Le nom de ce petit restaurant installé depuis presque un an à l’angle des rues Victor MacAuliffe et Charles Gounod à Saint-Denis, sonne comme un gimmick enfantin. Et c’est bien de la cuisine indienne familiale, teintée d’occident, qui est proposée à cet endroit.

Oumema Mamadali, la gérante, est issue d’une famille de commerçants dont l’histoire et les pérégrinations dans les îles de l’océan Indien pourrait faire l’objet d’un roman. Elle défend un héritage culinaire forgé au gré des générations et des peuples rencontrés entre la côte Est de l’Afrique et les Comores, en passant par Madagascar. « C’est la cuisine comme à la maison, équilibrée, celle que mes enfants apprécient » raconte-t-elle. Un équilibre diététique, mais aussi gustatif, « assez légère pour qu’on puisse la manger tous les jours ».

Ouvert depuis presque un an, Tchapati Tchapata a pris place dans des locaux neufs, dans un quartier qui, selon Oumema, se teinte peu à peu d’une couleur marquée par le sous-continent, entre les épiceries spécialisées et les restaurants indiens et mauriciens. Un investissement immobilier que son père souhaitait voir évoluer dans la restauration. Les plats au menu du jour : les « Thali », végétarien ou non, composés de riz (basmati bien sûr), d’un chapati, plus deux caris de légumes, de viande ou de poisson au choix, selon ses envies ou son régime. Des boulettes de légumes savoureuses, croquante dehors, moelleuses dedans, sont proposées en supplément. Un menu « recommandé par les nutritionniste » précise la gérante, car composé de féculents et de légumes cuisiné avec de « bonnes épices », comme le curcuma, sans ajout de gras.
L’authenticité d’une « Indian ocean street food*»


Aux fourneaux, le fringant Jeremy Pottigan, ancien du lycée de la Renaissance, qui, en matière de cuisine indienne, n’y connaissait rien de rien en entrant au service d’Oumema. Cette dernière lui apprend tout de cette cuisine du Gujarat, riche de saveurs et de parfums, et de recettes toutes plus succulentes les unes que les autres. Très vite, naan, rotli, tartari, khitchri n’ont plus de secret pour le jeune chef, qui apporte à cette gastronomie aux couleurs de curry, de coriandre et de cumin son savoir-faire en termes de cuisine française rigoureuse et codifiée, acquis en jouant de la cuillère et du couteau au lycée. Le menu intègre d’ailleurs à l’occasion quelques mets plus occidentaux, d’où les mots « mais pas que… » inscrits sur l’enseigne.
Oumema s’en félicite. Elle souhaite également partager avec ses clients des mets issus de la cuisine de rue, la meilleure, car authentique, tirée de la sueur des petites gens (au sens figuré bien sûr) qui travaillent pour gagner quelques sous, de Tana à Anjouan en passant par Rose-Hill, ayo cousin, et jusqu’aux contrées vertes et fleuries de l’Asie du Sud-Est. Quand ce genre de cuisine est réalisé dans le cadre rigoureux de l’hygiène « à la française », elle gagne en sécurité davantage qu’elle ne perd en authenticité. Au final, le client est non seulement rassuré mais aussi heureux de retrouver en bouche les saveurs découvertes au gré des voyages, sans Smecta ni ultra-levures. Jérémy, en professionnel, a fait des fiches.

Les succulentes boulettes de légumes jouent dans ce thème-là, comme les naans et chapatis, qui ne sont pas sans rappeler les dholl puris vendus par paire et avec dextérité dans l’île sœur et depuis quelques années sous nos cieux également, à des tarifs qui, vu du mauricien moyen, redonneraient ses jambes à un grabataire, pour qu’il les prenne à son cou.
« Je souhaite proposer bientôt ces petites brochettes qu’on trouve à Madagascar » ajoute Oumema, qui a l’air bien décidée à nous faire voyager, sans billet, sans avion et sans quatorzaine. Des « Maskita Gasy » qui tireront peut-être une larme de nostalgie aux gens de la communauté malgache locale. Tchapati Tchapata, un nom qu’on n’oublie pas. Une adresse qui mérite une pause déjeuner, pour le moment à emporter, jusqu’à ce que les restaurants soient complètement déconfinés.

Plusieurs pains, plusieurs farines
Naan, chapati, rotli… les noms de ces pains indiens différent en fonction de la farine utilisée (blanche et/ou complète) et de la méthode de cuisson, à l’huile, ou à sec, enduits de ghee (beurre clarifié). « Dans notre famille on cuisine dans du ghee, meilleur pour la santé » confie Oumema Mamadali.
Cari et curry, cousins d’appétit
La cuisine au curry se rapproche beaucoup de nos caris. La parenté est évidente. « La préparation des oignons, ail et tomate est la même, explique Oumema Mamadali, avec l’ajout des épices selon ce qu’on veut faire : curry seul ou avec du curcuma accompagné de cumin et de coriandre. Sans oublier le kaloupilé, très usité en Inde et à Maurice. »
Les cuisines indiennes
Patrick Ramassamy, chef réunionnais spécialisé en gastronomie indienne, nous avait jadis entretenu de la diversité des cuisines du sous-continent. Oumema Mamadali confirme : « La cuisine du Sud de l’Inde n’est pas la même que celle du Nord. Elle est plus relevée, plus pimentée, plus colorée. La cuisine du Nord est très imprégnée de celle de rois Moghols – en particulier du roi Akbar – venus en Inde au XIVe siècle. » Outre la géographie, la religion a également son rôle dans la richesse de la gastronomie indienne. En effet si les musulmans mangent de la viande (porc excepté, bien sûr), les hindous n’en mangent pas. Quels que soient les cultes, les moments de fête sont l’occasion de mettre les grands plats dans de plus grands encore. Un grand festival d’épices.