Un « bel » bertel !

Ca bouge un peu à Sainte-Rose, où l’offre de restauration grimpe en qualité, sauf une ou deux exceptions notables. Nous avions naguère découvert la Rivière des Saveurs, avant l’entrée du village quand on vient du Nord, et qui propose une cuisine simple et familiale avec des gâteaux péi extraordinaires. Aujourd’hui nous allons mettre les pieds sous la table du Bertel des Laves, situé à l’autre extrémité de la commune.

Le Bertel des Laves se situe à Bois Blanc, petit quartier de Sainte-Rose, qu’on aurait dit un peu oublié ces dernières années. L’ouverture de l’antenne de ProVanille et celle du restaurant, presque en face, dynamisent un peu le lieu, où les cases semblent emmitouflées dans la verdure luxuriante.
Nous débarquons un « gros » dimanche post-cyclonique. La bâtisse en dur est assez grande et un peu froide aussi. Il manque de la déco pour réchauffer tout ça. Mais la terrasse à l’arrière est plus agréable. Nous nous y installons.

Au menu aujourd’hui, que de bonnes choses : Massalé Cabri, Rôti de porc, Cari coq la cour, canard fumé à la vanille, rougail saucisse et sauté de mines au poulet. Les prix s’étagent entre 12 et 18 euros. En plus, pour ceux qui déjeunent sur place : bol renversé, sautés de poulet, porc ou crevettes au chou de coco, aux légumes ou aux brèdes. Magrets de canard à l’ananas ou aux letchis. Nous demandons le coq, le rôti et le massalé, plus le rougail saucisses pour voir. Pas d’entrées.

Les saucisses du rougail ont la particularité d’être tranchées finement. Cinq ou six millimètres d’épaisseur. Surprenant pour ceux qui sont habitués à des portions plus épaisses, coupées à angle droit ou de travers. L’avantage est que les tranches ont parfaitement bu la sauce. Il en résulte une saveur agréable qui finit sur une finale un peu suave, équilibrée par le poivre de la saucisse. La mâche est certes moins ample qu’avec des tranches plus grosses, mais l’on peu ainsi en prendre deux ou trois à la fois.

Le massalé fait mieux encore. La viande garde un peu de tenue tout en gardant de la moelleusité. La poudre qui s’y colle est du genre assez puissante. Avec les feuilles de caloupilé, on est dans le registre du cabri de caractère, que le piment la pâte… cabri, sublime très bien. Nous avons mangé des massalés bien plus goûteux et complexes, mais largement plus qui étaient inintéressants. Celui-ci se situe dans une très bonne moyenne.

Le coq « la cour » n’a aucun mal à chanter dans notre assiette. Voilà de la belle viande ferme, toute imprégnée d’une sauce de cari peu étendue mais excellente, celle qui vous fait écarter les trous de nez quand vous arpentez la campagne au détour de la petite case d’une grand-mère surveillant sa marmite sur le feu de bois. Le léger fumet se déploie en bouche. Le chef a été si généreux que nous pouvons partager sans crainte de manquer. A la fin, un petit bout de peau luisant nous met à l’épreuve. C’est insoutenable. Hop ! Le moyen le plus efficace de se débarrasser d’une tentation est d’y céder.

Nous terminons par le cochon. C’est encore trop rare de déguster des rôtis dans les restaurants. Celui-ci est divin. Une jolie chair qui fond presque sous la dent, la peau qui colle juste ce qu’il fait avant de céder. Cette belle pellicule où subsiste quelques épices avec ces effluves roussies magnifiques, poussées jusqu’à la limite qui attache au fond de la marmite. Nous aurions bien vu ce rôti accompagné de quelques petites patates, et d’un rougail tomate arbuste bien pimenté.

A la place nous avons un rougail tomate classique, bon, mais trop salé. Un accident. Le riz est parfait. Il boit les sauces et fait de belles bouchées. Les grains blancs sont très corrects aussi.

Le dessert, un petit gâteau péi, est passablement compact. La boule de glace arrange l’affaire.
Le moelleux au chocolat est du même acabit. Un petit effort serait à faire pour améliorer tout ça.

