Réveil difficile au Relais des Plaines

Notre dernière visite au Relais des Plaines ne date pas d’hier mais de huit ans exactement, avec une fourchette en argent en récompense. De l’eau a coulé sous les platanes. Le Covid est passé. La disposition des lieux
a changé, forcément. Les écarts entre les tables sont conséquents. La grande salle le permet.

Du côté carte, changement aussi puisqu’il nous est proposé de la cuisine française classique – magret de canard, cuisse de grenouilles, escargots, côtelette d’agneau – deux plats créoles, et des originalités comme le gratiné de crevettes au palmiste que nous commandons, avec un cari de poulet. L’accueil est avenant. On nous propose de l’eau. Le chef passe voir les clients. Rien à dire sur le service, aimable et efficace. Les plats en revanche…
Un jus de goyavier nous est proposé avec une lichette d’alcool. Nous sentons à peine l’alcool, ce qui n’est pas bien grave. Mais nous sentons à peine le goyavier aussi. L’apéritif a un goût de flotte. Ça commence mal.

Le Gratin de Palmiste, qui a un goût de gratin, et pas de palmiste.

Nous attaquons avec un gratin de palmiste, il fait frais, préféré à la salade du même tronc et à l’assiette créole classique. Le gratin est dressé le plus simplement du monde, avec une salade verte fraîche. Présentation kitsch. C’est chaud. Pas besoin de plusieurs bouchées pour en avoir le coeur net, la première suffit. Nous ne nous faisions pas beaucoup d’illusion au départ, tout en espérant un miracle, mais le palmiste peut difficilement garder sa saveur délicate et fragile sous les assauts de la béchamel et du fromage. Il ne peut prêter au plat que son nom, sa texture et son croquant, quand toutefois les morceaux sont assez gros pour qu’on ressente quelque chose sous la dent, ce qui est loin d’être le cas ici. Nous avons donc un gratin, plutôt bon, mais dire qu’il est au palmiste relève de la rhétorique, au mieux. Il faudrait arrêter avec ce genre de plat comme les beignets par exemple, à ceci ou à cela, qui n’ont la plupart du temps qu’un goût de pâte au bain d’huile. Aujourd’hui c’est le produit qui compte, et la mise en valeur de son goût. Si on mange un gratin et qu’on ne sent pas le produit, quel intérêt ?

Quelques crevettes se battent en duel au milieu d’un autre… gratin de palmiste !

Nous restons dans le gratiné, et dans le palmiste. «Gratiné de crevettes palmiste» est le nom du plat. Le nom « crevettes » étant placé avant, c’est donc cela que nous nous attendons à déguster principalement,
en imaginant par exemple des crevettes sautées à l’ail prises en sandwich entre des tranches de palmiste, le tout passé au four sous une couche de fromage. Que nenni. A la place nous avons… un gratin de palmiste aux crevettes, enfin, à la
demi-douzaine de misérables crevettes vapeur qui se tapent une belote en s’emmerdant à cent sous de l’heure au beau milieu de palmiste effiloché, pas plus goûtu donc que l’entrée. Ce plat est au mieux une erreur, au pis un attrape-couillon.

Le Cari poulet manque de punch

Passons au cari. Bizarre ce poulet. Ses origines industrielles ne font pas mystère, et pour autant sa tenue est bonne. Mais il nous paraît assez pâlichon. Nous goûtons la sauce. C’est fade, le roussi est indigent, et la viande n’a pas tâté assez le fond de marmite pour exalter sa saveur. On dirait un cari fait en vitesse au micro-ondes. Le plat est mangeable,
mais quand on fait des kilomètres pour savourer un cari de poulet à la Plaine, on s’attend à autre chose qu’à cet ersatz de ration de l’armée pour bidasse affligé d’agueusie. Le riz est à l’image du reste : pauvre en goût, sec et sans intérêt. Les gros pois suivent le mouvement. Le rougail de concombre est bon, bien pimenté, croquant, et essaie de sauver
le cari mais n’y parvient pas. Il aurait plutôt fallu un rougail tomate arbuste ou bringelle, bien grillée, pour apporter un peu de fumet et d’éclat à cette volaille gustativement étique.

