Kel Délice, du potentiel à la rue Bois de Nèfles

Nous poursuivons notre tour de l’île des restaurants à la recherche de nouvelles fourchettes d’or. La récolte des dernières semaines n’a pas été à la hauteur de nos espérances. Certaines tables, comme une terrasse du côté de Saint-André nous ayant laissé sur notre faim, gustativement parlant, et trop hésitants sur la note. Aujourd’hui retour à Saint-Denis, du côté de la rue Bois de Nèfles, où plusieurs personnes nous ont recommandé un petit restaurant sans prétention.

Nous arrivons peu avant midi, après avoir fait trois tours du quartier pour trouver une place de parking. Si un peu de marche ne vous fait pas peur, et que vous répugnez à ronger votre frein et à mordre votre volant de rage, le « parking de la Sécu » est une solution envisageable. Et si toutefois vous trouvez une place pas loin, jouez au Loto, c’est votre jour. Le restaurant est logé au rez-de-chaussée d’un immeuble en retrait de la rue, juste à côté d’une pâtisserie. Le menu du jour est posé sur le trottoir.
Cabri massalé, poulet brèdes, cari de daurade, poulet croustillant et riz cantonnais, sauté de bœuf aux oignons, tagliatelles au poulet pesto et tomates séchées, et « pavé de saumon, haricot vert crème d’aneth potatoes ». Deux derniers plats qui prouvent une ouverture (et une compétence) vers d’autres cieux culinaires.
Nous voulions déjeuner sur place, mais la configuration des lieux ne nous y incite guère. Dedans les tables sont en désordre, dehors aucun parasol visible pour parer les premières ardeurs de midi. Tant pis, nous repartons avec des barquettes. Cabri, poisson et bœuf seront testés.

Nous commençons par le poisson, qui n’est pas un cari mais un poisson au gingembre. Le menu affiché à l’intérieur est bon mais pas celui de l’extérieur. Changement de dernière minute sans doute.
Les bouchées sont très goûteuses et moelleuses. Le poisson, relevé par le rhizome et par un assaisonnement doux salé délicat, est très bon. Son côté un peu brut a été domestiqué, sans pour autant être étouffé. Les carottes et les lamelles de gingembre croquantes passent sous la dent avec bonheur. La barquette pourrait se terminer sans difficulté, mais deux autres plats sont à goûter.

Le cabri se renifle avec plaisir. Si l’aspect visuel en barquette fait « pâté », l’odeur du massalé est plutôt suave et raffinée. La couleur l’annonce déjà, nous n’avons pas affaire à ce « gros » massalé très torréfié, qui envoie des claques. Confirmation en bouche avec des saveurs assez complexes, qui baignent et réjouissent les papilles. Le plaisir est augmenté par une cuisson aboutie sans laquelle certains morceaux de cabri auraient pu servir d’élastique à lance-pierre. Là-dessus, le sel appuie sans exagération des contours acidulés peut-être envoyés par du tamarin, et qui excitent l’appétence. Ce cabri massalé est indiscutablement dans la moitié supérieure de la liste des meilleurs que nous ayons dégustés.

Nous terminons avec le bœuf. Le sauté aux oignons (et poivrons) affiche un côté « sauvage » intéressant. Cela ressemble au bœuf sauce grand-mère, dans l’esprit. Les morceaux exigent un peu de mâche, ce qui n’est pas pour nous déplaire. Les dents c’est fait pour ça, bien que la tendance générale penche vers la nourriture molle et prémâchée, celle des burgers des multinationales, qui a formaté les jeunes générations au point que celles-ci n’auront plus besoin de leur faïence un beau jour, et déjeuneront à la paille.

Mauvais point pour le riz. Si celui-ci est convenablement cuit, il ne fait pas mystère de sa basse extraction. Les grains détachés suintent un peu. C’est du demi-luxe, sauf erreur. Intéressant pour la marge, moins pour la mâche. Rien à dire en revanche au sujet des grains blancs, bons et veloutés.
Le rougail dakatine envoie du bois question piment, un vrai dopant pour le Grand Raid. Le rougail « zognons » est bon aussi quoique grossier à la présentation. Le rougail concombre s’impose avec le cabri massalé en apportant un croquant frais bienvenu.
Nous réglons 23,50€ pour les trois barquettes. Le rapport qualité-prix est acceptable.

Kel Délice ! Promesse tenue ? En tout cas, le restaurant de la rue Bois de Nèfles n’a pas à avoir honte de sa cuisine. La prestation du jour ne nous a pas déçus, excepté peut-être le riz, à revoir selon nous. Pour changer des caris, le cuistot sait aussi proposer des plats différents, ainsi que des salades et quelques gâteaux maison. Un effort serait à faire sur le cadre d’abord, et sur l’accueil, poli mais manquant de chaleur, si l’on se fie à notre expérience du jour. On espère que c’est différent la plupart du temps. Si la tendance se confirme lors de notre prochaine visite, Kel Délice devrait entrer facilement dans le « guide jaune » l’année prochaine. A suivre donc

La Case de l’Oncle Tom Carrèrement bon !

Mai 1989, quelque part dans la foule qui accueille le pape face à l’église de la Trinité, Irène Grondin, 75 ans pomponnés, fait sa check-list. Bouteille d’eau, missel, chapelet, bonbon « fondante », chaise pliante… Tout est là. Jean-Paul peut venir. En posant son séant à côté de celui de sa voisine de Je-vous-salue-Marie, elle est très loin de se douter que 32 ans plus tard, à l’endroit même où elle se trouve, le petit Jésus va descendre dans le ventre des gourmets, à la Case de l’Oncle Tom.

Nous arrivons peu avant midi en ayant réservé par téléphone, démarche conseillée sur la page Facebook du restaurant. Cette visite ofcielle fait suite à notre passage voici presque trois ans, où nous étions repartis avec des barquettes. Cette fois nous faisons comme Irène, nous y posons nos séants pour déguster le menu du jour en son entier : poulet massalé, cari porc au petit pois frais,
et rougail ti-salé. Ici, en efet, pas de carte longue comme le bras, pour essayer de contenter tout le monde. Si le menu ne convient pas, on revient, épice c’est tout !

L’endroit est toujours aussi sympathique, sous les arbres, dont un magnifique banian qui se remet doucement d’un vieil élagage gros doigts, selon nos informations. La patronne nous accueille avec le sourire masqué et nous lui montrons le QR code obligatoire. Elle nous propose les rafraîchissements et repart avec la commande. Les plats arrivent quelques minutes plus tard.

Nous entamons le cochon. L’aspect est déjà très appétissant, avec cette belle couleur orangée des caris bien nés. Ici et là, de jolis
morceaux étagés proprement en peau, gras, maigre, transpirent encore. Les petits pois ronds chantent du « mangez-moi », mais pas assez fort. Ils auraient pu faire une chorale plus imposante. On s’en contentera, mais avec un peu de frustration, étant donné qu’ils sont croquants et excellents. La viande de porc est cuite ferme, pour une mâche souple tout de même, qui envoie en bouche ses propres vocalises gustatives. Le charcutier est connu, et reconnu. Le plat est nettoyé plus vite qu’il ne faut pour l’écrire, ou presque. C’est délicieux.