Addition une soixantaine d’euros pour trois boissons, trois repas, deux desserts et deux café. Le rapport qualité prix est très bon.

Yannick Vienne touche sa bille. Le chef du Bertel des Laves a lancé son affaire peu avant l’arrivée du Covid et malgré cela, et des débuts hésitants (nous avions pris des barquettes), il a su faire de son restaurant une bonne adresse. Sa cuisine est maîtrisée, parfaitement exécutée, reste authentique et savoureuse. Le service est aimable et professionnel. Il ne manque au lieu qu’un peu plus d’attention au niveau du confort et de la décoration pour le rendre plus attractif. Une visite qui nous a assez contentés pour qu’on y revienne ! Bien d’autres adresses ont eu la fourchette d’or pour moins que ça.

La Roz i Dor ne doit pas s’assoupir

Aujourd’hui, nous retournons à Sainte-Rose, près du centre du village, à la Roz i Dor, récompensée dans le guide 45 d’une fourchette d’or méritée, l’année dernière, pour sa cuisine familiale, simple et goûteuse. Le restaurant nous a fait quelques frayeurs, étant fermé à chaque fois que nous passions devant… les week-ends. Une pancarte indique la fermeture le vendredi et samedi. Nous sommes vendredi, il est ouvert. Le patron nous fait part de la possibilité d’ouverture le dimanche, de nouveau. Cette hésitation dans les jours d’ouverture devrait (et devra) être réglée rapidement. La formule ne change pas : deux caris aujourd’hui. Poulet au gingembre et cassoulet péi. Nous dégusterons le second sur place et l’autre ira remplir une barquette pour plus tard. Il n’est pas encore midi. Les clients arrivent tout doucement. Nous prenons place en terrasse, le fond de l’air est rafraîchissant, surtout avec l’araucaria qui fait de l’ombre, abritant en même temps, deux tables de jardin en bois. Lequel jardin mériterait davantage de soins, pour bien faire.


Le “cassoulet péi” est présenté, nous attaquons. Dans l’assiette, un beau morceau de boucané et une
saucisse baignent dans la sauce avec les haricots rouges. Des charcuteries achetées chez l’artisan du
quartier. Leur couleur indique une fumaison prononcée et un passage en marmite appuyé, au moins
pour le boucané à la peau luisante. La saucisse, coupée, affiche un aspect spongieux, comme gonflée
de jus, mais se comporte convenablement en bouche. La texture plaira aux dentiers paresseux.
C’est du moulu fin. La saveur fumée est tout de même bien présente et relativement appétissante. Le boucané se défend mieux sur ce terrain. Sa texture montre une cuisson prolongée, qui semble avoir
été réalisée avant incorporation aux haricots qui n’ont pas trop pris le fumé. Ceux-ci sont bien cuits, sans aller dans le crémeux, ce qui donne de la mâche. Leur goût est correct. Le sel est maîtrisé.
L’ensemble se mange avec plaisir, mais une sélection plus rigoureuse des saucisses est à envisager pour améliorer le plat, pour autant qu’elles puissent être trouvées, bien sûr. Tant qu’à faire un cassoulet
“péi”, des saucisses battues seraient idéales.


Rien de spécial à dire sur le poulet. Sous sa jolie couleur dorée, la viande a un goût de poulet. Par
les temps qui courent, c’est déjà quelque chose. Les juliennes de gingembre lui donnent un relief gustatif
intéressant. Le plat est basique, mais efficace. Le riz est correct mais quelques grains ne sont pas
assez cuits. Du dessus de marmite probablement. La sauce de piment est très bonne. Sa claque acidulée
et parfumée, équilibrée en force, vient avantageusement relever le cassoulet.

Nous terminons le repas avec la tarte aux pommes du jour. Un vrai délice. Les textures de la pâte, de l’appareil et des morceaux de pommes composent en bouche des sensations jouissives. Le sucre, tenu en respect, laisse les saveurs de la pâtisserie se développer, portées par la cannelle vivifiante.
Un café coulé là dessus et nous réglons la somme de 22,80 euros pour une boisson, deux plats et un
dessert. Le rapport qualité-prix est bon.