Nous terminons par un fromage des Plaines au coulis de goyavier, rajouté à la main sur la carte des desserts, comme un oubli. Il devrait être imprimé comme les autres, et en haut de la liste. Quand on est implanté dans un lieu, on essaie de mettre à l’honneur le terroir, un tant soit peu. Le fromage est frais et plutôt bon, le coulis est très caramélisé, trop sans doute pour qu’on profite pleinement du bel éclat gustatif du petit fruit rouge emblématique de la région. Ce dessert pourrait d’ailleurs être plus travaillé, et décliné en différentes versions, avec d’autres fruits locaux. Quelques baies de goyavier bien mûres en décoration avec leurs feuilles n’auraient pas été de trop, surtout en saison. D’une manière générale il est rare que les restaurateurs mettent des fruits de saison à leur table, ne serait-ce qu’en clin d’oeil, et c’est très dommage. Coût supplémentaire ? Manque d’idée, d’intérêt ou de temps ? La raison nous échappe. Addition : 49,50 euros pour une boisson, une entrée, deux plats et un dessert. Le rapport qualité-prix est perfectible.

Il est quand même navrant de constater que ce genre de cuisine existe encore. Le Covid a fait beaucoup de mal, les restaurateurs en ont souffert, et il nous est donc pénible d’en rajouter une couche mais si certains s’imaginent qu’ils peuvent compter sur la mansuétude des clients pour accepter les à-peu-près, ils se fichent le doigt dans l’oeil à se gratter l’omoplate par l’intérieur. Les clients restent exigeants, et le sont de plus en plus. Il est grand temps de proposer de la vraie bonne cuisine réunionnaise authentique à la Plaine-des-Palmistes, en plus de la gastronomie française, pourquoi pas, l’un n’empêchant pas l’autre. Dans un cadre comme celui du Relais des Plaines, c’est le moins qu’on puisse attendre.

Le Relais des Pitons, la tradition en dessert

Nous voici à la Plaine-des-Palmistes l’hiver, avec ses platanes « en sève » et son air frisquet qui ouvre l’appétit. Ce dimanche, jour de marché, 11h30, il reste encore quelques clients qui louvoient entre les étals pour acheter la matière première du repas du midi, et des jours qui vont suivre, et accessoirement mordre dans les gâteaux péi ou les samoussas avant de regagner leurs pénates. A quelques pas de là, juste après la mairie, le Relais des Pitons a ouvert ses portes. Notre dernière visite date de juillet 2017. Et la note n’avait pas été bonne. On nous a laissé entendre qu’il pouvait s’agir d’un accident. Que l’adresse est réputée. Qu’à cela ne tienne, nous y voici de nouveau.

L’accueil est nous supposons souriant car réglementairement masqué, le monsieur est sympathique. Nous prenons place. Au menu du jour : gratin de chouchou, de citrouille et de patate douce, boudin créole et assiette de crudités pour les entrées ; cari la patte cochon, massalé coq, cari calamar, bœuf bourguignon et sauté de poulet au chouchou pour les plats de résistance. La patte et le coq feront l’affaire. Un jus de goyavier bien frais nous est proposé, il nous réveille la glotte. Les entrées débarquent sans tarder, toutes chaudes.

Le gratin est brûlant. Nous le triturons un peu pour qu’il refroidisse plus vite. L’intérieur est plus jaune qu’orange. La texture est un peu molle, mais pas liquide. La première bouchée nous rassure : la citrouille et le fromage font un ménage équilibré, teinté de thym, et de soupçons poivrés. A mesure que les bouchées se succèdent, la saveur de la citrouille se révèle de mieux en mieux. Le ramequin est vidé.

Le boudin, acheté chez un charcutier « du côté de Bras des Calumets » nous dit-on, n’affiche aucun piment revendicatif, mais offre généreusement une mâche moelleuse, où les dents rencontrent ici et là quelques résistances grasses et parfumées, avec le croustillant léger de quelque oignons vert ou persil, sans que nulle épaisseur désagréable de mie de pain ne soit détectée. Voilà du bon boudin des hauts, tendre, goûteux, bien loin des machins compacts qu’on trouve facilement un peu partout.