Le poulet est sorti des élevages d’un gros producteur local. Du poulet jaune d’extraction moyenne. L’odeur de massalé est présente, mais peut-être trop discrète pour un mangeur de massalé fort tendance malbar, dont nous sommes. Quelques bouchées plus tard, la chair cuite avec précision étale ses attributs relevés de la poudre d’épices et s’ensuit une mastication lente où faveurs et « flavours » de silon et vindion nous chatouillent les narines, nous charment les gencives, nous arrangent la luette…

Du côté des accompagnements, la qualité suit le mouvement. Le riz est bon, même si les grains longs ne sont pas notre tasse de thé. Les gros pois veloutés affichent un côté poivré-fumé tout à fait séduisant. Les brèdes épinars, en vert foncé, donnent
dans l’épaisseur en emballant le porc. Gros coup de cœur pour le petit piment « krazé » tout juste prêt, où les efuves d’un délicat gingembre mangue fait danser les saveurs du duo piment zoizo – piment cabri. Une pure merveille sado-masochiste pour
junkie de la capsaïcine.

Le dessert, boules de glace vanille et gingembre-miel, est parfait pour finir ce repas, accompagné du café, et « arrange la bouche » comme le « fondante » de la (depuis le temps au paradis) mère Grondin. Addition : 46 euros pour trois repas (dont un à emporter), deux boissons, un dessert et deux cafés. Le rapport qualité-prix est très bon.

« Heureux celui qui croit sans avoir vu« , s’est fait dire Saint-Thomas. Le Thomas qui œuvre aux fourneaux de la Case de l’Oncle Tom nous propose de voir et de goûter aussi, pour être convaincu. Thomas Carrère a connu les galères, sautant de branche en branche pendant quelques années entre restaurants divers, Ehpads et la cuisine d’une association pour les sans abris, depuis son CAP-BEP au Centhor. Mais cela lui a forgé le caractère. Aujourd’hui il est son propre maître à la Case de l’Oncle Tom, qu’il dirige en compagnie de son épouse. Il applique consciencieusement les méthodes de nos aïeux pour proposer à ses clients une cuisine réunionnaise expressive, précise et savoureuse : l’amour sans compter et la gestion du temps. Certains devraient en prendre de la graine. L’inscription sur la liste des meilleurs restaurants de cuisine réunionnaise ne fait aucun doute.

Les Terrasses de Bellepierre : simplicité et convivialité

Le chef-lieu compte nombre de petits restaurants et snacks de qualités diverses, des camions-bar sales, les dionysiens savent où ils sont, aux petites structures de quartier confortables où les caris sont courus, en témoignent les nombreuses commandes de barquettes qui vident les bacs bien avant que sonne midi. La misère pour les retardataires. C’est un peu le cas dans le restaurant que nous visitons aujourd’hui.

Vous trouverez les Terrasses de Bellepierre sur la contre-allée du boulevard Sud, entre les rues Tourette et Philibert, peu après le pont Vinh-San. L’endroit est ombragé, accueillant, et le bruit de la circulation se fait vite oublier. Quand le patron vous sert du « chef », du « mon garçon » ou du « mon caf », vous commencez à cerner l’ambiance du lieu : la convivialité avant tout. Deux menus sont proposés : un créole, à emporter, et sur place s’il en reste, et un menu métro d’inspiration brasserie, plutôt sur place.

Les tables sont réparties à gauche et à droite du local principal. Nous prenons place et commandons des boulettes de bœuf sauce tomate, plus un cari de porc pomme de terre en barquette.
Les autres plats, cari poisson, civet de cerf et poulet aux fines herbes, sont manquants à l’appel, ou en voie de l’être. Côté métro l’on trouve des émincés de poulet aux fromages, de la langue de bœuf sauce piquante, une poêlée océane au pastis, du confit de canard aux champignons, un steak haché au roquefort, une omelette au lard pomme de terre, et un plus créole poulet rôti sarcives.

Le service est rapide. Une mousse plus tard nous faisons la fête aux boulettes. Nous n’allons pas vous faire un chapitre sur le boeuf, les boulettes ont exactement le même goût que du steak haché, seule la forme change. Tout l’intérêt du plat se trouve dans la sauce tomate, assez relevée en sel quand on la déguste toute seule, mais la viande compense, et fait ressortir le parfum frais et un côté méditerranéen du plat. Ce dernier passerait d’ailleurs très bien avec des pâtes fraîches, peut-être bien mieux qu’avec le riz jaune. Trois barres de dépit s’affichent sur notre front devant les grains longs et détachés du riz pourtant appétissant, et tout ragaillardi par le safran. Nous n’apprécions pas trop le riz typé basmati, qui joue au flipper entre dents, quand il accompagne autre chose que des plats indiens. Heureusement que le goût est là. Les grains blancs arrangent la texture du riz avec leur velouté. Le rougail courgette chauffe Marcel n’est pas à conseiller aux palais sensibles.

La dégustation de la barquette un peu plus tard, est satisfaisante. Le porc massalé pomme de terre, au nez, fait son intéressant. Les effluves sont d’ailleurs moins malbars qu’on pourrait s’y attendre. Cela rappelle un peu plus l’odeur riche et épicée de certains plats mauriciens, curry en moins. Le cochon étale un peu son propre musc par-dessus, laissant présager un massalé plus nuancé que tonique. La viande se fait tendre, et bien gorgée de sauce où une poudre de massalé civilisée manifeste autant sa présence en bouche qu’au nez. Pas l’ombre d’une feuille de caloupilé à l’horizon, mais le porc s’en passe très bien. Sur la fin, il laisse une longueur acidulée qui appelle la bouchée suivante. Les patates sont trop cuites à notre goût, mais ont fait office d’aspirateur à sel. Décidément, le cuistot a été frappé par Cupidon.

Nous déclinons les desserts qui n’ont pas été faits maison, et terminons le repas avec un café. Addition : 19 euros pour une pression, un plat sur place, une barquette et un petit noir. Le rapport qualité-prix est très correct.

Sans prétention ni roulage de mécaniques, Les Terrasses de Bellepierre régalent la clientèle depuis maintenant trois ans, et pour y avoir régulièrement acheté des barquettes, nous constatons une relative régularité dans la qualité des plats proposés. Certes, ce n’est pas de la haute gastronomie traditionnelle, faite avec des produits de grande qualité, sur un feu de bois d’expert, comme on peut en trouver dans d’autres lieux dont le nombre est hélas bien maigre. Mais réussir à faire une cuisine relativement bonne en maintenant le niveau est en soi louable. Ce n’est pas si évident. Il suffit que le chef s’absente et derrière ça ne suit plus, ce qui est très préjudiciable surtout quand un critique gastronomique choisit précisément ce jour-là pour se pointer. Nous n’avons jamais goûté les plats de brasserie des Terrasses de Bellepierre, mais en tout cas, pour ce qui concerne le menu créole, nous ne pouvons que recommander, le rapport qualité-prix étant honnête. Attention quand même au sel. L’amour, c’est bien, mais la tension artérielle aussi. Nous sommes repartis repus, avec un « merci mon caf » affectueux.

« Lé Gadiamb » ? Pas encore assez…

Le restaurant Lé Gadiamb a été testé en 2011 puis 2016. La dernière visite fut soldée par une fourchette en inox. Cinq ans ont passé depuis et nous décidons de retourner nous asseoir à une de ses tables, et profiter de sa jolie terrasse verdoyante. Les lieux ont peu changé : toujours cette petite maison créole typique, et ses objets lontan en décor.

