La Roz i Dor ne doit pas s’assoupir

Aujourd’hui, nous retournons à Sainte-Rose, près du centre du village, à la Roz i Dor, récompensée dans le guide 45 d’une fourchette d’or méritée, l’année dernière, pour sa cuisine familiale, simple et goûteuse. Le restaurant nous a fait quelques frayeurs, étant fermé à chaque fois que nous passions devant… les week-ends. Une pancarte indique la fermeture le vendredi et samedi. Nous sommes vendredi, il est ouvert. Le patron nous fait part de la possibilité d’ouverture le dimanche, de nouveau. Cette hésitation dans les jours d’ouverture devrait (et devra) être réglée rapidement. La formule ne change pas : deux caris aujourd’hui. Poulet au gingembre et cassoulet péi. Nous dégusterons le second sur place et l’autre ira remplir une barquette pour plus tard. Il n’est pas encore midi. Les clients arrivent tout doucement. Nous prenons place en terrasse, le fond de l’air est rafraîchissant, surtout avec l’araucaria qui fait de l’ombre, abritant en même temps, deux tables de jardin en bois. Lequel jardin mériterait davantage de soins, pour bien faire.


Le “cassoulet péi” est présenté, nous attaquons. Dans l’assiette, un beau morceau de boucané et une
saucisse baignent dans la sauce avec les haricots rouges. Des charcuteries achetées chez l’artisan du
quartier. Leur couleur indique une fumaison prononcée et un passage en marmite appuyé, au moins
pour le boucané à la peau luisante. La saucisse, coupée, affiche un aspect spongieux, comme gonflée
de jus, mais se comporte convenablement en bouche. La texture plaira aux dentiers paresseux.
C’est du moulu fin. La saveur fumée est tout de même bien présente et relativement appétissante. Le boucané se défend mieux sur ce terrain. Sa texture montre une cuisson prolongée, qui semble avoir
été réalisée avant incorporation aux haricots qui n’ont pas trop pris le fumé. Ceux-ci sont bien cuits, sans aller dans le crémeux, ce qui donne de la mâche. Leur goût est correct. Le sel est maîtrisé.
L’ensemble se mange avec plaisir, mais une sélection plus rigoureuse des saucisses est à envisager pour améliorer le plat, pour autant qu’elles puissent être trouvées, bien sûr. Tant qu’à faire un cassoulet
“péi”, des saucisses battues seraient idéales.


Rien de spécial à dire sur le poulet. Sous sa jolie couleur dorée, la viande a un goût de poulet. Par
les temps qui courent, c’est déjà quelque chose. Les juliennes de gingembre lui donnent un relief gustatif
intéressant. Le plat est basique, mais efficace. Le riz est correct mais quelques grains ne sont pas
assez cuits. Du dessus de marmite probablement. La sauce de piment est très bonne. Sa claque acidulée
et parfumée, équilibrée en force, vient avantageusement relever le cassoulet.

Nous terminons le repas avec la tarte aux pommes du jour. Un vrai délice. Les textures de la pâte, de l’appareil et des morceaux de pommes composent en bouche des sensations jouissives. Le sucre, tenu en respect, laisse les saveurs de la pâtisserie se développer, portées par la cannelle vivifiante.
Un café coulé là dessus et nous réglons la somme de 22,80 euros pour une boisson, deux plats et un
dessert. Le rapport qualité-prix est bon.

La cuisine de la Roz i Dor est toujours bonne, dans l’ensemble. Mais nous ressentons comme une fatigue latente. Il est vrai que cette année n’a pas été idéale pour garder le moral et nombreux sont les restaurateurs à la même enseigne. La Roz i Dor était une des meilleures adresses du secteur, il faut faire en sorte qu’elle le reste. Proposer un plat de plus, ouvrir le dimanche pour les promeneurs et les touristes, quitte à fermer lundi et mardi, mettre un légume en accompagnement de manière systématique (brèdes, daube, sautés), tout cela pourrait redonner de la pêche le midi. Ce n’est pas la fréquentation qui doit faire la cuisine mais la cuisine qui doit faire la fréquentation. Et il faut répondre au téléphone !
Le restaurant « La Roz i Dor » est sélectionné pour le prochain guide, une nouvelle visite devra confirmer la note finale.