La cuisine de la Roz i Dor est toujours bonne, dans l’ensemble. Mais nous ressentons comme une fatigue latente. Il est vrai que cette année n’a pas été idéale pour garder le moral et nombreux sont les restaurateurs à la même enseigne. La Roz i Dor était une des meilleures adresses du secteur, il faut faire en sorte qu’elle le reste. Proposer un plat de plus, ouvrir le dimanche pour les promeneurs et les touristes, quitte à fermer lundi et mardi, mettre un légume en accompagnement de manière systématique (brèdes, daube, sautés), tout cela pourrait redonner de la pêche le midi. Ce n’est pas la fréquentation qui doit faire la cuisine mais la cuisine qui doit faire la fréquentation. Et il faut répondre au téléphone !
Le restaurant « La Roz i Dor » est sélectionné pour le prochain guide, une nouvelle visite devra confirmer la note finale.

Coup de bol pour Piton Sainte-Rose

Nous retrouvons deux vieilles connaissances : le chef Jean-Philippe, décoincé de son cabanon des Orangers et heureux de l’être, et le citoyen Maugis, grand mufti de la pomme-en-l’air, actif défenseur du terroir réunionnais et des produits lontan à travers son association Ecologie Environnement, et dont le Bol Renversé est devenu le nouveau quartier général.

Samoussas aux brèdes chouchou

Le nom de l’établissement n’est pas choisi au hasard. Le bol renversé du père JP est en effet devenu une référence réunionnaise, adulé des connaisseurs pour sa qualité, demandé par les estomacs sans fond pour la quantité, recherché par les curieux qui en ont entendu parler comme une légende. Ce mets qui fait partie de notre culture culinaire au même titre que le riz cantonnais et le sauté de mines, est proposé sur une petite carte à part, c’est dire.

Nous débarquons avec une réservation faite le matin même. Il reste de la place mais de justesse. Un groupe de motards, estampillé d’une marque teutonne connue, va arriver.

Aujourd’hui, nous ne goûterons pas aux bols renversés, mais préférons le cari poulet au chou de coco et le cari ti jacques boucané.

En guise d’entrée, on nous propose les fameux samoussas aux brèdes chouchous qui nous ont régalés la fois précédente. Ils sont bien plus remplis que dans nos souvenirs, et toujours succulents. La pâte fine et croustillante, comme savent les faire les “zarabs”, laisse pleinement les brèdes fricassées s’exprimer, portées par un piment déluré.
Le bon punch coco, épais juste ce qu’il faut, arrose tout ça très bien, modérément bien sûr.

Les assiettes dressées ne tardent pas. Que dit le ti jacques ?

Ti jacques

Le Ti-Jacques dit qu’il est servi suffisamment pour ne pas laisser trop de place au boucané. Il dit que ce dernier lui a bien imbibé la chair hachée. Il dit que le boucané se la ramène aussi, avec son goût fumé un peu spécial, et appétissant. Il ajoute qu’en bouche il va offrir une belle moelleusité même si ça n’existe pas dans le dictionnaire, et sans être mouillé comme un mimite sous la pluie.
Et il ne ment pas ! Le bouchées sont non seulement moelleuses mais magnifiquement parfumées, même si, en ce qui nous concerne, on aime bien aussi quand il reste du croquant.

Poulet au chou de coco

Le poulet ne déçoit pas non plus.
Ce n’est déjà pas du poulet “de lo”, il est fier comme un coq, et ne rougit pas de la comparaison, avec une chair assez ferme, aux reflets violets dans la cuisse, qui a bien pris de la saveur de la sauce où remontent des éclats d’épices avec un joli curcuma en arrière plan. C’est du cari d’expert, où le choux de coco est très goûtu, tout autant que son cousin palmiste, voire davantage car il ne négocie pas avec la sauce, lui. Il revendique sa personnalité fraîche et croquante.

Le riz est très bon. Il donne de belles bouchées gourmandes, tout jauni du cari, avec des grains gonflés dans être collants. Nous boudons le rougail tomate, pas pour son goût, mais pour une envie de piment la pâte.
La petite salade à côté est fraîche et équilibre la générosité grasse des sauces avec son croquant. Un achard de légume coloré aurait été bienvenu à la place, mais cela aurait peut-être changé le tarif.