Au menu aujourd’hui : sauté de sounouk, canard à la vanille, saucisses pétée et riz chauffé et rougail boudin pour les plats les plus traditionnels et moins courants, et les grands classiques. L’accueil est souriant. Le service l’est tout autant, la jeune femme qui s’en occupe est dynamique, et le mot est faible.

Samoussas et bonbons piments pas mauvais

Nous prenons quelques fritures en entrée, proposées par vannes pour une, deux ou trois personnes. Samoussas, bonbon piments et bouchons frits se mangent sans façon, avec des jus de tamarin et de mangue (venant des bouteilles en verre disponibles dans le commerce). On aurait pu nous suggérer un jus de tangor frais, par exemple, c’est la saison. Nous n’aurons pas d’eau non plus, seulement en la réclamant un peu plus tard. Restaurateurs, rappelez à votre personnel que les clients ne sont pas des dromadaires, ils peuvent avoir soif à un moment donné.

Les vannes vidés, viennent les plats. Nous sommes d’abord interpellés par les quantités de cari. Comme dit le créole : « na poin pou tuer ». Les tarifs ne sont pas particulièrement bas, si en plus les portions sont rachitiques… mais rassurez vous, elles satisferont parfaitement les appétits raisonnables. Les bons mangeurs, en revanche, râleront un peu. Nous réviserons cette impression à chaud à la fin du repas, vous verrez pourquoi.

Si vous aimez le sucré-salé…

Nous commençons avec le cari la patte cochon « façon gadiamb ». La couleur est belle, assez cuivrée, et pas besoin d’être un expert pour voir que la viande est bien cuite, elle part en morceaux. En bouche, la façon Gadiamb s’affiche tout de suite, avec une humeur sucrée salée et une touche un peu sarcive. C’est cuisiné avec de l’anisette, comme nous l’a dit le météore qui passe entre les tables pour le service.

C’est très particulier. Les inconditionnels de la patte cochon classique hurleront au blasphème, à l’assassin, à la mise en danger de l’avis des truies.Nous n’irons pas jusqu’à ces extrémités, mais ressentons tout de même une certaine frustration. La patte a été sucrée, notre contentement aussi.

En revanche les amateurs de chinoiseries et de sarcives prendrons du plaisir à mordre dans cette patte fondante.

Nous passons sans regret au civet zourite. Petite parenthèse. Plusieurs personnes nous ont signifié par le passé leur désappointement concernant ce plat, dont le vin cuit viendrait gâcher le goût du zourite, lequel serait davantage mis en valeur en cari. Il y a sans doute du vrai là-dedans, d’autant que c’est dans ce même restaurant, en 2011 cette fois, que nous avons eu le plaisir de goûter à un civet zourite au vin blanc, largement plus raffiné. Mais ma bonne dame, où diable trouve-t-on du zourite frais à La Réunion, comme on en trouvait autrefois suspendus et dégoulinants en bord de route du côté de la Saline-les-bains ? Cette bestiole là envoyait du lourd, question goût, avec des charges iodées extraordinaires. Les morceaux de caoutchouc sous blister importés d’on ne sait où sont bien incapables de rivaliser, même avec une DLC. Le nôtre, de civet (au vin rouge), n’est en tout cas pas avare en sel, à défaut d’iode. L’octopus est correctement cuit, la sauce épaisse, rouge cramoisi, donne dans le poivré et la tomate mûre confite, comme il se doit, et pour être honnête, la chair a quand même du goût. Le chef devrait en revanche cesser d’être amoureux, ce n’est pas bon pour le coeur. On n’ose imaginer ce que donnerait le sounouk.

Le coq massalé est plus réussi. Un « coq pei » à la chair sèche sur certains morceaux, mais plus tendre sur d’autres, comme la cuisse, avec une teinte tirant sur le mauve signe d’une viande de meilleure qualité que la sauce imbibe correctement. Le parfum du massalé est correct, mais nous n’avons pas vu de feuilles de caloupilé traîner dans la barquette. Les bouchées sont satisfaisantes. Nous les avons relevées avec un morceau de piment cabri rouge, pour donner au massalé davantage de vigueur.

Chou trop salé.

Les accompagnements sont satisfaisants. Le riz offre une bonne mâche, sans grains fous qui jouent au flipper avec les gencives, les lentilles sont très bonnes aussi, avec leur parfum de terre rocailleuse après la pluie. Le sauté de chou a le mérite d’exister, mais n’envie rien au zourite question salage.

Le concombre est bon, bien croquant, mais le rougail dakatine ne ressemble à rien : saveur en berne, force nulle, texture de mastic de bricolage. 

Nous terminons avec un fondant au chocolat (apprécié) et une crème brûlée revisitée à la patate douce. Il y a de l’idée. Mettre une crème brûlée par dessus une purée de patate douce pourrait fonctionner si l’affaire n’était pas froide. Une purée plus légère et veloutée à température ne serait-ce qu’ambiante se mélangerait mieux avec une crème tiède.

Nous repartons après le règlement d’une note de 69 euros pour deux boissons, une entrée, trois caris dont un à emporter et deux desserts. Sans café. Soit plus de 30 euros par personne en ne comptant pas la barquette. C’est un peu cher pour ce que c’est. Finalement, les quantités sont bonnes, avec cette qualité là :  on n’a pas trop envie de se resservir.

Il serait malhonnête de dire qu’on mange mal au restaurant Lé Gadiamb, mais ce nom est-il encore approprié ? Voilà un restaurant niché dans une jolie case créole, avec une ambiance authentique qui met à l’aise, et un service avenant, efficace et professionnel, mais dont la cuisine est somme toute moyenne. Trop. L’authenticité et la tradition ne doit pas figurer seulement dans le décor et dans le nom des plats, elle doit aussi se ressentir en bouche, c’est un minimum. Et cela commence par la maîtrise du sel. Que manque-t-il donc pour que ce soit vraiment « gadiamb » ? Un peu plus de goût, et aussi de finesse, un travail des épices et du roussi plus abouti, et, sans doute, davantage de temps à consacrer aux marmites. En l’état actuel, une inscription sur la liste des meilleurs établissements créoles est délicate. Une nouvelle visite sera nécessaire.

Planète Vegan

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Dans le milieu de la restauration en général et de la restauration à La Réunion en particulier, les menus végétariens, végétaliens ou végans se sont faits une petite place.

Nombre d’établissements proposent des plats « végé » à leur carte, et certains ont même tenté de ne proposer que de la cuisine végétarienne, parfois sans lendemains. Difficile en effet de tenir dans ce créneau là. Pourtant, la clientèle existe. Outre les végétariens convaincus, élevés ainsi depuis l’enfance, et les convertis, (souvent suite à une prise de conscience de la nécessité de manger plus sain) La Réunion compte aussi les végétariens occasionnels, qui s’astreignent à des obligations d’ordre cultuelles.

Planète Vegan, dont nous avons testé les plats sur trois jours, n’est pas (encore) un restaurant « classique », mais une entreprise de fabrication et de livraison de repas végétariens. Une petite entreprise qui fait son bonhomme de chemin et que nous avons sollicité pour découvrir la variété et la richesse de la cuisine végan, au travers d’une critique sans concession.
Nous avons en effet souhaité mettre leurs plats sur le même pied d’égalité que tous les autres plats testés lors des critiques gastronomiques. Planète Vegan a cependant eu un avantage, et non des moindres : savoir que ses plats sont soumis à une critique. Ce qui n’est pas le cas lors de nos visites puisque celles-ci se font à l’improviste. On pondérera quand même cet avantage car les plats qui nous ont été livrés sont les mêmes que ceux figurant au menu du jour, et nous pouvons raisonnablement penser qu’ils ont été tous préparés de la même façon. Cette petite explication étant faite, passons donc aux choses vraiment sérieuses.