Nous commençons à avoir soif. Mais aucune eau ne nous a été proposée. Il faut donc demander ? A moins d’avoir un ADN de dromadaire, les êtres humains ont besoin d’eau, il nous semble.

Les plats ne tardent pas non plus. C’est presque trop rapide.

Le massalé coq ne casse pas trois pattes à un canard. La chair du volatile se délite, comme trop cuite, et d’une manière qui ne laisse aucun doute sur sa généalogie. Si c’est du coq péi, le coq péi n’est plus ce qu’il était. Côté goût : c’est grève du zèle. Circulez, il n’y a rien à voir, à part peut-être les supplications d’un massalé très ordinaire, passablement éventé, qui tente le sauvetage du coq naufragé. On a largement vu mieux ailleurs, mais cela reste à peu près mangeable.

La patte-cochon est plus alerte. Les morceaux arborent leur peau cuivrée et luisante, et ont la politesse d’offrir autant de chair à mâcher que d’os à sucer. Côté saveur, rien à dire de particulier. Le cari est correctement exécuté, peut-être juste un peu faible en épices mais certains l’aiment ainsi.
Un petit roussi supplémentaire, ou un flambage au rhum ou au whisky aurait réveillé ses ardeurs. Le quatre-épices peut aussi dire son mot. La peau est tout de même un peu trop fondante. Un peu plus de résistance sous la dent aurait délivré davantage de plaisir.

Côté accompagnements : des pois du Cap en crème, veloutés, délicieux ; un rougail concombre croquant au piment vif, qui a servi de béquille au coq, et, hélas, encore cet épouvantable riz premier prix, avec des brisures, correctement cuit mais qui n’absorbe aucune sauce, et dont les grains étiques jouent au slalom entre molaires et canines.

L’eau finit par arriver, après deux réclamations. Il était temps.

Vient le moment des desserts. On nous propose des tubercules cuits au sucre, à la marmite, comme chez les anciens. Une initiative rare dans un restaurant, qui mérite d’être applaudie, et nous demandons la patate douce et le cambar, tous deux accompagnés d’une boule de glace vanille.
Ces desserts font sensation, la patate douce dans un registre épais, velouté et gourmand, le cambar avec davantage de mordant, et son petit caractère plus terrien.

Il est temps de reprendre la route, après des cafés qui réveillent les trépassés.

Nous réglons en partant une note de 78,50€, pour deux entrées, trois plats, deux desserts et deux cafés. Le rapport qualité prix est perfectible.

Quand les caris sont bons, mais sans faire d’étincelles, le choix du riz est encore plus crucial qu’à l’ordinaire. Un riz aux grains bombés, parfumés, qui absorbent les sauces pour de belles sensations en bouche pourrait peut-être sauver un cari moyen. Ici, c’est le contraire. Nous conseillons les gérants de changer de marque d’urgence. Pour le reste, nous avons l’impression d’avoir dégusté des caris préparés à l’économie. Cela ressemble à des plats faits d’avance et réchauffés, qu’on a un peu oublié au feu et qui ont cuit plus que de raison.
Impression mitigée, donc, concernant le Relais des Pitons, qui, s’il fait un peu mieux que la fois précédente, ne parvient toujours pas à nous convaincre vraiment. Et pourtant, il ne manquerait pas grand-chose. Les desserts traditionnels, à eux seuls, ont été à deux doigts de le faire. C’est ce qui nous a permis de ne pas repartir dépités du Relais des Pitons.
A votre tour à présent d’aller y manger, et de vous faire votre propre avis.

La présente critique a été réalisée sur la foi de la dégustation du dimanche 30 août 2020 à midi. Cette critique est subjective par nature et ne prétend pas constituer une vérité absolue et définitive concernant la qualité des plats et du service de ce jour, ni des jours suivants. Nous certifions n’avoir aucun lien avec les responsables de ce restaurant ni aucun intérêt à donner une bonne ou une mauvaise appréciation. Dans tous les cas, les personnes concernées bénéficient d’un droit de réponse.

