Céliane Virassamy : « Il faut aimer la terre, c’est elle qui nous donne tout. »

IMG_3082Un seul regard sur Céliane Virassamy donne une idée assez nette des effets d’une alimentation équilibrée, à base de produits sains, sur le corps humain. Cette agricultrice connue sur les marchés de producteurs pour ses confitures, achards et autre sirop estampillés « Mamie Céliane » est l’exemple même de la force tranquille. Portrait.

Du côté du chemin du Centre, à Saint-André, tout au bout d’une des nombreuses allées qui sillonnent le quartier comme des racines dans la terre fraîche, se trouve la maison de Céliane. Le petit jardin qui l’entoure est un concentré d’épices en même temps qu’une pharmacopée à ciel ouvert. Chaque centimètre carré est utilisé, et si l’on excepte une orchidée ou deux, rien d’ornemental. Curcuma, Efferalgan, Ayapana, gingembre, basilic, romarin… toute la famille en profite et soigne maux de têtes, fatigue, ballonnements…
Même la canne à sucre a sa place. « Je fais mon propre galabé » commente Céliane, puis elle désigne du doigt une liane qui grimpe sur les cannes : « c’est du pois carré ». Sous l’abri voiture, quelques pots sont garnis d’une autre sorte de plante grimpante, l’Epinard de Malabar. Le décor est posé. L’histoire de cet amour à la terre ne date pas d’hier.

Sur les traces paternelles

« Mes parents étaient agriculteurs. Mon père est allé travailler à l’usine de Beaufond, raconte Céliane. Nous avons grandi comme ça, avec notre jardin de Bras-Canot, où mon père cultivait ses brèdes, ses salades, s’occupait des animaux. Comme lui, j’ai toujours aimé la terre. » Un père, Anthony Mangrie, qu’elle décrit comme amoureux des bonnes choses, un bon cuisinier à qui on s’adressait pour préparer les repas de mariages et autres services religieux.
« Nous avions déjà nos cinq fruits et légumes par jour » lâche Céliane en souriant, en précisant ne pas être « bonne cuisinière » au contraire de son papa. « Je me contente de la transformation des produits ». Une modestie toute à son honneur, sachant que le achard de cœur de bananier que nous goûtons, recette acquise la semaine précédente avec GoAgro et la cheffe Mary Grain-Galet, est un délice éclatant de saveurs.
Céliane vient habiter à Saint-André, où son mari exploite un garage. Elle troque provisoirement l’odeur de la terre mouillée pour celle du cambouis. Un provisoire qui dure 20 ans mais qui ne l’empêche pas de faire des formations, qu’elle estime enrichissantes par les échanges qui peuvent s’y produire. « On apprend tout le temps. Il y a toujours de nouvelles recettes, des maladies des plantes à traiter… je me forme depuis 1992. Arboriculture, apiculture, hydroponie, et dernièrement l’agriculture biologique, pour avoir la certification, et pouvoir le dire au gens, ce que je ne peux pas faire aujourd’hui, même si je sais ce que je plante, et comment » précise Céliane, qui n’utilise que peu d’intrans, et pas de pesticides, préférant à ces derniers l’installation de pièges pour les nuisibles (voir photo).
« Les pesticides, on en a assez comme ça, avec les bombardements de l’ARS, qui exterminent les abeilles plutôt que les moustiques. » lance-t-elle avec un trait d’ironie. Nous avons déjà lu ça quelque part.

Transformer pour ne pas gaspiller

IMG_3061Céliane et son époux à la retraite, se lèvent à trois heures du matin pour prendre la route, et s’occuper de leurs terrains d’1,2 hectares à la Plaine des Palmistes et de 3 000 m2 à Saint-Paul, du lundi au jeudi. « J’y fais du maraîchage plein champs, avec des patates, maniocs, conflore, brèdes et salades » décrit-elle. Une production d’environ une tonne par an écoulée, telle quel ou transformée, sur les salons et marchés de producteurs, mais aussi dans des « paniers », en ligne.
Outre l’intérêt purement culinaire, la transformation permet d’éviter le gaspillage, dont Céliane a horreur. Mangues, mandarines, oranges, et goyaviers de la Plaine des palmistes se retrouvent dans les bocaux de confiture. «Je ne fais pas de produit carné, je suis végétarienne» ajoute-t-elle.

Agricultrice engagée

Loin de se contenter de cette activité, Céliane, force tranquille, conçoit aussi des projets, dont nous aurons l’occasion de parler sans doute cette année. Par ailleurs elle est active dans plusieurs associations : Terre solidaire des hauts, AAPS, Label Ouest. Cette mamie au 3 petits enfants, qui plante pour qu’ils puissent manger des aliments sains, accorde à la transmission de son savoir faire une place majeure. « Cela peut se faire dans un jardin partagé, montrer comment planter, récolter, transformer. Aujourd’hui c’est encore trop marginal. C’est pourtant un vrai travail » insiste-t-elle. Une reconnexion des Réunionnais avec leur terre qui pourrait leur permettre de subsister en cas de coup dur. 

« Le métier d’agricultrice est dur. Mais quand on est passionnée, on le fait. On doit transmettre cette passion, cette idée de planter pour mieux manger. »

L’épinard de Malabar fait son chemin

IMG_3029L’épinard de Malabar a été longtemps oublié. Cette plante est arrivée avec les engagés, qui l’ont plantée dans leurs jardins. «Nous l’avons toujours consommée, mais je me suis rendue compte que les gens ne la connaissaient pas, quand j’en emmenais au marché des producteurs de la Trinité. Des musulmans m’ont dit qu’ils en faisaient des beignets. Je me suis donc mise à la recherche de ses vertus, en interrogant notamment des amis indiens. »
Problèmes de peau, de transit, d’estomac, ou d’articulation, l’épinard de Malabar en fait son affaire, sans compter qu’il est également bon à manger. « C’est comme de la mâche, quand on la fait en salade, avec des jeunes pousses délicieuses. En brède, elle rappelle les brèdes payatères, et se cuisine aussi bien en bouillon, en sauté et en fricassée qu’en gratin. » indique Céliane Virassamy. Une plante qui offre de bons rendements, toutes les feuilles pouvant être consommées, et qui est de plus en plus replantée. Depuis 2018, Céliane a fait des émules. Un produit de devrait intéresser les chefs.