Mardi

– Taboulé fraîcheur 
– Brochettes de soja accompagnées de riz parfumé, haricots coco rosé, 
brèdes et rougail tomates 
– Cake à l’ananas frais.

Le taboulé entame de belle façon notre repas. Même si nous préférons de loin la semoule dans un bon coucous, celle-ci est tout a fait présentable. Cuite comme il faut, les grains sont détachés tout en étant moelleux et ne font pas de grumeaux. La menthe aurait pu y être plus présente, mais elle n’est pas pour autant timide. Celle-ci côtoie des petits morceaux de concombre joyeux et des raisins secs qui délivrent leur humeur sucrée avec justesse. Tout ça est frais comme la rosée du matin.
Suit une barquette qui n’aurait pas dépareillé dans un snack créole bon teint. Riz, grain, et brèdes Chou-de-Chine accompagnent des brochettes de soja. A la vue comme au goût, on jurerait que c’est du poulet. Les brochettes ont vraissemblablement mariné dans une sauce aigre-douce, dont le doux est plutôt sage d’ailleurs. Leur texture est presque celle d’un blanc de poulet passé au mixeur. C’est assez bon. Les brèdes assurent. Leur fraîcheur nous monte au nez comme pour dire “on a été cueillies ce matin”, et leur saveur franche confirme le fait.
Les grains rosés sont corrects. Peut-être eussent-il été plus présentables s’ils avaient été plus en crème, mais étant bien cuits, il n’y a pas beaucoup de reproche à leur faire. 
Même genre de remarque concernant le rougail tomate. Son goût est correct, son piquant est au minimum syndical (la faute à notre palais créole en kevlar sans doute), mais il aurait pu être présenté plus hâché que ça, ou même écrasé dans un bon vieux pilon !
Un petit cake à l’ananas ferme la marche joliment. Nous n’avons quasiment gobé d’une seule bouchée, à la gourmande, pour apprécier son parfum et son moelleux.

Mercredi

– Tarte salée à la provençale accompagnée d’une salade composée.
– Salade asiatique : salade verte, concombre, pousse de soja, cacahuètes pilées, 
dés de brochettes de soja épicées, citron vert.
– Base compote de pomme à la cannelle , une couche de pommes caramélisées, 
une couche de yaourt de soja nature et une pluie de spéculos.

Voyage en Asie et en Provence ce jour là. La tarte salée est composée d’une pâte tendre qui soutient une compotée de tomates et d’oignons recouverte de tranches de courgettes. Un petit passage au micro-ondes est souhaitable mais pas obligatoire. En revanche, la tranche de tarte a quelque peu subi les virages. Elle est présentable mais il s’en est fallu de peu que non. La dégustation révèle une belle affaire : la compotée est magnifique, puissante et toute ensoleillée des parfums de thym(g) et de romarin(g), avec une acidité maîtrisée et une juste dose de sel. Là-dessus les courgettes semi-croquantes font ce qu’elles peuvent, mais le font bien.Nous retrouvons dans la salade le soja d’hier (si ce n’est lui, c’est son frère), qui s’accomode très bien des autres ingrédients d’ailleurs. Tout ça est croquant à souhait et les cacahuètes y apportent avec bonheur leur saveur addictive. On allait dire “heureusement”, sans quoi ça manquerait un peu de caractère à notre goût. Du rab de menthe aurait été bienvenu, surtout avec les rouleaux de printemps qui accompagnaient la salade. Des rouleaux frais et bons, mais vraiment trop timides gustativement.Rien de gravissime, d’autant que l’excellente vinaigrette moutardée et la sauce aigre-douce nous secoue tout ça comme il faut.
Le dessert est un bonheur. Nous avons joyeusement mixé pommes, yaourt et spéculos comme un gamin privé de douceurs depuis un mois. La cannelle en dénominateur commun nous fait un sitting nasal, et magnifie la variété de texture entre l’épaisseur du yaourt, le sablé des spéculos et le croquant-spongieux des morceaux de pommes.

Jeudi

– Piments farcis
– Burger classique accompagné d’une petite salade fraîcheur 
et d’un écrasé de pomme de terre.
– Crème de coco à l’agar agar

De notoriété publique, hélas, trouver des bons piments farcis relève de l’exploit. Sauf si bien sûr vous avez un parent ou un ami qui vous cuisine ça comme il faut, ou en tout cas comme nous considérons qu’il faudrait : la pâte fine et croquante et le piment fort. Oui, sinon, quel intérêt franchement de farcir un piment ? Autant farcir des courgettes, des poivrons ou on ne sait quoi d’autre.

Les piments farcis de Planète Vegan ont une pâte assez fine, mais molle, qui entoure une farce épicée sagement dans un piment croquant et… musclé ! L’un dans l’autre (c’est le cas de le dire) se pose sans difficulté par rapport aux tas de graisse sans goût ni sentiment qu’on trouve un peu partout, surtout en stations service, mais tient aussi la dragée haute à des piments plus présentables comme ceux de Taïlou (Hello Victorine, on adore tes samoussas mais tu sais ce qu’on pense de tes piments, mh ?).
La roquette donne à la petite salade du jour la pêche que sa devancière n’avait pas. Et on retrouve la même dans le burger. Et là, errare humanum est si nous nous fourvoyons tant haute nous avons mis la barre, mais le burger fait « ploc ».
C’est pas mauvais en soi, mais c’est un peu éteint. On ne s’attendait pas à du rock endiablé, mais le steak végé, qui tient la place de la viande d’un burger classique, nous joue de la musique de chambre au lieu d’une belle balade rythmée. La tapenade tartinée essaie quand même de mettre de l’ambiance, mais sans trop de succès. Et le pain n’arrange rien, au contraire. Ce n’est sans doute pas simple de trouver (et de garder) du bon pain à burger. Celui-là en tout cas s’effrite en petit morceaux et nous semble absorber, pour faire disparaître, le peu de saveur de la garniture; comme une vieille éponge. Oublions le burger.

Les pommes de terres écrasées arrivent comme la cavalerie. Quelle douceur, quel velouté, et quel fumet. Sont-ce juste les miettes d’oignons éparpillées qui éclatent sous les molaires qui donnent ce subtil parfum ou des filets de harengs auraient-ils également dormi sur ce matelas de patates ? Très très bon.

La crème de coco nous rejoue la même partition, version sucrée cette fois. Si vous ne connaissez-pas l’agar agar, cette composition vous séduira. Le coco s’y éclate ! Et tout ça est si frais, et descend si vite ! On en redemande.
Fin des hostilités. Chaque jour, il ne restait pas grand chose sur la table. 

Résultat global très positif donc pour les menus de Planète Vegan, avec des plats originaux, frais et savoureux. Nous ne nous attendions pas à moins. Les béotiens, blanc-bec et autres bleusailles de la cuisine vegan pourront découvrir que cette dernière est très variée, à des années lumières des clichés “manger lapins” encore trop vivaces. Et Planète Vegan l’aura d’autant plus prouvé qu’à aucun moment nous n’avons trouvé d’assaisonnement indien comme c’est souvent le cas à La Réunion dans ce type de restauration. Même s’ils l’ont eux aussi à leur carte. Et ça, franchement, c’est fort. Nous souhaitons à toute l’équipe de Planète Vegan de pouvoir continuer à faire voyager ses clients, végés ou non, avec leur cuisine saine et estivale, dans le souci constant de toujours mieux faire. Qu’est-ce que ça vaut ? Comment “quelle fourchette ils ont eue” ? Une fourchette en argent bien sûr !