L’Escale des Calumets

Le Relais des Plaines, le Ti feuille songe, La ferme du Pommeau, Les Platanes… autant de restaurants que nous avons déjà visités à la Plaine-des-Palmistes, avec plus ou moins de bonheur. Globalement, les notes étaient plutôt bonnes. Aujourd’hui, en ce mois de septembre 2015, où le fond de l’air est encore frais, c’est L’Escale des Calumets, situé au Bras éponyme, que nous décidons de tester, en version barquettes. Il serait dommage de ne pas profiter du beau temps et du cadre magnifique dans lequel l’établissement est niché.

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Le restaurant se situe sur la gauche dans le sens montant. Il propose de la cuisine chinoise ou créole, sur place, à emporter, et en mode buffet à volonté à 15 euros dans une grande salle passablement sombre et où le fond de l’air y semble encore plus frais qu’à l’extérieur. L’endroit est parfait pour un repas dansant, mais n’est pas très accueillant. La petite salle attenante d’une quarantaine de couverts, où les plats à emporter sont servis, est beaucoup plus chaleureuse. Vous avez le choix entre les barquettes à 5 ou 6 euros, en fonction de votre appétit. Déjeuner sur place vous coûtera 9 euros.

Au menu du jour : coq au vin fermier, cari poulet palmiste, cabri massalé, poulet sauce d’huître, riz cantonnais, porc sauce grand-mère et shop-suey poisson. Nous préférons les créolités, et portons notre choix sur le poulet et le cabri, servis avec pois du Cap et rougail de courgettes. L’accueil est poli, le service est un peu brouillon. Il est encore tôt, mais une petite queue s’est déjà formée, alors même que tous les plats ne sont pas encore disponibles.

Nous déjeunons donc dans l’herbe, sur le site réaménagé du calvaire tout proche. Il y a bien des kiosques, mais ceux qui les ont posés là n’ont semble-t-il pas jugé opportun de les équiper d’une table, comme n’importe où ailleurs. Drôle de choix.

Nous ouvrons les barquettes.

Le poulet, en plein soleil, se révèle d’une pâleur d’anorexique atteint de phtisie. Ce n’est pas bon signe. Au nez, ce n’est pas mieux, et au goût, c’est tout à fait éteint. Que la pauvre volaille ne soit pas fermière comme le coq au vin du menu, passe encore, mais qu’elle manque autant de roussi est vraiment navrant. Le fumet est conséquemment quasi inexistant. Le chef aura eu une panne d’oreiller et le temps lui a manqué, ou le feu aura été un peu asthmatique. Question épices, ce n’est pas mieux. Une panne d’ail aussi dirait-on. Ou de gingembre. Ou de curcuma. Quoi que ce soit, le résultat n’est pas vraiment mauvais mais franchement décevant. Seuls le palmiste frais donne un tant soi peu de dignité à toute cette affaire, nonobstant le fait qu’il aurait pu être un peu plus cuit (parce que ça croque franchement) et surtout mieux coupé : plusieurs morceaux affichent encore leurs filasses (voir photo). Ni très élégant, ni très digeste. Le rougail de courgette, pourtant assez goûteux, est impuissant à redonner quelques couleurs à ce plat préparé à la va-vite et par-dessus la jambe.

Côté massalé cabri, ce n’est guère mieux. Qualifier le plat de « massalé » relève en effet de l’exagération gustative. A l’image du plat précédent, celui-ci est trop timide, timidité mal cachée par l’attaque franche d’un sel bavard. La poudre n’est peut-être plus toute fraîche, elle a perdu de son panache. Ou alors c’est une autre panne : ils ont dû racler les fonds de bocaux. Le cabri lui-même est plutôt sage en goût, autrement il aurait été plus indiqué de l’assaisonner comme le coq : au vin. Il n’empêche que le tandem viande-massalé ne nous enchante guère le palais, malgré la bonne proportion de caloupilé. Bref, le plat est juste bon à contenter un ventre creux, mais pas un palais exigeant.

