Le galabé pour tous

Redécouvert et mis au goût du jour par Payet&Rivière depuis 2015, avec les moyens du bord, le galabé va entrer dans une phase de production soutenue pour répondre à la demande, à l’aide de nouveaux équipements et d’une sucrerie toute neuve.

Ici ce n’est pas le temps des plantations, on n’est pas dans une approche d’adoration patrimoniale, mais d’évolution, tout en respectant l’histoire du lieu. Nous sommes plus tournés vers l’innovation technique, l’innovation produit. » nous avait déclaré Alexis Rivière tandis que nous visitions le chantier de sa sucrerie, l’année dernière à Bel Air.
Aujourd’hui cette innovation technique prend la forme d’une machine à mélanger mécanique et d’une petite ligne d’embouteillage moderne, dans un kalbanon entièrement refait à neuf. Juste à côté, dans le bâtiment principal, une broyeuse performante capable de traiter 1 tonne de cannes à l’heure a été installée près de l’évaporateur, un système de bacs étagés sur différents niveau, et dans lequel va passer le précieux jus, après décantation. Deux hommes sont à la manœuvre. L’un alimente le four avec de la bagasse, l’autre transfère le jus odorant d’un bac à l’autre à l’aide d’une énorme louche, en vérifiant que le bac supérieur ne soit pas totalement vide pour ne pas se déformer sous l’action de la chaleur.
« Le métier du sucrier est d’évaporer l’eau contenue dans le jus de canne pour obtenir un sirop plus ou moins concentré aboutissant ou non à la création du sucre, explique Alexis Rivière. Notre outil correspond au modèle pré-industriel de la production sucrière. Dans l’industrie, l’objectif est d’obtenir des cristaux de saccharose, mais pas de goût. Notre procédé, où l’évaporation se fait à la pression atmosphérique, impliquant des réactions qui apparaissant avec de fortes températures, permet d’obtenir beaucoup plus de goût. »
Chauffé à plus de 100°, le jus de cannes va donc peu à peu perdre son eau et s’épaissir avant de passer à l’ultime étape, dans la nouvelle machine, où environ 80 litres de jus condensé vont cristalliser pour obtenir le galabé. Cette étape se déroulait auparavant à l’huile de coude, pendant une demi-heure. Dans la bassine en rotation, le jus sombre recouvert d’une fine mousse évoque un café crème dans la tasse d’un géant. La couleur changera progressivement pour tirer sur le marron.

L’interruption due au chantier, après la période pénible du covid, n’a pas émoussé la patience de la clientèle à La Réunion comme en Métropole. « Les professionnels qui nous avaient fait confiance sont toujours là, contents de nous voir arriver avec nos produits » se réjouit Alexis Rivière, heureux de pouvoir leur montrer les lieux afin qu’ils puissent témoigner auprès de leur propre clients. Le site, qui a vocation à être visité par le grand public dès le premier semestre de l’année prochaine, s’inscrirait parfaitement dans un circuit « canne à sucre » touristique, qui passerait par Stella, La Saga du Rhum, l’usine de Bois Rouge, la distillerie Savanna.

Alexis Rivière


« Avec cet investissement, nous souhaitons aller un peu plus loin, tant sur la partie sirop que sur celle du bonbon et sucre complet. La production d’un tel produit pour la consommation courante n’existe pas vraiment. Les seuls produits comparables au sirop de galabé sont le sirop d’érable et le miel. Le segment est à développer. » évoque Alexis Rivière qui souhaite faire entrer l’usage du sirop de galabé dans les familles, du petit-déjeuner au goûter en passant par les desserts et le rhum arrangé. « Nous souhaitons par ailleurs miniaturiser le bonbon galabé, pour un usage plus naturel que la barre que nous produisons, laquelle sera toujours proposée » ajoute-t-il. Mais une plaque de galabé n’est pas aisée à découper, de par la texture du produit. Ce sera le rôle d’un autre outil qui utilise des jets d’eau sous pression à 3000 bars, pour un travail propre. En fin de parcours, la nouvelle machine à emballer fera son office. On pourra dès lors retrouver le bonbon galabé à côté du café au restaurant.
De trois tonnes par an de produits finis, toutes références confondues, Payet&Rivière souhaite passer à dix, avec un réservoir de cannes qui permet d’aller au-delà. L’objectif de croisière étant de 30 tonnes par an. Des cuisines étoilées à celle de la ménagère, on n’a pas fini de voir le galabé mettre un peu de douceur et de bonheur dans ce monde du brutes ! En attendant les visites, le magasin de Bel Air est d’ores et déjà accessible, dès lors que vous prévenez de votre passage.

L’embouteillage
L’étiquetage des bonbons

Dégustation
Le galabé, voilà plus d’un an que nous n’y avions goûté. Nous prenons une bonne cuillérée de sirop pur. Une saveur torréfiée s’impose d’abord, puis amène le côté végétal de la canne, sur un sucré raffiné et délicat où des accents café et caramel se manifestent. Ceux-ci restent un peu sur la longueur avant de s’effacer doucement en laissant des notes acidulées. En pâte à tartiner, on imagine aisément le résultat dans une gaufre, ou avec du beurre sur une tartine. Mais voulant pousser le bouchon plus loin, nous avons tenté le mélange avec des noix de cajou mixées, un filet de citron et deux piments verts écrasés. On vous laisse tenter !

Projet d’investissement est porté par la société Établissements Bel Air a été mené par Alexis Rivière et Bertrand Caruel et a reçu le financement du FEADER (Fond européen pour le développement agricole et rural) et du département.

Rien de se perd, tout se transforme
La canne est broyée, le jus est utilisé pour fabriquer le galabé, la bagasse alimente le feu et les déchets restant servent comme engrais qui retourne dans les champs de cannes. Pour être encore plus vertueux, il faudrait que l’énergie de départ soit obtenue avec de la canne. Peut-être à l’avenir, qui sait ?