Pour résumer : 
Accueil téléphonique : Très bien • Cadre : sans objet • Présentation des plats : aucune
Service (livraison) : bien • Qualité des plats : bons • Rapport qualité-prix: bon.
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent

Le Reflet des îles

P1090361Aujourd’hui, nous décidons de remettre le couvert au Reflet des îles, à Saint-Denis. Nous avions octroyé à l’établissement une fourchette en argent en 2011, et depuis, des avis divers nous sont parvenus, de plusieurs sources, tantôt bons, tantôt moins bons. Son concurrent le Fouquet, dans le bas de la rue Jules-Auber, ayant tiré sa révérence, les « gros » restaurants créoles dionysiens se réduisent à plus grand-chose. Compte tenu de cet état des lieux, il nous a paru opportun de faire une mise à jour de fourchette, presque 4 ans plus tard.

Toujours la même bâtisse en bois, plutôt bien entretenue malgré son grand âge. Toujours le même personnel, avec quelques nouvelles têtes. Toujours le même patron souriant derrière son comptoir, qui veille au grain comme mère poule ses poussins. Nous nous installons tout au fond, avec un angle de vue à 90° sur les différents espaces du restaurant, où près de 170 couverts attendent les clients qui, par l’odeur alléchés, franchissent la petite porte vitrée, sourire aux lèvres après avoir lu le menu du jour affiché à l’extérieur.

Neuf plats et desserts parmi lesquels un gratin de palmiste, une pintade combava, un rougail morue gros piment, des côtes d’agneau grillées, un civet zourite, un rôti de langue de bœuf sauce diable, lequel bien sûr, s’attend. La carte, quant à elle, est toujours aussi (trop ?) riche et adopte une présentation moderne et soignée, avec le mot du patron. 14 entrées diverses, 12 grillades de viande, 6 brochettes et 6 poissons grillés, 21 caris, du cari zanguilles au cari de porc palmiste en passant par les massalés, et presque une trentaine de desserts, glaces comprises. Ouf !

Nous entamons le repas avec une assiette créole mixte, sorte de marronnier des cartes des restaurants créoles, avec diverses fritures à déguster. Un achard de légumes et du boudin viennent accompagner les beignets de morue et de bringelle. Ces derniers sont assez bons, pas trop gras, comme ce peut être le cas par ailleurs. Le goût un peu piquant de la tranche de bringelle n’est pas noyé dans l’huile, ce qui lui conserve tout son intérêt. 

Bémol en revanche sur les beignets de morue. Comme il y a quatre ans, mais en moins bourratifs. Pâles choses à côté des merveilleux acras de nos souvenirs d’il y a plus de vingt ans. C’est le goût de la pomme de terre qui domine, éteignant celui d’une morue de toute manière fadasse et livide. Ancun intérêt. 

Le boudin est de bonne facture. Sa texture peu dense respire et nous fait profiter d’un cumin étonnant mais pas du tout désagréable, assorti d’une belle attaque pimentée qui vous accroche les papilles comme du velcro.

Les achards ne déçoivent que par leur présentation : en tas ! Il est bien compréhensible que hacher à la main les légumes pour un restaurant de cette taille n’est pas chose faisable, mais quand même. Juste quelques morceaux finement découpés suffiraient à présenter l’affaire et donner en bouche un croquant plus valorisé. Une petite verrine, par exemple, donnerait du cachet. Le goût, lui, demeure dans les canons du genre.

La pintade et les crevettes suivent rapidement. Le service, tablette en mains, est toujours aussi efficace et professionnel.

Le cari de pintade combava est dans l’ensemble correct. Belle sauce rouge enveloppante, beau nez d’épices avec un combava respectueux, petit fumet de cuisson. Tout y est. Heureusement. Car si la pintade nous offre sans surprise sa chair aux atours secs, dans la limite du tolérable, sa saveur intrinsèque est en berne. En bouche le combava est fugace, en faisant plus d’effet dans les sinus. Le cuisinier a comme qui dirait péché par excès de prudence, tant le parfum envoûtant de l’agrume peut se révéler très vite agressif, voire écoeurant, en cas de sur-dosage. Nous préférons ça.

Les crevettes jouent un ton au dessus. Pimentées à la demande, celles-ci sont cuites de manière experte puisqu’elles offrent souplesse et résistance, juste assez pour un croquant délicat qui envoie illico leur saveur, soutenue par un gingembre courtois. Le piment, vert et frais, à vue de nez, est dosé dans la juste quantité pour autoriser un plaisir masochiste et larmoyant au touriste de deux jours. Point de force brute pour autant, mais son parfum piquant inimitable porte le cari comme un prince sa dulcinée. 

Les accompagnements ne dénotent pas. Bon riz, servi généreusement, grains veloutés sans prétention mais bons, des brèdes chou-de-chine croquantes et très goûteuses. Le rougail « zognon » est standard, le rougail tomate commun, le rougail margoze est quant à lui bienvenu, surtout avec les crevettes auxquelles il confère un autre caractère, comme si la dulcinée changeait de robe, et demeurait tout aussi belle quoique différente.

Nous terminons par des bananes flambées, préparées à table. Un peu dures mais savoureuses.

Addition : 55 euros pour deux personnes (une entrée, deux plats, deux desserts), soit 27,50 euros par personne sans les boissons. C’est cher. 

Les détracteurs de tout acabit peuvent continuer à dire que Le Reflet des îles, ce n’est plus ce que c’était, que c’est la cantine, qu’on ne s’entend pas parler, etc. Et il y a certainement un peu de vrai dans tout cela. Il était donc bon que nous y retournassions afin de nous faire notre propre opinion. Et celle-ci est bonne, compte tenu de ce que nous avons dégusté aujourd’hui. Maintenir plus de 40 ans un établissement comme celui-là avec une telle fréquentation n’a d’autre explication qu’une qualité générale supérieure à la moyenne et surtout constante. Il y a certainement des plats moins bien réussis, en fonction des circonstances, mais David Banon, fervent défenseur de la tradition créole, veille. Indéniablement, c’est une performance, et des jaloux doivent maigrir devant ! Bien entendu, rien n’est encore parfait. Il manque à la carte une touche d’originalité, de nouveauté, histoire de surprendre le client. Une prise de risque qui est le signe de la vitalité et de la créativité, comme nous l’avons vu dans d’autres établissements. Un renouveau dans la présentation ne serait pas du luxe non plus, sans forcément jeter les bonnes vieilles petites marmites. Enfin, les tarifs, peut-être justifiés, sont toujours élevés. Nous chicanons à dessein, mais constatons avec grand plaisir que Le Reflet des îles est toujours au niveau. Celui d’une fourchette en argent avec recommandation de l’équipe !

Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : bien
Service : bien • Qualité des plats : très bons
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent

Le Vieux Kréole

Aujourd’hui, nous mettons les pieds sous table du Vieux Kréole, restaurant du quartier du Butor à Saint-Denis, à l’arrière de l’ex-BUT. Avec 120 places assises possibles et un buffet d’une dizaine de plats, créoles pour la plupart mais aussi chinois, l’endroit pourrait passer pour la cantine standard des travailleurs de semaine.