Pas grand chose à dire sur les pois du Cap, pas très crémeux, et sur le riz plutôt correct.

Nous avons fait l’impasse sur le dessert. Ce dernier consistera plus tard en une bonne tranche de fromage de la Plaine arrangée avec du miel de letchis, trouvés tous deux en descendant les rampes.

Addition : 15 euros pour trois barquettes. Ce n’est certes pas cher, mais s’il faut faire des kilomètres (que) pour manger ça, autant rester sur Saint-Denis.

L’Escale des calumets, aujourd’hui, s’est avéré décevant. Pour être tout à fait objectif il aurait fallu goûter au coq au vin ou aux chinoiseries, dont les couleurs étaient déjà plus présentables. Peut-être avons-nous fait les mauvais choix. La queue des clients augurait pourtant de la bonne cuisine créole authentique. Ce fut plus anémique qu’authentique. Un accident de parcours, espérons nous. Parfois, qui trop embrasse, mal étreint : cinq bons plats valent mieux que sept moyens, ou cinq bons et deux passables, surtout quand on est à la bourre. Même si la fourchette en argent n’est pas très loin, compte tenu de ce que nous avons dégusté aujourd’hui nous sommes au regret d’attribuer à l’Escale des calumetsune pâle fourchette en inox.

Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : barquettes
Service : poli • Qualité des plats : très moyen
Impression globale : moyen
Fourchette en inox

Le Relais des Plaines

1098Aujourd’hui nous grimpons chercher la fraîcheur à la Plaine des Palmistes. Nous avons choisi de tester le Relais des Plaines, restaurant ayant pignon sur platanes depuis deux ans au pays des goyaviers et logé dans une jolie maison créole avec son avancée polygonale et ses fenêtres à petit carreaux. La salle d’une quarantaine de couverts est vaste. Un espace qui vous permet de vous installer à l’aise sans profiter des conversations des voisins.

On nous accueille avec grand sourire et nous découvrons une carte variées, très orientée créole, surtout pour les entrées où samoussas, bouchons et piments farcis ont la part belle. Le rougail saucisses y tutoie les cuisses de grenouilles, et le magret de canard côtoie le cari de crevettes. C’est justement sur ces crustacés que nous jetons notre dévolu. Le cari et le sauté de crevettes aux gros piments vont passer un sale quart d’heure !

Nous goûterons également, en passant, de l’espadon frais au menu du jour. Les prix s’étalent entre 12,50€ et 16,50€. Nous notons que trois plats végétariens sont également proposés : un sauté de légumes, une omelette et un gratiné de légumes à la crème. Louable initiative.

Nous snobons les fritures péi pour attaquer les plats direct, afin de d’avoir les papilles toutes vierges pour apprécier les crustacés, qui le valent bien.

Le service est assez rapide. Nous avons à peine patienté avec des petites olives au cumin.Le sauté de crevettes aux gros piments nous interpelle tout de suite : une légion de carottes a envahi les pauvres gros-piments ! C’est une erreur sur l’intitulé ou bien le chef a décidé d’écouler le stock de carottes. Passé la surprise, va pour les carottes. Elles sont au moins assez croquantes, comme les bouts de brèdes chou de Chine bien fraîches, et accompagnent les crevettes sans leur faire de l’ombre. Celles-ci sont divines dans leur enrobage de sauce fleurant bon un siave poivré. 

Les crevettes sont souples et cèdent sous la dent avec une résistance de pure forme, libérant leur saveur unique, qui eût été toutefois plus intense si les crustacés n’avaient été livrés en tenue d’Eve. En effet, même si la présence des carapaces vous transforme les assiettes en chantier, et le repas en cérémonial de décorticage patient, chacun sait que la substantifique essence du divin goût de la crevette fuse au broyage et suçage de sa dure robe orangée.

