Carré Zen à Savanna

De la Détente du corps aux plaisirs du palais

Ingrid Masseaux est enthousiaste. La patronne d’Alter Nativ, espace Spa détente de Savanna, qui s’occupe des corps, en face de l’église du patelin, qui s’occupe des âmes, vient tout juste d’ouvrir le restaurant bistronomique et gastronomique, complétant son activité existante comme une sorte de suite logique d’une philosophie liée au bien-être et à l’éco-responsabilité. 

«Nous sommes inscrits dans une démarche RSE (Responsabilité sociale des entreprises), explique Ingrid, nous faisons attention aux achats, aux déchets, au bien-être du personnel. Les pailles sont en bambou, la bière est bio, les contenants des plats à emporter sont biodégradables, les produits frais viennent du marché ou du Groupement Agriculture Biologique de La Réunion» (voir ci-dessous).

Le projet devait voir le jour en fin 2018, mais a dû être reporté à février dernier pour cause de jaunisse circulatoire généralisée. Ingrid et son mari Vimal Dinnoo déboursent plus de 70 000 euros dans l’affaire, entre autre pour satisfaire les caprices légitimes de leur chef Jonathan Moidinecouty-Patouma, qui souhaite une cuisine toute option pour travailler correctement.

Itinéraire d’un jeune chef 

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Jonathan Moidinecouty-Patouma et Cedric Berfeuil

« Je voulais un jeune chef talentueux qui avait un peu les mêmes valeurs que moi, raconte Ingrid, j’ai été impressionnée par son CV long comme le bras. » Très long en effet. Nous rencontrons le phénomène pour la première fois en 2015 au restaurant de l’hôtel du front de mer Saint-Pierrois La Villa Delisle, qui récolte notre fourchette d’or. Jonathan revient de métropole, a passé par l’école Bocuse et les frères Pourcel, avant de tâter du Saint-Alexis. Ses pérégrinations le mènent à la plupart des bonnes tables que compte notre île, Case Pitey, Blue Margouillat et le Battant des Lames compris, jusqu’à feue la Vigie à Saint-Paul, où nous le retrouvons lors d’un repas des Disciples d’Escoffier, honorable association où il fut intronisé quelques années plus tôt en tant que chef espoir. Jonathan n’attend plus rien d’autre maintenant que de s’adonner pleinement à sa passion pour la cuisine. C’est en tout cas l’impression que nous avons eu en dégustant son menu concocté aux petits oignons.

Pour tous les budgets

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IMG_5277« Nous avons commencé avec les Buddha Bowl, précise Ingrid, Le menu est tout nouveau. Il changera tous les jours ». Un menu du midi revu le samedi avec de la cuisine réunionnaise réinterprétée. Les vendredis et samedis soir ce sera un voyage gastronomique en première classe, madame, pour 69 euros par paroissien. Le ticket d’entrée du midi est à 24 ou 28 euros selon que vous optez pour la totale ou non, et les Buddha démarrent à 9 euros à emporter. Et la patronne de nous demander ce qu’on en pense. Que du bien, pour l’heure. Pas question de dégainer les fourchettes en inox ou en plastique, car ce n’est pas notre cible, d’abord, et l’eut-elle été que l’or conviendrait mieux au gravelax de saumon Label Rouge, au foie gras mi-cuit, au filet de cabillaud poché aux agrumes et à la noisette de filet de boeuf Bavière qui nous firent baver avant de nous régaler.

IMG_5279Une cuisine de cuisson juste, d’associations de saveurs connues mais si ensoleillées, de recherche de textures opposées et complètes, comme le franc croquant aux atours de potager des lamelles de légumes qui répond à la délicate chair du poiscaille, toute emmitouflée des réminiscences joyeuses des agrumes. Le boeuf pour sa part a joué dans la cour des élans musqués, poivrés et saignant sur une sauce veloutée évoquant les joies vinicoles et les  champignons émergeant de  l’herbe mouillée du matin.

Quand vous lirez ceci, le menu aura probablement changé. Vous irez donc, le palais alerte, les papilles en ordre de bataille et les narines dilatées taquiner les oeuvres gustatives du  père Jonathan, flanqué de son second Cedric Berfeuil (notre photo). Puis vous irez au spa, n’est-ce pas, vous faire dorloter les doigts de pieds que vous aurez du mal à sortir de leur position d’éventail.  

