Zarboutan ? De quoi ?

Deux restaurants créoles de Sainte-Marie figurent dans le guide jaune 2022, mais cette commune en abrite bien plus, surtout des petites structures, à la qualité inégale et inconstante. Aujourd’hui nous visitons officiellement Le Zarboutan, qui n’est pas spécialement petit, après plusieurs passages tout au long de l’année qui nous avaient donné l’espoir de le voir rejoindre ses deux confrères dans le guide l’année prochaine. Eh bien c’est pas gagné.

Le Zarboutan est planté au bord de la traversante principale de la zone de La Mare, et bénéficie de l’ombrage des arbres et d’un vaste parking à l’arrière qui permet d’éviter de chercher de la place jusqu’à ce que mort s’ensuive.
70 couverts sous chapiteaux, des tables hautes et basses, globalement propres si on n’y regarde pas de trop près (la nôtre affiche une vieille tache de café), plus un local équipé d’une vitrine où les clients choisissent leurs plats en mode buffet à volonté.
Le menu du jour comprend, outre les entrées, un massalé cabri, un cari la patte cochon, un rougail saucisses fumées poulet, un sauté de courgettes, un cari bichiques (importés), des grillades. L’accueil est poli, et le service efficace.

En entrées nous demandons des œufs mimosa, des petits sandwichs Dakatine, quelques feuilles de salades variées, et de la charcuterie. Les œufs sont assez bons, bien que salés plus que de raison. L’idée des sandwichs, des petits pains viennois, est à saluer. Le rougail Dakatine est standard, fort probablement industriel, avec un piment léger. Les feuilles de salades sont fraîches et croquantes.

Nous refaisons la queue pour les plats cette fois et entamons le cabri massalé. La viande est bien cuite et très moelleuse, mais le goût général est éteint. C’est du massalé pour palais zoreil fragile, si fait exprès, ou plus sûrement un plat fait à l’étouffée, sans roussi, avec une poudre éventée. Les quelques feuilles de caloupilé peinent à donner au plat un semblant de relief gustatif. C’est frustrant pour les amateurs de massalé. Il ne manque pourtant pas grand-chose pour qu’il sorte la tête de cette déprime.

Le rougail saucisses est un tas de sel. Ce qui est dommage car les saucisses sont assez bonnes, quoiqu’un peu grasses, signe d’un pedigree bas de gamme. En fait, la sauce est salée aussi, le cuisinier ne s’est peut-être pas contenté d’exploiter le sel de la charcuterie et en a rajouté. Certaines personnes aiment ça, sans doute.

Le cari bichique n’est ni fait ni à faire. On le sait, les bichiques importés, congelés, ont beaucoup moins de saveur que leur congénères locaux, vendus à prix d’or pour cause de rareté (la faute à la surpêche et au je-m’en-foutisme des pouvoirs publics concernés). Voilà pourquoi les cuisiniers ont tendance à y aller au godet de tractopelle pour l’assaisonnement, surtout concernant le gingembre. C’est aussi le cas présentement, mais cela aurait pu éventuellement passer si les bichiques n’étaient pas bouillies ! Un cari bichique mouillé est un scandale en soi. On peut comprendre que ça prenne du temps à tourner dans la marmite délicatement pour ne pas que ça attache trop au fond, mais dans ce cas pourquoi proposer le plat ? Pour faire joli ? Le « Z » de « Zarboutan » devient « Z » comme « Zéro ».

Le cari la patte pour sa part est très bon. Belle viande tendre, dont la peau fond presque en bouche. Jolie couleur appétissante. Le goût est conforme à ce qu’on attend de ce cari emblématique de la cuisine réunionnaise, épicé, profond, gourmand. Nous constatons la présence dans la sauce de plusieurs grains de ce qu’il semble être des baies roses. Celles-ci sont assez nombreuses pour oser une tentative d’aromatisation du cari, en dépit du fait que leur saveur est pâle. Il faut vraiment tomber dessus pour la ressentir. Fraîche, les baies roses s’emploient avec bien plus de prudence. Qu’importe, leur présence a donné à la sauce un côté un peu plus corsé, à la marge, et le cari s’en trouve valorisé.

Le riz a les grains trop détachés pour nous satisfaire, mais le restaurateur suit la tendance actuelle imposée par la clientèle appréciant la « sensation basmati », un riz qui, rappelons-le, ne convient pas aux plats en sauce comme les caris. Les grains sont corrects. Le rougail margoze est ciselé épais, avec un assaisonnement très passable, ou alors il a été mal mélangé.

Un tiramisu pour clôt le repas. Fait maison ou acheté à un prestataire, c’est un « tirami-en-dessous ». C’est lourd et grossier, avec une crème trop épaisse. Du comblage flingue-diabétique.

Nous réglons une note de 64 euros pour deux formules « à volonté », deux desserts et des boissons. Le rapport qualité-prix est mauvais.

Le Zarboutan est l’archétype du restaurant du midi pour travailleurs qui sait de temps en temps sortir des plats très corrects, mais qui semble globalement privilégier la quantité à la qualité, et cuisine à la va-vite, à l’économie. Les idées sont pourtant là. Si nous avons vu largement pire dans la catégorie des buffets à volonté, celui-ci mériterait un peu plus d’attention de la part du (des) cuistot(s), même si certains clients ne viennent que pour se remplir le ventre en vitesse. Excepté trois groupes, sans doute des entreprises du coin, il n’y avait pas tant de monde que cela ce jour-là, et apparemment pas mal d’habitués. Nous sommes certains que ce restaurant peut faire beaucoup mieux, mais pour le moment, on se demande de quoi est ce « Zarboutan »… pas de la cuisine traditionnelle réunionnaise en tous les cas.

