients de juger. Je salut toutefois l’initiative de ce concours. »

Xavier Elizeon, traiteur à domicile, défenseur de la tradition réunionnaise : « J’ai été surpris par des saucisses particulièrement bien travaillées. Ce qu’on met dans la saucisse, et sa texture sont important. Je pourrais mettre à ma carte quatre ou cinq saucisses sur les quinze. Certaines conviennent bien en saucisses frites, saucisses pétée avec riz chauffé, d’autres plus en rougail. »

Alix Clain, patron du Vieux Kréole : « Il y en avait pour tous les goûts. Pour moi une bonne saucisse doit avoir un minimum de gras pour être agréable en bouche, elle doit avoir une belle couleur et ne doit pas trop rétrécir à la cuisson. »

Yoland Viracaoundin, charcutier, vice-président du Syndicat Mixte des bouchers, charcutiers et traiteurs : « Ce concours est un juste retour de la qualité de notre travail » estime-t-il, avant de citer une anecdote : « Une cliente métropolitaine rentrée dans l’hexagone m’a envoyé un mail pour me dire que le rougail saucisses lui manque, c’est vous dire l’importance de notre saucisse péi. »

Le commentaire de Sabine
Sabine Dijoux, l’un de nos zarboutans de la gastronomie locale, intervenante sur Réunion la 1ère, félicite le gagnant, avec pondération. « 129 points sur 200, c’est à peine au-dessus de la moyenne. On s’éloigne de l’excellence. Il faut revenir aux goût d’autrefois : des saucisses battues ni trop finement ni trop gros, du thym frais, un peu d’ail, du poivre, une pincée de muscade, et sans salpêtre ». Elle recommande ainsi de ne pas acheter des saucisses « roses », couleur qui trahit la présence de cet additif (nitrate de potassium, E252), utilisé pour la conservation des aliments et potentiellement nuisible pour la santé.