L’Alizé, pouponnière culinaire à Plateau-Caillou

Cuisinier, serveur, barman, maître d’hôtel, chef de partie, etc. : des savoirs-faire et des compétences, qui peuvent aller jusqu’à l’expertise fine, dans chacun de ces métiers enseignés au Lycée de la Renaissance. Petite visite impromptue de son restaurant d’application qui a vu défiler bon nombre de nos chefs locaux, et des plus talentueux.

IMG_9211Les « petits » que vous rencontrez quand vous réservez une table au restaurant d’application du lycée de la Renaissance peuvent vous dire que ces métiers ne sont pas faciles. Et s’ils ne vous le disent pas verbalement, leur comportement le fait. Nous avons pu le constater par nous-même, en allant musarder du côté de Plateau-caillou à Saint-Paul.
Pour manger au restaurant d’application, la réservation est obligatoire. On le comprend aisément : les élèves n’ont pas que cela à faire, à 14h00, ils reprennent les cours. On vous prie donc d’arriver à 12h15 pétantes, pour être accueillis par l’équipe du service. L’autre équipe est derrière, en cuisine. Elle expérimente déjà les gueulantes légendaires des chefs de la « vraie » vie, lors des coups de feu. On vous demandera donc un peu d’indulgence pour les éventuelles hésitations, les menus bredouillés, les sourires crispés encore tout à fait normaux pour ces adolescents. Mais vous constaterez aussi qu’ils sont de bonne volonté. On ne peut pas dire autant dans certains restaurants où le personnel a déjà de la bouteille.
En ce qui nous concerne nous sommes accueillis avec le sourire, puis placés. Et on nous tire la chaise, s’il vous plaît ! Nous nous installons. Le jeune fille en charge de notre table nous récite le menu du jour. Un menu conçu à l’avance, pour plusieurs semaines, que vous trouverez en ligne. Celui-ci est susceptible de changer sans préavis, en fonction de la disponibilité des produits. Dans ce cas, vous aurez la surprise. La salle est vaste, confortable et un brin classieuse. 32 couverts bien espacés autorise des déambulations plus aisées des élèves serveurs.
Aujourd’hui nous avons droit à une salade landaise, un dos d’ombrine doré, beurre blanc au gingembre, mousseline de songe ; le repas est clos avec des profiteroles.

Service en rodage, cuisine déjà lumineuse

Les apéritifs tardent à arriver, alors que certaines tables sont déjà servies. Premier couac. Problème de communication entre la serveuse et le bar, une fiche égarée ou zappée, et hop… nos gosiers demeurent secs. L’une des élèves remarque notre attente et vient aux nouvelles. Bon réflexe. Les cocktails finissent par arriver, avec la jeune serveuse qui se justifie. Non mademoiselle, le lavage de linge sale se fait toujours en famille, les clients n’ont pas à être tenus au courant des atermoiements au bar ou en cuisine ! On fait patienter, on offre son plus beau sourire, même si on est stressée par la situation ! Les plats suivent sans anicroche.

IMG_9216La salade, très fraîche, constituée de différentes pousses, est très bien assaisonnée. Pas d’acidité agressive ni de sel surnuméraire. Les morceaux de magret et d’abats descendent tout seuls, avec les grâces onctueuses du foie gras et de l’oeuf poché-coulant. C’est efficace.

IMG_9226IMG_9224L’ombrine est magnifique. Sa peau offre un léger croustillant-collant du plus bel effet. La chair dégage céans, une belle saveur d’océan, par des réminiscences olfactives très nettes et une ampleur en bouche tout à fait mise en relief par une cuisson maîtrisée. C’est fondant. Les petites purées colorées complètent parfaitement la texture du poisson en amenant du velouté. Le beurre au gingembre emballe tout cela pour de bonne sensations gustatives, qui appellent aussi l’essuyage au pain.

