Chez Bazou

P1070249C’est à la Petite France, à la frontière du Maïdo, que nous retournons aujourd’hui, afin de goûter aux plats de Chez Bazou. Jusqu’ici nous n’avons pas eu de chance dans le coin. Nos deux précédentes dégustations s’étaient soldées par d’insignifiantes fourchettes en inox gratifiant une cuisine créole approximative, jugée sans doute suffisante pour nos touristes et quelque créoles conciliants au ventre vide.

La bonne dame qui nous reçoit est du genre guillerette avec du bagou. On cause de tout et de rien comme si elle nous connaissait depuis toujours. Elle nous renseigne aussi sur le menu du jour : rougail saucisses, boucané bringelles, cari poulet et civet lapin, en prenant la précaution de nous donner le pédigrée du volatile : du poulet fermier, pas du poulet péi. En entrant chez Bazou, déjà, l’ambiance est autre. Point de décor de bois ou de rondin pour faire « genre », ni de buffet dressé. La grande salle d’une soixantaine de couverts est doucement chauffée par une cheminée à côté de laquelle nous prenons place. Toile cirée sur les tables, des chaises confortables, un capillaire près du bar, le jardinet fleuri tout autour du parking : l’ambiance est familiale. 

Les entrées, elles, sont du terroir : des beignets divers réalisés avec de la pâte parfumée au géranium. L’assortiment comprend : bringelles nature, chou fleur, brèdes chouchou au lardon. 

Nous les dégustons en finissant notre apéritif, et tout cela se révèle fort plaisant. En effet, les beignets ne sont pas très gras, la pâte est certes parfumée mais les effluves de géranium sont légers et ne viennent en aucune façon altérer les saveurs des produits. Du bon dosage maîtrisé certainement de longue date. Cette entrée en matière disparaît trop vite. 

Les plats ne tardent guère. Un brin déçus de ne pas trouver céans des mets plus originaux que ces quatre-là, nous faisons l’impasse sur le boucané bringelles pour juger les trois autres.

Le rougail saucisses a belle allure dans sa sauce rouge. Premier morceau croqué et petite déception : la saucisse est passablement grasse. Fort heureusement le plat n’est pas trop salé. La sauce tomate est correcte, présente mais pas trop liquide et l’ensemble se mange. Le plat est standard. Assez bon pour une découverte de touristes, sans se payer la tête de ces derniers, mais le créole trouvera ça rasoir.

Le cari poulet est tout aussi bon, et tout aussi ennuyeux. La viande, aussi fermière soit-elle, n’a pas les qualités de la volaille nourrie aux galets de la cour, qui a passé ses journées à fuir ventre à terre le roquet soupe-au-lait ou les gamins taquins. Cela n’enlève rien à la qualité du cari, non pas, lequel est assez parfumé au nez mais manque un peu de saveur au palais. 

Le civet lapin fait un peu mieux. La viande bien cuite nous fond presque dans la bouche, mais en  diffusant un vague parfum de vin cuit tout à fait insuffisant à notre goût. Si la viande a macéré, elle n’a pas dû l’être longtemps. Le fumet du fond de sauce est néanmoins agréable, correctement salé, et parfume chaque cuillerée de riz assez efficacement pour entraîner la cuillerée suivante.

Le rougail tomate qui accompagne tout ça est soft, trop peut-être, tant au niveau du piquant que du goût. Les grains blancs sont absolument sans intérêt. Et toujours pas de brèdes pour accompagner ces classiques créoles, dans un endroit comme celui-là. Nous étant suffisamment sustentés, nous déclinons les desserts et réglons une addition de 52 euros et des poussières pour trois personnes, boissons comprises, soit un peu plus de 17 euros par personne : assez bon rapport qualité/prix dans l’ensemble.

Voici donc le troisième restaurant que nous testons aux portes du Maïdo, et à vrai dire la déception n’est pas loin. Elle n’est pas loin, mais elle n’est pas tout à fait là non plus. Chez Bazou, restaurant familial, on vous accueille comme des amis, des bons voisins, dans un cadre simple, propre, chaleureux et la cuisine créole que vous y dégustez est authentique et plutôt bonne. Cependant, en dehors des fameux beignets au géranium emblématiques du lieu, l’originalité est aux abonnés absents et, plus chagrinant, les saveurs sont plutôt dans la moyenne de n’importe quel cari standard. 