Le cari est dans la même veine, avec des crevettes aux humeurs de gingembre qui donnent donc plus de voix. La sauce, modérée en quantité mais parfaite en goût, vient nous colorer le riz, et les grains excellents, en crème, au thym lumineux, apportent tout leur velouté dans cette affaire pour notre plaisir non dissimulé. Le piment vert « crasé » sublime parfaitement le plat. Du coup, le riz à presque un air de « pas assez ». Notre voisin nous invite à déguster un peu de son espadon. Nous mesurons alors l’expertise du chef dans la cuisson du pélagique, mesuré au centième de seconde. La chair cède en un moelleux parfait et nous diffuse dans les gencives son délicat fumet, doucement, amplement.  Tous les plats sont parfaitement dosés en sel. Du ni trop ni trop peu qui sied très bien au poisson en l’occurrence.

Les plats repartent à peu près vides, sauf quelques frites de-ci de-là, et nous demandons une crêpe au goyavier pour le dessert.

La crêpe est tiède et très bonne. La gelée de goyavier est parfaite. La glace à la vanille qui les accompagne est délicieuse. Belle triplette donc, qui nous enjoue la glotte si tant est qu’elle en eut encore besoin.

Addition  : 32 € pour deux caris et un dessert, sans compter les apéritifs. Un rapport qualité prix qui tient la route.

Cela fait donc deux ans que le Relais des Plaines régale ses clients. Alice et Arnaud Bailly (lequel a été formé au Centhor) ont bien mis en valeur l’endroit, et ont semble-t-il trouvé leur rythme de croisière. En ce qui nous concerne ce fut une sortie heureuse. De la bonne cuisine créole bien faite, avec de bons produits ; une carte qui sait contenter tout le monde, et tous les porte-monnaies. Accueil correct, belle salle confortable, et le service semble efficace par temps calme. Pour bien faire, il faudrait juger en plein « coup de feu », dans une salle pleine. Nous déplorons tout de même la pauvreté de la carte en produits du terroir, comme le goyavier ou le fromage des plaines, sous toutes ses déclinaisons. Rien ne dit que le magret, par exemple, est accompagné d’une sauce au goyavier. Si les baies ne sont plus de saison, leurs produits transformés sont présents toute l’année. En attendant,  nous décernons au Relais des Plaines une très belle fourchette en argent avec recommandation de l’équipe.

Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : bien
Service : très bien • Qualité des plats : très bons
Impression globale : très bonne table
Fourchette en argent

La Ferme du Pommeau

[Visite en décembre 2012]

Aujourd’hui nous décidons de prendre le frais à la Plaine-des-Palmistes, en allant déjeuner à laFerme du Pommeau, hôtel restaurant connu et (les diplômes affichés à l’accueil l’attestent) reconnu dans le milieu gastronomique et hôtelier réunionnais. L’établissement se situe presque au bout de l’allée des Pois de senteurs, qui rejoint la nationale au niveau d’un autre restaurant que nous visiterons l’année prochaine : les Platanes. L’endroit, vaste (le domaine fait 13000m2), est pour le moins bucolique, et invite au repos. Vous pouvez y emmener la marmaille taquiner les oies, canards et autre pintades. 