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Rougail morue, cari la patte cochon, rougail d’andouillettes, sauté de poisson aux légumes, cari de poulet fermier, riz aux légumes, poulet croustillant, il y a de quoi exciter les papilles de tout créole du cru. Et si ce n’était pas suffisant, la présence d’une fricassée de brèdes chouchous, chose aussi rare dans les restaurants créoles qu’un rosbif dans la gamelle d’un végétarien, nous a convaincus que le patron tient à justifier l’appellation « Vieux Kréole ». « Vieux » dans le sens authentique et traditionnel bien sûr. Les pattes de poulet dans le cari, les rougails pistaches grillées, les piments confits et les desserts maison abondent en ce sens.

L’accueil est sympathique et attentionné. Le cadre chaleureux et confortable fait oublier l’extérieur citadin très béton. Deux ou trois objets lontan viennent agrémenter l’ambiance, trop discrètement. On est loin du petit musée qu’on peut trouver au Gadiamb, par exemple.

Nous entamons donc les hostilités dans la joie, la bonne humeur, et avec un cocktail de pitaya-ananas-passion pour nous nettoyer la glotte. Très frais cocktail, sucré certes mais goûteux. C’est parti !

Le rougail d’andouillette est sage en goût comme en sel. Le produit lui-même contient pas mal de viande moulue et n’est pas très gras. Il est oint d’une sauce tomate standard tout à fait correcte, en boîte semble-t-il, et assez épicée pour faire de ce rougail un plat qui donne envie d’y revenir.

Le cari la patte est délicieux. Sa couleur sombre et la brillance de la peau appellent la fourchette, laquelle n’est pas déçue du voyage tant la viande est très présente, moelleuse et parfumée. Le coup de fouet supplémentaire d’un petit vin rouge charpenté ou même d’un flambage au rhum n’aurait pas été de trop pour ajouter plus de tonus au plat, mais nous laissons ces broutilles et finissons la patte sans chagrin.

Le poulet, pour sa part, affiche son ascendance fermière ne serait-ce que par ses pattes, morceaux courus du créole spécialiste en suçage des os, avec les doigts bien sûr. La viande donne juste assez de résistance pour confirmer le fait, et déploie en bouche sa saveur authentique et ce d’autant plus que le sel y est raisonnable. Les sensations au palais et dans les sinus se répondent parfaitement, signant une dégustation concluante.

Mention spéciale pour la fricassée de brèdes chouchous, qui, en sus du fait d’exister, n’a pas l’outrecuidance de présenter des oignons comme certains oseraient en mettre dans ce plat. Le croquant est équilibré, comme le sel aussi d’ailleurs, ce qui contente à peu près tout le monde, des herbivores qui aiment ces brèdes-là juste sautées, aux tenants du bien cuit limite bouillon.

Chose peu courante, pour autant que nous ayons pu en juger lors de nos pérégrinations, les rougails ne font pas que de la figuration. Ils existent et le revendiquent presque. Placés en tête de buffet, on ne peut pas les oublier. Le rougail pistaches grillées a une belle couleur crème foncée, et donne des sensations en bouche qui rappellerait à beaucoup la cuisine de mémé. Fantastique avec la patte cochon.

Les piments confits, à ne recommander qu’aux estomacs tolérants, surtout pour le piment cabri, se croquent volontiers avec les andouillettes dont le retour de fumet se marie bien avec la libération de l’acidité vinaigrée.

Le rougail margoze dansera plutôt avec le cari de poulet, en lui relevant les ergots histoire de lui faire passer sa timidité première. Croquant itou est le légume à peau de lézard, qui vous reste au nez comme un souvenir de la bouchée précédente.

Nous prenons la pause nécessaire avant d’aller tâter les desserts.

Parmi les gâteaux créoles traditionnels, nous optons pour la mousse de cambar, plus une crème brûlée. La mousse du tubercule mauve est joliment présentée, très en raccord avec la couleur des murs d’ailleurs. Celle-ci est légère et superbement parfumée, avec des accents de menthe et, plus lointains, d’anis. Un bonheur en compote pour des coqs en pâte !

Nous allons réclamer l’addition. 40 euros pour deux personnes, sans les boissons. Les buffets à volonté s’affichent à 14 euros. Très correct compte tenu de la qualité globale.

C’est dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleurs caris, dit-on. Depuis un an et demi, le Vieux Kréole propose à sa clientèle une cuisine traditionnelle dans un cadre moderne et confortable, à deux pas des lycées du Butor et de Champ Fleuri. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le sieur Clain, traiteur connu par ailleurs, a su donner à son affaire un joli tour puisque les deux salles sont pleines. Notre dégustation nous a révélé une cuisine généreuse, simple, respectueuse de la tradition, autant que faire se peut, et à la recherche des petits « plus » qui vont faire la différence par rapport à la concurrence. Nous aurions même envie de voir décliner ce buffet en une formule à l’assiette, semi-gastronomique, pour aller encore plus loin dans l’exercice. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, pour l’accueil souriant, le cadre, l’effort de présentation sur le dessert, et la qualité globale des plats proposés, nous sommes heureux de décerner au Vieux Kréole une jolie fourchette en or.

Pour résumer : 
Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : buffet
Service : très bien • Qualité des plats : très bons
Impression globale : excellente table
Fourchette en or

L’Entrepotes

Aujourd’hui nous allons lézarder du côté de la rue Bois-de-Nêfles, celle qui monte vers la clinique de Sainte-Clotilde, pour mettre les pieds sous la table au restaurant Entrepotes, situé dans l’immeuble où se trouve la station service du coin, au rond-point. Une petite porte donne sur la caisse et le comptoir aux plats à emporter, avec dans le prolongement, une salle d’une vingtaine de couverts, plus une terrasse en bois « suspendue » attenante, de même capacité.

La salle climatisée est équipée d’écrans plats où défilent des clips vidéos. La terrasse est moins bruyante, nous nous y installons. L’accueil, féminin, est souriant et très serviable, autant que nous pouvons en juger à cette heure où la clientèle est encore peu nombreuse. 

On nous prie de choisir nos boissons dans l’armoire froide puis nous nous mettons dans la « file » pour choisir nos plats. Au menu du jour : cari de porc pomme-de-terre, poulet au chouchou (qui a « largué le corps » on dirait), sauté de poulet aux brèdes, cari de thon au combava, accompagnés au choix de riz blanc ou de riz-massalé, une originalité que nous nous faisons un devoir de goûter, avec des lentilles.
« Nous avons aussi des grillades » nous informe une jeune demoiselle, « avec un petit temps d’attente« . Effectivement, sur un tableau nous lisons: « entrecôte de bœuf frais (mot souligné !) sauce poivre, magret de canard au miel, filet de poisson grillé (du Merlu), salade du jour, bol renversé« , pour des tarifs allant de 9 à 18 euros.

Nous nous contenterons des créolités en optant pour le cari de porc et le sauté de poulet. Nous retournons nous asseoir avec des assiettes correctement garnies.

Le porc pomme-de-terre est assez bon. La viande est plûtot maigre que grasse, ce qui plaît à nos artères mais moins à notre palais. Les pommes de terre coupées en tranches d’un demi-centimètre ont une bonne tenue, même si la sauce un peu épaisse trahit une légère fonte. Peut-être eussent-elles été plus joyeuses avec un poelage adapté. La dose de sel est faible. Nous pensons d’abord que le féculent l’a un peu pompé. Fausse piste : le sauté de poulet nous révèlera que le chef a eut la main prudente sur l’exhausseur de goût. Nous qui vitupérons à qui mieux-mieux contre les icônoclastes sous toque qui nous chargent les plats en sel, nous n’allons pas nous plaindre.