Une chose est sûre, si votre mère-grand ou votre vieux tonton est un de ces cordons bleus que recèlent bien des familles réunionnaises, inutile de les emmener là-haut sous prétexte que, pour une fois, c’est eux qui mettront les pieds sous la table. Parce que vous allez vous faire enguirlander. En revanche, en descendant du bord de rempart avec la belle famille zoreil fraîchement débarquée, Bazou est une adresse honnête pour lui faire découvrir la cuisine créole. Dommage quand même que les brèdes soient autant boudées (et cela, un peu partout sur l’île) et que, ventre saint gris, on ne propose pas davantage de fruits péi en dessert. La fourchette en inox est en embuscade, mais pour ce repas qui fut tout de même bon, malgré tout, nous décernons au restaurant chez Bazou une petite fourchette en argent.

Pour résumer : 
Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : moyen
Service : très bien • Qualité des plats : bons
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent

Le Relais du Maïdo

[Visite en mai 2013]

Aujourd’hui nous prenons la direction du Maïdo, dans le sillage de notre fringuant randonneur Alain Dupuis, sorte d’elfe des forêts parcourant les monts et les vaux de notre belle île (sans collant vert ni chapeau pointu, Dieu merci !) qui nous a proposé ces dernières semaines une randonnée sur le bord du rempart. Nous ne sommes pas allés si haut, mais nous sommes arrêtés quand même dans les hauts des hauts, au royaume des trois « B » (Boeufs, Bois, Brouillard), au Relais du Maïdo et ses animations touristiques dont la luge qu’on ne présente plus. D’ailleurs, l’ancienneté des installations commence à se voir, il est vrai que l’humidité ambiante ne doit rien arranger. La grande salle tout en bois, elle, est confortable et chauffée par des poêles, l’ambiance est donnée.

Ce dimanche, c’est buffet pour les plats créoles, mais il y a aussi des plats plus « métros » à la carte (souris d’agneau, escalope d’espadon, rumsteck, magret de canard). Nous aurons donc, pour 17 euros, le choix de ne pas choisir entre le porc aux olives, le bœuf bourguignon, la cari de poisson (du grenadier) et le civet de coq, mais de tout goûter. En entrée, quelques crudités et un gratin sont au garde-à-vous. L’accueil est chaleureux et souriant. On nous installe, on vient prendre notre commande de boissons, et l’on s’enquiert de nos desiderata.

Nous décidons de tester les amuses-bouches salés qui consistent en diverses fritures classiques, plus une originalité du terroir : des beignets de poulet au géranium. Nous irons ensuite voir le buffet. Les samoussas, servis par lot de 3, à 2,50 euros, reviennent à un peu plus de 80 centimes pièce. Sachant qu’un samoussa se négocie dans « les bas » à 40 centimes prix public d’achat, la marge n’est pas mal, ils ont intérêt à être bons. Et ils le sont : farce fine et parfumée, pas gras.

Les beignets de poulet sont bons aussi et l’humeur de géranium est intéressante, tout en évitant d’être trop entêtante. C’est le plaisir d’essence. Mais nous ne décelons guère le goût de poulet, écrasé par celui du fromage qui compose le beignet. « Poulet » est sans doute signalé à l’adresse des personnes ne mangeant pas de boeuf ou de porc pour des raisons religieuses… Cette entrée en matière nous ayant à peu près satisfaits, nous fonçons vers le buffet ventre à terre. Nous n’y retournerons pas.

La salade de crudités fraîches, accompagnée d’une vinaigrette réussie, ni trop acide ni trop salée, est coupée presque en cheveux d’ange. Le résultat est un plaisir à la mastication et une belle odeur de choux et de carottes, de la bonne vieille salade classique et efficace. Place aux plats.

Nous allons être brefs. Le cari de porc aux olives est d’une banalité navrante, et les olives ne l’aident que peu. La viande est farineuse et peu goûtue.
Le cari de grenadier fait de la résistance, on ne peut pas trop lui en demander. Mais il aurait pu au moins être accompagné d’un piment vert «crasé» au caractère plus affirmé que le rougail « zognon » disponible au buffet. Globalement, c’est fade.

Le civet de coq est une véritable insulte. Déjà la viande est liquéfiée et les saveurs normalement franches et épicées d’un civet catholique (laurier, clou de girofle et vin) n’ont qu’une existence vaporeuse. Tout cela est mangeable mais ne nous amène que du regret. Ce ne sont pas les desserts qui nous consoleront. Une crêpe froide et un gâteau «ti son», dont il manque un peu de peau du dos (oser servir cela au client c’est du je-m’en-foutisme caractérisé). Le nom est un peu surfait. Disons que c’est un quatre-quart au lointain parfum de ti son, dont la texture épaisse fait dire au créole : « gâteau comblage ». Un verre d’eau là-dessus et ce n’est plus un dessert, c’est Bob l’Éponge.