Le Cap Est réussit l’épreuve

Ce ne sont pas les lieux de restauration qui manquent sur la ligne Cambuston – Champ Borne, du snack de quartier aux tables reconnues. Entre le Colosse et l’église en ruine, et plus loin encore vers Rivière-du-Mât-les-bas, les endroits où déguster tranquillement sa barquette foisonnent aussi, face à la mer, comme dit la chanson, et sous les pimpins. Au delà des plaisirs du palais, le coin a gardé un je ne sais quoi d’authentique, même si la modernité a fait son œuvre.

Aujourd’hui nous allons descendons au Cap Est. Nous serions bien restés sur place, mais la terrasse est encore en travaux. Nous repartons donc avec trois barquettes, correspondant à trois des quatre plats au menu du jour. Le quatrième, du steak de thon, ne nous tente pas aujourd’hui.

L’accueil est très poli. Et la personne au service encline à répondre à quelques questions anodines. Nous apprenons que le Cap Est a ouvert ses portes voici déjà deux ans. Aussitôt rentrés, nous ouvrons les barquettes, et la dégustation peut commencer.

Ce riz safrané est un cousin par alliance du neveu à la mode de Bretagne du briani mauricien, avec un aïeul cantonnais. Nous déterminons mal sa généalogie mais parfaitement ses saveurs, où le fameux « safran » local joue en tandem avec le silon. C’est un vrai festival, avec ici et là des éclats de cotomili.
Le riz grains long est bien cuit, et sert de lien entre les petits morceaux de légumes croquants : carotte, haricot vert, petits pois, et moins croquants comme le chou et des effilochages de champignons noirs. Les bouchées sont joyeuses et finissent la barquette généreusement remplie.

Les saucisses aux bringelles se défendent bien également. Le soulier verni est coupé en lamelles assez grosses pour offrir une bonne mâche et montrer sans détour ses qualités gustatives dont ce côté un peu piquant propre à de la belle bringelle fraîche qui a poussé sans gonflette. Il faut tenir tête aux saucisses. Celles-ci sont maigres, mais non sèches, denses et assez relevées en poivre. La consistance résistante de la viande procure une sensation appréciable. Le charcutier est à garder. Le plat est proprement nettoyé et une petite acidité finale en bouche laisse poindre comme des arrangements de combava. La sauce est aussi maigre que les saucisses, et cela nous convient très bien.

Le civet de poulet sent peu, mais se ressent mieux. Le girofle cause tout de même, avec une réserve que nous apprécions. En effet, quand on lui lâche la bride, il transforme un civet en tintamarre gustatif hardcore. Le poulet de ce côté n’a pas été conçu pour vivre jusqu’à l’âge sénile, loin s’en faut. Sa chair est trop moelleuse. Malgré cette jeunesse industrielle, la viande tient quand même, sauve les apparences, toute imbibée qu’elle est de la sauce au vin. Le riz, blanc cette fois, est imbibé aussi, ce qui ne lui fait pas de mal d’ailleurs car nous avons là un représentant des grains longs, comme des doigts de pianistes liliputiens qui font des gammes sur les dents et les gencives en se foutant éperdument de devoir se rassembler pour donner un tant soi peu de mâche agréable.

Pas de persil hâché par dessus. Ce qui est dommage. Un oubli peut-être mais c’est plus probablement la rareté de la fine herbe ces temps-ci (les pluies sans doute) qui en est la cause. Les haricots ont passé le stade d’être utilisés comme munitions dans du calibre 12, tout juste. Cela manque d’épaisseur et de velouté. Le rougail piment est délicieux.

Nous repartons en réglant une notre de 19 euros pour 3 plats à emporter plus une bouteille d’eau. Le rapport qualité prix est très correct.

Sur la grande ligne droite après le Colosse, dans le sens Saint-Denis – Saint-Benoît, il vous faudra lever un peu le pied pour lire le menu du jour du Cap Est, posé sur la chaussée. La halte, normalement, ne vous décevra pas. La cuisine est bien faite, simple et colorée. La future terrasse devra permettre de donner un cachet supplémentaire au lieu en plus de déguster des plats sur place, et peut-être aussi des salades et des desserts, que nous n’avons pas vus. Nous y reviendrons.