Un œil sur la salle qui est déjà pleine de personnes

debout attendant leur tour. Le service suit le mouvement. Chez Entrepotes, ça dépote !

Le sauté, donc, affiche une macération délicate avec des brèdes un peu trop rares selon nous. Les morceaux coupés petits sont assez goûteux, même si dans l’ensemble tout cela manque un tantinet de pêche. Rien d’alarmant. Le riz-massalé soutient bien tout ça. La saveur du massalé est assez diffuse et aucunement agressive. Au final, elle nous reste un peu dans les sinus avant de tirer sa révérence, le temps de mastiquer la viande. Quand même, ça manque un peu de sel.
Rien à dire sur les lentilles. Les rougails, une sauce zoignons et un dakatine combavaté assez sage, apportent une précieuse contribution aux plats.

Nous terminons par un café gourmand, accompagné de petites pâtisseries dont certaines sont aux fruits confits, délicates, et pas trop sucrées.

L’addition s’élève à 28 euros et des bouts de brèdes, tout compris (la formule buffet-dessert-café est à 15 euros), soit 14 euros par personne. Très honnête en regard de la qualité globale.

Entrepotes est ouvert depuis 4 ans, au rond point de la rue Bois-de-Nêfles, et si on se base sur l’affluence, on peut en déduire qu’ils ont su se tailler une réputation respectable en proposant des plats de bonne qualité auxquels s’ajoutent des extras comme les grillades qui satisferont les clients désireux de sortir de l’ordinaire riz-cari. Si nous émettons un léger bémol concernant les plats que nous avons testés, gustativement parlant assez timides aujourd’hui, l’ensemble nous paraît plutôt dans la moyenne supérieure de ce que nous sommes en droit d’attendre dans ce genre d’établissement. La fourchette en argent s’impose donc logiquement. 

Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : buffet
Service : très bien • Qualité des plats : bons
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent

Au resto de La Bretagne

Visite en août 2013

Aujourd’hui nous grimpons vers la Bretagne, charmant quartier de Saint-Denis, où un petit restaurant vient s’ouvrir. Vous le trouverez sur votre droite après la station service, à l’angle du Chemin de la Grotte.

Un petit jardin potager, deux tables d’extérieur, une salle d’une trentaine de couverts, et, au fond, les alignements des plats à emporter avec la caisse, où, à 11h30 déjà, s’affairent deux personnes pour servir la clientèle des barquettes. La salle, simplement décorée, est propre, très agréable et ventilée. Les propriétaires ont eu la bonne idée d’y conserver un pied de letchis. Un jeune homme nous propose de nous y installer et vient prendre la commande.

Le menu, qui change tous les jours, est déjà affiché à l’extérieur. Aujourd’hui, c’est cari bichiques (bichiques déor, à ce prix là, c’est évident), steack porc à la chinoise, civet de canard, poulet aux oignons, camarons sauce d’huître, gratin aux légumes et un cari de poisson. « C’est du vivaneau », nous précise notre serveur qui nous le recommande. Va donc pour le vivaneau et nous nous laissons également tenté par le porc à la chinoise.

Le temps d’apprécier un rafraîchissement nous remarquons que le défilé de clients vers les barquettes est de plus en plus soutenu. Certains repartent avec quatre, cinq, six plats. Les nôtres arrivent sans trop tarder.

Déjà, nous sommes positivement surpris par la quantité respectable de riz. Et le rougail tomate rouge vif attire notre regard. Nous le humons. Il sent bon la tomate des champs, le piment et le persil frais. Il n’en faut pas plus pour nous mettre les glandes salivaires au garde-à-vous.

Nous entamons le déjeuner avec le poisson. Déjà, ce dernier, du surgelé probablement, est au moins présenté en darnes, tout enveloppé d’une épaisse sauce rouge où l’oignon ne fait pas défaut. C’est déjà pas mal tant il est vrai que, par ailleurs, certains ont le culot de proposer à leur clientèle du poisson congelé en cube au goût de carton, en baptisant cela de la cuisine créole ! Ici nous sommes bien loin de ces médiocrités. Le poisson est savoureux. Il libère son arôme soutenu par un gingembre bien présent et le petit arrière-goût sucré de tomates mûres. La texture des chairs est fine, avec des arêtes en nombre limité, mais la sensation en bouche, farineuse sur la fin, trahit une cuisson peut-être poussée au-delà du maximum syndical (par inadvertance supposons-le), sans pour autant que cela devienne désagréable.

Le porc pour sa part est souple, tendre, d’une belle couleur luisante et nous offre des saveurs sucrées-salées où la sauce d’huître a semble-t-il côtoyé d’autres aromates, dégageant le parfum un peu piquant des sautés déglacés aux alcools d’anis. Il s’entend à merveille avec notre rougail frais, fleurant bon la tomate la cour, celle qui a du goût, et pas les vulgaires tomates gonflées d’eau que nous servent régulièrement les supermarchés.

Le riz est correctement cuit. Les pois du Cap sont assez équilibrés, pas trop en grain, pas trop en crème, et très satisfaisants au palais. Nous terminons notre déjeuner par un gâteau d’ananas maison. Une petite pâtisserie familiale fort goûtue quoiqu’un peu dense peut-être, et joliment présentée.

Nous repartons repus, avec une barquette de civet de canard, pour le soir. Nous réglons 27 euros et des poussières pour trois repas dont un à emporter, un dessert et deux boissons. C’est notre portefeuille qui est content.

Si d’aventure vous passez par là, le Resto de la Bretagne, tout nouveau, vous propose de la bonne cuisine traditionnelle créole et chinoise. Vu les prix, ne vous attendez pas à des produits haut de gamme, mais le talent du chef accommode magistralement l’ordinaire pour vous laisser la satisfaction qui vous fera revenir. On ne s’y trompe pas : à midi et demi, c’était plein. Il est donc préférable de réserver si vous comptez passer un bon moment entre midi et quatorze heures. A trois minutes en voiture de la Technopole, voilà une sympathique adresse à conserver dans son agenda. Et c’est avec grand plaisir que nous décernons au Resto de la Bretagne une bien jolie fourchette en argent.

Pour résumer : 
Accueil :  bien • Cadre : bien • Présentation des plats : bien
Service : bien • Qualité des plats : bons
 Impression globale : bonne table
Fourchette en argent

La Villa Angélique

[Visite en novembre 2012]

[à apprécier sur la Marche de Radetzky, Johan Strauss]

Saint-Denis, 20h00. Nous passons le portail de La Villa Angélique, petit hôtel-restaurant de charme de la rue de Paris, où une soirée «créole revisitée» est organisée. La belle case en bois est illuminée. Nous sommes accueillis par de charmantes hôtesses qui nous proposent un petit punch et des mignardises à grignoter : tubercules divers hachés menus et frits. Nous sommes ensuite dirigés vers la terrasse où plusieurs convives sont déjà attablés, le nez dans leur assiette ou écoutant d’une oreille distraite le chanteur-guitariste de service qui entonnera toute la soirée un best of du répertoire local, avec du Souchon, du Brassens et du Cabrel, de fameux compositeurs créoles comme chacun sait.

