Aujourd’hui nous grimpons jusqu’au Tampon. Nos antennes nous ont fait part de l’existence d’un petit restaurant de quartier qui aurait les faveurs de sa clientèle, si l’on en juge par la longueur de la queue aux barquettes.
« Le Gourmand » a pignon sur la longue rue Général de Gaulle où moult autres restaurants et snacks sont ouverts, du chinois au créole en passant par le métro. L’un d’eux, l’Escale gourmande, a d’ailleurs obtenu une fourchette d’or en 2014. Voyons si le « Gourmand » l’est tout autant que le fut l’Escale. Quelques tables en salle, et quelques autres en terrasse, cinq personnes au service sur place ou à emporter derrière les vitrines, avec un « bonjour » jovial et le sourire accueillant. Le bâtiment n’est pas tout jeune, mais c’est propre.
Un coup d’oeil sur les plats exposés nous fait hésiter entre un cari de thon banane, des filets de poulet panés et printanière de légumes, un rougail morue proposé avec et sans piment, un porc palmiste et un sauté de poulet aux brèdes. Nous choisissons ce dernier, plus la morue pimentée. Le service est instantané, toujours avec le sourire, et l’on nous propose une carafe d’eau, chose rare dans les restaurants de quartier, et même dans certains établissements plus « chics ». Nous attaquons.
Le sauté de poulet aux brèdes est coloré. Les morceaux sont en effet bien dorés et les brèdes hachées finement ont encore leur couleur verte appétissante. Nous regrettons d’emblée qu’il n’y ait pas davantage de brèdes d’ailleurs ; à vrai dire nous aurions peut-être préféré un sauté de brèdes au poulet. Et pimenté, comme la morue. La dégustation ne prête le flanc à aucune remarque plus négative. Les morceaux de blanc de poulet sont moelleux et parés de la saveur caractéristique d’une bonne attache à fond de karay, que le sel vient relever en fin de mastication, accompagné d’un côté légèrement acidulé qui active la salivation. Au nez, le fumet est délicat. Il y a eu autre chose que de l’huile et du sel dans ce karay là. Les brèdes ne sont pas assez nombreuses pour que l’on perçoive nettement leur saveur, tout juste apportent-elle leur petite amertume.
Le rougail morue est très goûteux également. Si l’on y regarde de plus près, la salaison, d’ailleurs parfaitement dessalée, est assez timide en goût. Sans doute a-t-elle été trop dessalée, mais nous penchons plutôt sur la qualité intrinsèque (et « in trin sec ») de la morue elle-même. C’est qu’on trouve difficilement de nos jours ces bonnes morues d’avant, qui fouettaient comme Josumé dan’ sentié Grand bassin par gros soleil, et imprégnaient la boutique du chinois en duo avec les émanations de rhum charrette dans la buvette d’à côté. Fort heureusement, le cuistot n’en est visiblement pas à sa première morue. Sauf son respect bien sûr. Emiettée finement, la chair s’est parfaitement imprégnée des épices et du piment, et d’une morue banale le Gourmand fit une dame présentable qui nous mit en joie.
Les accompagnements sont dans le ton. Un riz aux grains ni trop secs ni trop cuits, qui donne de belles et tendres bouchées. Deux rougails et non un seul sont proposés (chose encore trop rare ailleurs) : un rougail bringelles correct, même s’il ne dégage pas cette odeur de grillé qui sied bien aux « souliers vernis » et un rougail tomate honnête, mais sans éclat. Les pois sont bien en crème, veloutés, et parés de leur fumet réglementaire. Nous terminons avec un gâteau patate servi généreusement et qui ne déçoit pas. Le gâteau est assez loin des « comblages » étouffe chrétiens, tamouls, musulmans et athées, qui vous descen-dent dans la panse comme un galet bord d’mer. C’est léger et parfumé.
L’addition se chiffre à 29 euros et des poussières pour deux repas, deux boissons, un dessert et un café. Le rapport qualité-prix est très bon.
Le long de la rue Général de Gaulle au Tampon, vous ne manquerez pas de choix de restaurant. Aujourd’hui le Gourmand nous a pleinement satisfait, avec un accueil très sympathique, un service efficace et souriant, et une cuisine créole simple et bien faite, qui travaille parfaitement des produits pas forcément haut de gamme, où les légumes ne sont pas oubliés. Pour chipoter, nous mettrons un bémol sur les rougails qui, bien que corrects, manquaient de caractère. Un soin plus attentif au cadre serait également un plus qui le rendrait aussi accueillant que la dynamique équipe. Il n’en faut pas davantage pour attribuer au Gourmand une belle fourchette en argent. Encore quelques petits efforts, et la recommandation et pourquoi pas l’or, seront aisément acquis.
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Pour résumer. Accueil : très bien • Cadre : très moyen • Présentation des plats : bien
• Service : très bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix : très bien. Impression globale : bonne table
Fourchette en argent
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