La belle salle, qui peut contenir une centaine de convives, avec sa cheminée, ses bouquets de fleurs et sa décoration « chalet » est très confortable et donne envie de mettre les pieds sous la table. Nous sommes accueillis avec le sourire par la patronne, puis par le personnel qui nous invite à choisir notre table. La carte affiche quelques plats créoles et métropolitains parmi lesquels on trouvera foie de veau persillé, entrecôte grillée, côtes d’agneau et cuisse de canard farcie aux cèpes (pour la cuisine déor) ou rôti de porc  la patate douce, cari de coq et boucané baba figue, pour les plats péi, entre autres. C’est sur ces deux dernières propositions que nous jetons notre dévolu, et nous commencerons avec des toast de chèvre chaud et un flan de cœur de songe sauce à l’oseille. Et à vue de nez, étant donné les tarifs pratiqués, de l’oseille, cela va nous en coûter un peu! Qu’importe, nous espérons en avoir pour notre argent. Vous pouvez composer votre menu suivant diverses formules s’étageant entre 25 et 38 euros, plus le menu enfant à 13 euros.
Après un apéritif composé de punch maison en libre service (dont un excellent baptisé « moun des hauts », bien charpenté), nous voyons arriver les entrées et les attaquons derechef. Les toasts chauds et croquants exhalent leur bonne odeur de fromage de chèvre fondu, sous lequel ils disparaissent, et nos sinus sont vite embaumés. Le fromage est goûteux mais pas très agressif, ce qui est plutôt bien. Cette première entrée s’évanouit, et laisse la place au flan. Celui-ci est particulièrement onctueux et souple, le songe s’y exprime avec délicatesse et nous vous conseillons fortement de le déguster avant le gratiné qui le couvre, ce dernier étant bien trop puissant. Un plat qui devrait se marier très bien avec un petit blanc de Cilaos capiteux (le vin hein… pas le yab !). Ce flan de songe est un rêve !
Nous patientons un peu avant que les plats de résistance soient servis. Et leur venue, à l’assiette, nous suscite un sourire de satisfaction. En effet, au humage, tout est conforme à ce que l’on est en droit d’attendre d’un boucané et d’un coq créoles : épicés, caractériels, un peu sauvages. A la vue, les couleurs sont belles et appétissantes. Nous sonnons la charge.
Pour faire court, le coq est bon, ferme à la fourchette, le poivre le portant comme il lui sied, nous regrettons simplement d’avoir hérité de parties blanches de la viande moins goûteuses, mais dont la qualité intrinsèque et la cuisson dénotent tout de même une expertise certaine de la part du chef : ce n’est pas sec. Le boucané baba figue se défend aussi. Le baba est cuit mais encore croquant, on dirait de la cuisson à la gueule de dragon comme dans les restaurants chinois. Il a en plus laissé son amertume au vestiaire et parfume magnifiquement un boucané équilibré en gras et dont le fumet est respectable. Bon. Ceci étant dit, nous poussons ici un grand coup de gueule contre le défaut commun aux deux plats : trop salés ! Beaucoup trop salés !

Au fil de nos pérégrinations dominicales nous constatons encore trop souvent une propension affirmée des cuistots à nous charger les plats en sel ! Qu’est-ce donc que cette manie de la main lourde sur la salière saperlipopette ? Toutes les vraies saveurs des plats sont écrasées, voire atomisées quand il s’agit d’arômes subtils et fins, qui donnent toute sa dimension et tout son intérêt à une préparation culinaire ! Rappelons aussi que les excès en sel sont mauvais pour la santé, favorisant les maladies cardiovasculaires, même si on laisse l’hypocondrie à l’entrée avec le parapluie ! Bref, le trop de sel a un peu gâché le repas, même en mangeant les caris avec beaucoup de riz. Nous mettrons pour finir un bon point pour le rougail dakatine, un peu seul, hélas, plus un avis mitigé concernant les grains, bons, mais pas assez en crème. Nous terminons avec des cafés, les desserts ne nous inspirant pas plus que cela. L’addition se monte à 75 euros et des poussières, pour trois personnes, hors boissons et sans dessert. Autant dire un peu cher.

La Ferme du Pommeau est une bonne table, dire le contraire serait mentir, mais, à l’image de l’ambiance, nous trouvons la qualité globale un peu endormie. L’affaire semble ronronner tout doucement et nous n’avons pas été vraiment enchantés, positivement s’entend. La seule (mauvaise) surprise est venue des plats trop salés. Nous osons espérer qu’il s’agit d’un malencontreux concours de circonstances ! Seules les entrées, au dessus du lot, tirent vraiment leur épingle du jeu et c’est heureux car cela nous permet d’augurer d’un potentiel créatif culinaire certain. Dans un endroit pareil, nous aurions également aimé trouver plus de rougails à table, et des brèdes aussi.  Nous décernons à la Ferme du Pommeau une fourchette en argent malgré tout méritée, tout en étant persuadé­­ que cela pourrait (et devrait) être mieux, beaucoup mieux.

Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : bien
• 
Service : bien
Qualité des plats : assez bons
Notre impression globale : Bonne table
Fourchette en argent