Nous terminons avec des desserts, cabosse de chocolat et chocolat moelleux, plus un café gourmand. Le moelleux est puissant, il enrobe la cavité buccale pour la mitrailler de sensations. La cabosse est une mousse sculptée, plus raffinée, et plus dangereuse aussi : on en veut encore !

Nous réglons l’addition : 96 euros, cafés compris pour trois personnes, soit 32 euros par tête. Le rapport qualité-prix est correct.

Jean-Philippe, le chef

L’équipe de l’ex-5 orangers n’a rien changé à ses habitudes. Toujours bon accueil, ainsi qu’une carte étudiée qui contente tous les goûts. Et toujours hélas une route bien droite où les moteurs et pots d’échappement se font bien entendre en terrasse ! Si les autorités compétentes pouvaient faire installer des ralentisseurs dans le coin, ça calmerait certaines ardeurs et réjouirait quelques tympans. Le principal, la cuisine du chef, ne change pas non plus sauf pour se bonifier. Quand on travaille dans de meilleures conditions, les résultats sont là : les assiettes, généreusement servies, sont dressées avec une belle démonstration de toutes les qualités de notre art culinaire, pour les touristes notamment, assez nombreux dans la zone. Un grand soin est toujours apporté aux desserts, ce qui est quand même assez rare par ailleurs pour être noté.
Que manque-t-il au Bol Renversé ? Un décor intérieur plus accueillant ? L’équipe vient d’entrer dans les murs, laissons lui le temps. François Maugis pourrait y installer une treille de pomme-en-l’air, pourquoi pas ! A part ça, on ne voit pas bien quoi souhaiter de plus qu’une belle longévité et une constance dans la qualité sur le long terme, qui construit la réputation d’un restaurant.
Si vous voulez mettre les pieds sous la table du Bol Renversé, n’attendez pas d’en avoir, du bol, réservez plutôt, nous vous le conseillons fortement.

Le Corail

Aujourd’hui nous prenons la route en direction de Piton-Sainte-Rose où à 200 mètres de l’église de Notre-Dame-des-Laves, le restaurant Le Corail propose une cuisine « tradition kréol » avec « saveurs d’antan ». Il n’en faut pas plus que que nous décidions d’y mettre le nez, et le reste.

L’établissement consiste en une terrasse agréable, abritée, d’une quarantaine de couverts, adossée à une boutique à touristes dans le genre de celles qu’on peut voir dans l’Ouest, proposant à la vente cartes postales, savates deux doigts, divers piments confits et autres babioles. Une jolie collection de rhums arrangés est également exposée et offerte à la dégustation. En revanche la route est très proche, et les véhicules bruyants qui y circulent deviennent vite insupportables.

La carte est essentiellement créole, avec quelques plats métros. Les rougails traditionnels sont là, les caris aussi, avec deux ou trois plats moins courants comme le canard à la vanille et les pieds de porc flambés au Cognac. En suggestion du chef, du porc caramel, mais nous décidons de nous en tenir au menu du jour, avec un cari zourite et un boucané bringelles.

Pas d’entrées. L’apéritif est suivi très vite des plats, servis à l’assiette, et fort joliment d’ailleurs. Nous attaquons sans tambours ni trompettes. 

Le boucané-bringelles présente plûtot bien. Le légume à la teinte verte est quasi en purée, avec quelques morceaux de peau par-ci par-là, entourant peu de boucané. C’est plûtot un bringelles-boucané on va dire. En bouche la bringelle est discrète. Cela conviendrait parfaitement à ceux qui fuient l’arôme particulièrement prononcé de certaines variétés de ce légume. Souci : le boucané suit le même chemin, tout en étant trop cuit. Les morceaux n’ont aucune espèce de consistance. Dans l’ensemble le plat est correct, mais manque singulièrement de fumet.

Le zourite est un cran en dessous. Le céphalopode, du surgelé bien entendu, est bien cuit. Pas de sensation caoutchouteuse sous la dent, mais ses saveurs sont aux abonnés absents. Seule la sauce bien poivrée donne un soupçon d’intérêt au plat qui de toute façon est beaucoup trop salé. Du sel pour cacher l’ennui sans doute. Seul le rougail zoignons sauve un peu l’affaire assisté par des grains blancs de conserve pas trop mauvais. La maigre salade posée là en guise de garniture est elle aussi trop assaisonnée et trop salée.