Cette critique est faite suite à notre visite du mardi 22 novembre à midi. Elle est subjective par nature et ne prétend pas être une vérité absolue et définitive sur la qualité du service et des plats de ce restaurant. Nous certifions n’avoir aucun lien avec les responsables de cet établissement ni aucun intérêt à lui donner une bonne ou une mauvaise note. Faites vous votre propre opinion.

La Cascade Blanche, l’adresse touristique…

La Cascade Blanche jouit d’un bel emplacement juste à côté du pont de l’Escalier sur la route de Salazie. Un emplacement un peu délaissé par les services communaux, visiblement, si l’on en juge par la hauteur des herbes et l’état de délabrement des kiosques. C’est sans doute un nouveau concept touristique : le « moisi authentique ». Notre dernière visite date des débuts de la rubrique, en 2011. Une fourchette en argent fut attribuée. Il est plus que temps de faire une mise à jour, pour voir si ce restaurant de cuisine réunionnaise mérite une sélection dans la liste des meilleures adresses.

undefinedNous débarquons peu avant midi, il n’y a pas encore grand monde en ce jour de semaine. Nous choisissons notre table et l’on nous apporte la carte des boissons, et le menu où trois entrées sont suivies par deux salades et 16 plats, dont du cari de langouste, du magret de canard sauce miel, un rougail zandouille, un canard à la vanille et de la dorade grillée, entre autres. 16 plats. Tout ça, oui.

Nous optons pour un civet la patte-cochon et de la morue chouchou margoze. L’attente est courte. Nous avons juste le temps d’apprécier les cocktails sans alcool. Ou bien les caris ont été cuits depuis très tôt le matin, ou bien la cuisson n’est pas du jour et les plats sortent plutôt du congélateur. Le service est à l’assiette, et les quantités sont généreuses.

undefinedLe civet la patte présente une jolie couleur lustrée, tirant sur le marron foncé. Le premier coup de dents révèle une chair tendre et bien cuite. Et puis c’est tout. En effet, gustativement parlant, nous avons droit à un girofle tyrannique auquel résiste difficilement les saveurs du pauvre porc, réfugiées par-ci par-là au coin des os, ou dans la sauce épaisse où les épices et la tomate ont bien compoté. C’est du civet de girofle à la patte-cochon.

undefinedLa morue fait un peu mieux, bien que le plat soit davantage mouillé que sec, au contraire de ce que nous a déclaré la serveuse.
Nous nous attendions à de la morue frite, émiettée comme il faut, avec des oignons émincés, toute enrobée d’une pellicule de sauce légèrement grasse réduite à son minimum, accompagnée de juliennes de chouchou encore fermes et de margoze croquante qui distribue avec finesse son amertume fraîche dont la morue profite largement dans un plat correctement exécuté. A la place nous avons droit à de la morue émiettée avec les pieds, qui baigne dans un fond de sauce liquide où la margoze et le chouchou trop cuits se font fouetter par un gingembre autoritaire. C’est mangeable, certes, mais ça ne ressemble à rien.

Le riz est insignifiant. Du bas de gamme avec des brisures et des grains secs. Le rougail fait son travail sans zèle. Les lentilles sont en revanche assez crémeuses et généreuses en saveur. Le petit achard de légumes en juliennes épaisses est très bon et croquant, il apporte une touche de fraîcheur aux deux caris.

Les onze desserts sont assez classiques : gâteau chouchou, gâteau banane, crème brûlée, tarte tatin… Nous terminons par une mousse au chocolat assez bonne, et qui a la courtoisie de ne pas être compacte.

L’addition grimpe à 56,50 euros soit 28 euros et des miettes de morue par personne pour deux boissons, deux plats, un dessert et un café. Le rapport quantité prix est correct. Le rapport qualité prix est mauvais. Heureusement que nous avons fait l’impasse sur les « tapas », facturés à 18 euros pour 20 pièces.

La Cascade Blanche, nonobstant un environnement dont la mairie de Salazie semble se foutre comme de l’an quarante, présente bien. Case en tôle, salle décorée et habillée façon ambiance authentique agréable aux touristes, tout est fait pour que les visiteurs se sentent à l’aise. La cuisine se veut authentique, à des tarifs… touristiques justement. Pour l’instant les touristes ne sont pas encore revenus. Il serait bon, peut-être, d’ajuster prix et qualité pour faire en sorte qu’à leur retour ils ne se sentent pas les dindons de la farce, ou des pigeons… voyageurs. Car sait-on jamais, ils pourraient être accompagnés d’un(e) Réunionnais(e) qui, elle ou lui, a l’habitude de manger des bons caris, et qui va trouver le menu de la Cascade Blanche un peu cher pour ce que c’est.
Quelques cuistots devraient se rappeler que la cuisine réunionnaise, c’est autre chose que des produits cuisinés à la va-vite et maquillés à grand renfort de girofle ou de gingembre, comme s’il fallait en écouler dans l’urgence le surplus.
Nous avons bien conscience que par les temps qui courent, les critiques négatives des restaurants ne sont pas politiquement correctes (si tant est qu’elles le fussent un jour), mais il ne faut tout de même pas trop pousser mère-grand dans les galaberts.

La présente critique a été réalisée sur la foi de la dégustation du jeudi 2 juillet 2020. Cette critique est subjective par nature et ne prétend pas constituer une vérité absolue et définitive concernant la qualité des plats et du service de ce jour, ni des jours suivants. Nous certifions n’avoir aucun lien avec les responsables de ce restaurant ni aucun intérêt à donner une bonne ou une mauvaise appréciation. Dans tous les cas, les personnes concernées bénéficient d’un droit de réponse. Nous vous invitons à tester vous-mêmes ce restaurant et à vous faire votre propre opinion.