Tout ça pour 41 euros et des poussières, sans l’apéro, soit un peu plus de 20 euros par tête de touriste.

Aurions-nous dû goûter aux plats à la carte ? Sans doute, parce que le buffet, lui, à l’instar de quelques autres que nous avons pu tester par ailleurs, est de piètre qualité. Ce n’est plus un mystère : la formule buffet permet aux restaurateurs de faire un maximum de chiffre avec des dépenses serrées. De là à servir du rata de temps de guerre en déguisant cela en cuisine « exotique », c’est se moquer ouvertement de la gastronomie réunionnaise. Tout cela sent la fourchette en plastique à plein nez.

Seconde dégustation

Aussi avons-nous décidé de donner une deuxième chance à ce restaurant qui est en première ligne sur le front du tourisme réunionnais. Nous avons voulu savoir comment étaient les plats à la carte et sommes retournés les tester quelques jours plus tard. Nous remarquons d’emblée que les plats métro « du jour » sont les mêmes que précédemment. Des plats du jour qui restent plusieurs jours… cela voudrait dire qu’ils n’ont pas été vendus ou qu’ils ne changent pas ?

Nous commandons le cari de poisson, de l’espadon nous annonce-t-on, et la fricassée créole estampillée spécialité maison, à base de charcutailles diverses et de bringelles.

Le poisson qui arrive, servi à l’assiette, est de l’espadon… en cube ! Pourquoi ne sommes-nous pas surpris ? Le plat est mangeable, loin s’en faut, mais très ordinaire. Un anglophone dirait : »cheap » !

La fricassée se défend un peu mieux. Des petits morceaux d’andouilles assurent le goût pour l’essentiel, encore qu’à minima, et les bringelles presque fondues confèrent au plat une certaine homogénéité de texture, tout en accompagnant la viande du mieux qu’elles peuvent gustativement parlant. Rien d’extraordinaire au final. Et le rougail tomate, formaté pour les palais sensibles, est parfaitement inintéressant. Seul le morceau de gâteau de patate douce fait mieux que le pitoyable « ti son » servi trois jours auparavant, bien qu’encore trop dense.

Globalement, les plats à la carte sont un ton au-dessus de ceux du buffet, mais c’est timide. Rien de tout cela ne nous a emballés.

Le Relais du Maïdo est une cantine. Allez-y si par malheur vous avez oublié le pique-nique, ou si mémé est tombée en panne de gaz en pleine cuisson du civet de canard! Vous aurez la satisfaction d’avoir l’estomac plein, et guère plus. Dans un endroit comme celui-là, c’est quand même dommage. Vu le potentiel touristique évident, dire que nos visiteurs se font servir de la tambouille cuisinée avec des produits de bas de gamme, c’est un véritable gâchis ! Le Relais du Maïdo récolte donc une bien généreuse fourchette en inox !

Pour résumer :
Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : buffet / moyen • Service : bien • Qualité des plats : très moyens
Impression globale : très moyen
Fourchette en inox

Chez Doudou

[Visite en mai 2012]

La Petite France, aux portes du Maïdo : son brouillard, ses bœufs, ses chevaux, ses cyprès, et ses restaurants au frais. Aujourd’hui nous décidons de tester l’un des plus connu : «Chez Doudou». L’établissement est constitué d’un bâtiment bas, en bois, qui semble avoir poussé au fur et à mesure et qui ne manque pas d’un certain charme champêtre, avec sa cheminée à proximité de laquelle les frileux aimeront se réfugier.

C’est qu’il ne fait pas chaud, avec l’hiver qui pointe son nez, mais cela ouvre l’appétit. Nous nous installons et une charmante demoiselle, fort accorte par ailleurs, nous explique le déroulement des opérations. Celles-ci commencent avec une entrée de beignets de morue et de chou et se poursuivent avec un buffet chaud dont nous ne connaissons pas encore la teneur. Il est tôt, et ce dernier n’est pas prêt. Le temps de patienter, on nous propose à la dégustation un jus de fruit frais et un punch maison, tous les deux excellents, à base de bananes. 