Oops. Nous médisons déjà, en oubliant qu’il s’agit d’une soirée créole revisitée ! Voilà pourquoi les jeunes messieurs de service sont déguisés en Antoine de carnaval ! 

[à apprécier sur Casse-noisette, Danse des Mirlitons, Piotr Illicht Tchaikovsky] 

Nonobstant le respect dû au travail nécessaire pour organiser la soirée, tout ce flonflon artificiel pour touristes habitués des hôtels étoilés un peu partout dans le monde nous laisse de marbre (excepté peut-être le sourire des hôtesses !). Nous nous installons dans un coin et attendons le pied ferme et les papilles sur les starting-block, de voir arriver les mets proposés pour cette soirée à savoir : un «ti cornet» de palmiste au Piton Maïdo (l’intitulé déjà nous fait froncer le sourcil), de la légine au gingembre mangue et ses «ravioles de Ti-Jack» et un «Mille-feuilles de magret et ananas Victoria en son gratin lontan». Pour clore le repas, ce sera une «mousse de patates douces sur biscuit des îles et glace vanille bourbon». Nous mettons en veilleuse nos ADN yab et malbar pour laisser s’exprimer davantage le charentais, histoire d’être convenablement disposés à déguster avec impartialité ces plats «zoréoles». Très vite, on nous apporte les cocktails avec la mise en bouche. Et là que faire ? Rire aux éclats ou pleurer ?

[à apprécier sur Adagio for Strings, Samuel Osborne Barber] 

La mise en bouche est constituée d’un samoussa accompagné d’une «sauce au curcuma péi». Un samoussa. Pas trois, pas deux : un, miséricorde ! L’affaire ressemble à ces tableaux d’art minimaliste qui se vendent à prix d’or chez les gens de la haute société. Minimaliste, le samoussa l’est aussi par le goût : il a un goût de friture. Point. Sa présentation suggère qu’il soit dégusté avec la sauce, et celle-ci est bonne, fort heureusement.  Quant aux cocktails, leur composition est simple : 90% de glace pilée ! Autant dire qu’ils ne nous ont apporté qu’un plaisir très limité, à part celui d’étancher notre soif.

L’entrée est très jolie à regarder mais ne nous consolera guère. Hélas. Quelle idée saugrenue de mélanger palmiste et notre très goûteux (et caractériel) Piton Maïdo ? Déjà que nous avions toussé, il y a quinze jours, sur la salade trop assaisonnée du Vieux Port. Mais là ! Ce n’est plus un mariage, c’est du viol. Foutez-lui la paix, au palmiste ! C’est un peu facile, voire grotesque, de toujours l’associer à tout et n’importe quoi pour faire «genre». Le seul détail intéressant : la capucine qui orne le plat. Deux tables plus loin, une touriste l’a mise dans ses cheveux, comme Ernestine qui, batifolant dans les champs, affichait ainsi la fleur afin de signifier à son bouillant fiancé de modérer ses ardeurs pour cause d’invasion anglaise imminente. Les assiettes sont enlevées et nous croyons sentir comme une vague odeur de fourchette en plastique… c’est de mauvaise augure. La soirée semble se réchauffer un peu. Le chanteur aborde des airs antillais. Le service a l’air de se dérouler comme du papier à musique. Les Antoines (et Antoinettes) sont efficaces.

[à apprécier sur la 5e symphonie en C mineur (pom pom pom pom !), Ludwig Van Beethoven]

Et voici le magret et la légine. Et voici la lumière. Le mille-feuilles se présente comme succession de tranches de magret et d’ananas, posées sur le gratin «lontan» : de fines lamelles de patates douces. La belle viande de canard, saignante comme nous l’avions demandé, est tendre, poivrée, goûteuse, et se mélange superbement avec l’ananas, poussant parfois la courtoisie jusqu’à le laisser passer devant. Le moelleux gratin, avec la texture légèrement poudrée de la patate douce vient calmer ces élans gustatifs et cela se traduit au palais par un équilibre savant entre le sucré et le salé et un plaisir à la mastication qui en devient presque bestial. Le verre de Chinon rouge proposé est le bienvenu.

[à apprécier sur la Suite pour orchestre BWV 1068 «Air on the G string», Johann Sébastian Bach] 

Pour sa part, la légine joue plutôt dans le registre du raffinement, de l’élégance et de la simplicité. Elle est ainsi présentée dans son plus simple appareil, nue comme Eve avant la pomme ; le gingembre-mangue se distinguant à peine, de loin en loin, pour préserver cette virginité de saveurs des mers glacées. On apprécie donc avec moult délectations la chair odorante du poisson blanc, qui se laisse glisser derrière les molaires en nous donnant des frissons (ça y est, nous sommes convertis à la légine!). Le ti-jacque est presque de trop. «Presque» parce qu’il est lui aussi sur son trente-et-un. Un brin croquant, très parfumé mais pas trop épicé, le ti-jacque rivalise avec celui de Chez Alice, à Hell-bourg, qui l’avait tantôt sauvée de la fourchette en inox. Nous louons ici le respect du produit, et eussions souhaité qu’il en fût de même à l’égard du palmiste servi en entrée comme valet de pied à un fromage trop fort pour lui. Les assiettes sont nettoyées au pain, et remplacées trois chansons plus tard par le dessert.

[à apprécier sur Les noces de Figaro, ouverture, Wolfgang Amadeus Mozart]

Encore une fois, la présentation est soignée. Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que l’élément décoratif est…de la colle-pistache ! Après une prière pour notre taux de glycémie nous enfournons la nougatine, la croquons goulûment. C’est les années 70. Nous avons huit ans, et de la colle plein les dents ! La mousse de patates douce brille davantage par sa texture que par son arôme, trop subtil, surtout après la colle-pistache, mais fait merveille mélangée à la glace où la vanille se révèle dans toute sa splendeur. Le «biscuit des îles», au coco, nous semble presque de trop.  Le jeu des sensations est fort réussit et le dessert vient clore avec bonheur un repas pourtant bien mal entamé. Addition de la soirée : 103 euros pour deux personnes. Correct si on tient compte du repas, de l’ambiance et du standing, mais le rapport qualité-prix de cette soirée est «limite».

[à apprécier sur Casse-noisette, la valse des fleurs, Piotr Illicht Tchaikovsky]

La Villa Angélique mérite visite, ne serait-ce que pour ses atours. L’ambiance qui se dégage de cette maison créole entièrement refaite invite au repos et à la sérénité. Nous jugeons ici les plats qui nous ont été proposés au cours de cette soirée, qui ont le mérite de révéler le talent et la créativité de la jeune et dynamique Chef, ci-devant Kelly Jean-Baptiste. Comme quoi la valeur n’attend pas le nombre des années, et le talent non plus, du reste. Il est indubitable que si ce talent s’exprime ainsi tous les jours que Dieu fait (et à cette condition seulement, nous n’excluons pas, d’ores et déjà, une contre-visite l’année prochaine), La villa Angélique est l’une des meilleures table du chef-lieu. Mis à part quelques erreurs de concept au début du repas, le reste tient parfaitement la route, ce qui justifie amplement, pour l’heure, l’octroi à ce restaurant d’une très jolie fourchette en argent.

Pour résumer : 
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : très bien
Service : très bien • Qualité des plats : bons dans l’ensemble • Rapport qualité-prix : perfectible
Notre impression globale : Bonne table
Fourchette en argent