IMG_9230Les profiteroles, gourmandes, terminent le repas avec leur douceur glacée, calmant subtilement les papilles excitées.
Le chef du jour et son adjoint passent de table en table afin de s’enquérir des impressions diverses. Ils ont du prendre une bonne inflammation des chevilles en retournant en cours, après les compliments recueillis. Bien sûr, personne ne va leur dire que c’était médiocre… parce que cela eût été mentir ! Pas de cirage de pompes, nous avons très bien mangé au restaurant d’application.
Dire que mûrissent là de futurs talents qui vont enchanter les palais à La Réunion, comme en métropole, en Europe, ou ailleurs ! Ces ados là en veulent. Et les professeurs, comme Patrick Gron-din et Pascal Lebon, veillent au grain. Allez au restaurant du lycée de la Renaissance. C’est une expérience gustative et humaine que vous ne regretterez pas.

 

Pour réserver :
reservations-lph@ac-reunion.fr Pour tout renseignement :
0693 00 96 02 (Uniquement le lundi, mardi, jeudi et vendredi)
Les menus
http://lycee-larenaissance.ac-reunion.fr/nos-menus/

Le restaurant est ouvert du lundi au vendredi, à déjeuner et à dîner (sauf mercredi et vendredi soir), fermé lors des différentes périodes de formation professionnelle.

Découverte : le Bougainvillier

Bougainvillier 3Jannick Maillot et Kelly Robert sont deux enfants des hauts, de naissance sinon de cœur. L’une n’est autre que la fille de l’indéracinable Gilbert Robert, de la réputée Auberge Piton Fougères, culminant Sainte-Marie. Un « vieux de la vieille » de la tradition culinaire réunionnaise. Jannick pour sa part, est originaire de Grand-Ilet, un rempart plus loin pour ainsi dire.

Bougainvillier1« J’ai travaillé pendant vingt ans dans le bâtiment, mais maintenant le corps ne suit plus, alors je me suis reconverti« , nous apprend-il. Pas mécontent de sa reconversion d’ailleurs, puisqu’il a toujours aimé faire la cuisine. Une passion qui le tient au corps, comme beaucoup d’autres réunionnais, qui apprécient les bonnes choses et veulent les partager. Il a d’ailleurs donné un coup de main à son beau-père, et travaillé également à l’Escale de Saint-André.

Bougainvillier2Les deux amoureux ouvrent le Bougainvillier le 6 mars dernier, sur la route du Moufia. Ils ont beau être à côté d’un coiffeur, leur restaurant ne coupe pas les cheveux en quatre: c’est de la bonne et authentique cuisine locale, améliorée de plats traditionnels comme le bouillon brède saucisses frites, le rôti de porc, ou la curiosité charcutière que nous avons dégusté : saucisses, boucané et andouillettes accommodées avec des brèdes manioc, dont la saveur tannée caractéristique se marie bien avec le poivre et les fumets divers des cochonailles !

Son civet de canard, qui colle aux doigts comme on aime, nous a également émoustillé les papilles, avec de belles envolées olfactives. Jeannick sait s’adapter aux désirs de sa clientèle, dont un petit noyau d’habitués s’est déjà constitué. Les sautés de mines poulet « minute » ont un vrai succès, et le chant de son karail résonne régulièrement pour ses shop-suey, jusque dans la petite salle toute neuve d’une trentaine de couverts. « En revanche, allez savoir pourquoi, les grains ne marchent pas. Les clients n’aiment que les lentilles !« , constate-t-il, un brin amusé. Sept caris tournent tous les jours de la semaine, avec des gratins divers.

Jeannick prévoit de compléter son offre avec des sarcives et des grillades. Gâteaux patates, manioc et chocolat sont proposés au dessert, mais également de la bonne confiture de papaye et de pamplemousse, une merveille pour gourmets en quête d’échanges savants entre le sucre et l’amertume fruitée de l’agrume. Avec un rapport qualité prix imbattable (9 € le cari sur place), Jeannick et Kelly ont toutes les chances de prospérer, et de faire du Bougainvillier une étape incontournable de Sainte-Clotilde, comme il l’est presque devenu dans le quartier. Nous leur souhaitons bon vent. Le Bougainvillier est ouvert tous les jours de 11h à 14h et de 18h à 20h30, sauf le lundi et le dimanche soir. Le service traiteur est possible sur demande.

Le Bougainvillier : 92, rue Marcel-Hoarau Sainte-Clotilde 0262 93 28 94. Facebook : Restaurant Bougainvillier