Les beignets ne tardent pas. Ils sont servis accompagnés d’une sorte de sauce tartare rouge assez typée. Et tant mieux pour les beignets, pourrait-on dire, car ces derniers à part un vague parfum de morue ont surtout un goût de…beignet, à savoir une pâte salée cuite à l’huile. Elle a fait long feu cette mode du beignet à tout et n’importe quoi, qu’on pouvait trouver dans beaucoup de restos des hauts se revendiquant de la tradition créole, et qui au bout du compte avaient tous le même goût : celui de l’huile ! Une entrée bien pratique, nous verrons plus loin pourquoi. Est-ce la fraîcheur, l’ambiance, la faim ou la sauce ? Les beignets sont proprement exterminés. 

Nous passons aux choses sérieuses. Les marmites chaudes sont mise à la disposition des clients. Au menu : un poisson au gingembre, un cari de poulet au coco et un plat de cochonnailles diverses, sorte de « rougail » mélangé de saucisses, boucané et andouillettes, qui baignent dans une sauce uniforme. L’aspect de l’affaire nous intrigue, nous entamerons donc les hostilités par là, avec, en accompagnement des lentilles et une sauce de piment.

Surprenant. Cette sorte de rougail panaché nous laisse pantois. La sauce, avec un arrière goût de fumé, ne manque pas d’attrait, les morceaux de saucisses et d’andouillettes font bonne figure et, tout en étant ferme d’aspect, fondent en bouche. Quand à la qualité intrinsèque de l’affaire, c’est le cas de le dire : on ne sait pas si c’est du lard ou du cochon ! On est loin du rougail boucané ou du rougail saucisse de la pure tradition créole, sans aucun doute. Le plat est bon, mais il lui manque quelque chose : un peu plus de tonus gustatif. Le poulet est beaucoup plus goûteux. Il est ferme et a cette belle couleur jaune des bons caris au feu de bois. La sauce est parfaite et le tout exhale d’autant mieux les aromates avec la poignée de persil frais, hachés, et lâchés par dessus au dernier moment. Nous remarquons tout de même que le volatile a été, lui aussi, coupé en menus morceaux. Impossible de retrouver une cuisse entière, ou une hanche dans cette hécatombe, pas plus que de bons « morceaux à sucer ».

Le poisson, quant à lui, s’est fait buzzer à la première bouchée : du capitaine ou du brigadier congelé, à tout le moins, mais quelque soit son grade il diffuse une saveur forte qui a littéralement divorcé de l’aigre-doux de la sauce tomate en boite ! Tomate en boite, mes enfants ! Et si le gingembre est bien présent, on n’en voit pas traces, pas plus que celles des carottes du bon poisson gingembre chinois. Un plat métissé, sans doute, et certainement bon marché. 

Un bon point pour le riz, du grain long cuit ni trop sec ni trop en colle, et pour les lentilles, fort goûteuses et bien en crème où quelques lamelles de brèdes chou-de-Chine se promenaient. Nous terminons le repas avec des bananes « rôties », et un excellent gâteau de patate douce au franc goût d’anisette, comme on les aime. L’addition est sans surprise puisque clairement annoncée au début du repas : 20 euros par personne, tout compris. Notre portefeuille est content, mais nous pas vraiment, et pas vraiment surpris non plus. 

Dans le genre gargotte à touristes « zoreil tarmac », Chez Doudou fait fort. Il se fait fort aussi de passer les recettes traditionnelles créole à la moulinette de l’économie et utilise pour cela les vieilles ficelles du métier: couper le poulet en petits morceaux, pour faire quantité, donner des beignets en entrée pour que les estomacs soient bien remplis et les foies en surcharge, faire passer du poisson bas de gamme dans une sauce tape à l’oeil, mélanger les saucisses avec le boucané ultra-gras et utiliser tout le tremblement dans une formule buffet qui fait croire qu’on en a pour son argent. Bien entendu, nos amis touristes, déjà bronzés ou encore blancs comme neige (au sens propre comme au sens figuré d’ailleurs!) n’y voient que du feu (qui a dit :  « au Maïdo, c’est normal? »). Le restaurant n’étant ouvert que le week-end, nous pensons sincèrement qu’il est inutile de se farcir les virages du Guillaume et de la petite France exprès pour Doudou. Maintenant, si vous passez par là, pourquoi pas. Vous pourrez y déguster la tambouille créole pour zoreil ignorants, ce qui vous contentera le fondement mais rend pour le moment inaccessible la fourchette en argent. Nous décernons donc au restaurant « Chez Doudou » une fourchette en inox, en attendant un peu mieux, pour le respect de la tradition culinaire créole.

Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : buffet • Service : bien • Qualité des plats : moyenne
Notre impression globale : moyen
Fourchette en inox