Bref, déjà qu’en regardant les tarifs affichés nous nous sentions pousser des plumes, vu la qualité globale des plats, nous commençons maintenant à roucouler. Ce n’est pas le dessert, un gâteau de 

patate douce, qui nous fera changer d’avis. Ce gâteau servi chaud est du « comblage » sans goût ni sentiment. La patate est passée au mixeur apparemment, avant le frigo, avec un coulis caramélisé aux humeurs de confiture de papaye, pathétique tentative pour sauver la face.

Nous partons en réglant l’addition : 41 euros tout compris, avec l’apéro, soit plus de 20 euros par tête de touriste. Franchement cher au regard de ce que nous avons dégusté.

Créer une boutique dans le genre balnéaire dans un endroit pareil, après tout pourquoi pas. Lui adjoindre un restaurant en communiquant sur des plats « kréol » de « tradition » est une bonne idée, encore faut-il que cela se vérifie dans les faits. Or c’est survendu, si nous nous fions à ce que nous avons mangé ce jour. De la tradition créole pour le visiteur étranger ignorant ça oui, qui va acheter des souvenirs et avoir l’impression de manger authentique. En ce qui nous concerne, nous avons plutôt l’impression d’être tombés dans un piège à touristes. 15 euros le cari zourite tout-venant, 17 euros le cabri massalé… des prix un peu exagérés pour une qualité globale moyenne bien loin des promesses affichées. Résultat logique : peut mieux faire.  Fourchette en inox.

Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : très bien
Service : bien • Qualité des plats : moyens
Impression globale : moyen et cher
Fourchette en inox

Le Poisson Rouge

[Visite de décembre 2012]

Samedi du côté de l’Est, sous un soleil de plomb. Nous roulons au hasard des restaurants et deux nous refusent pour cause de dîner dansant. Nous finissons par atterrir au Poisson Rouge, à Sainte-Rose, une institution s’il en est, connue de plusieurs générations de gastronomes du dimanche.

L’endroit est au frais, sous l’épaisse verdure de son jardin. Sur la route, les plats à emporter défilent. En contrebas, une demi-douzaine de tables attendent les clients sous les arbres. Nous préférons nous installer à l’intérieur de la grande salle équipée pour les soirées dansantes, elle aussi, toute ventilée de ses nombreux nacos. Les lieux accusent le poids des ans, mais demeurent propres et bien tenus.

Nous sommes accueillis à la bonne franquette par un sympathique monsieur qui nous place sur une table et nous dépose la carte. Celle-ci propose divers plats chinois traditionnels plus des grillades de viande et de poisson. Nous penchons davantage pour les deux plats créoles au menu du jour : un cari de poisson et un rougail boucané. Nous décidons pour commencer de tester les nems, par portion de quatre, et la salade exotique. Un punch maison plus tard, les entrées arrivent et la salade siffle le début du match. Notre hôte débarque alors avec de la vinaigrette « pour le cas où ce ne serait pas assez assaisonné ». A la vue du palmiste hâché menu de la composition, on a envie de lui crier « halte-là malheureux ! ». Et bien sûr le palmiste a déjà un goût de citron, et par-dessus le marché il est coupé vraiment trop fin pour pouvoir nous faire apprécier un quelconque arôme. Seul demeure son croquant, qui accompagne la salade verte et l’ananas. Ce dernier est mûr juste ce qu’il faut, avec un bon équilibre acide-sucré. Tout l’ensemble est très frais et agréable par ces chaleurs. Les nems pour leur part sont très réussies. Molles dedans, craquantes dehors, nous les badigeonnons du piment chinois servi avec et leur saveur nous envahit les sinus, en nous arrachant une larme.

La première mi-temps se poursuit avec le boucané, qui mettra, avec son remplaçant poisson, un peu de temps à arriver. Foin de circonlocutions désagréables, disons-le franchement, le boucané n’est pas bon. Comment le qualifier autrement quand celui-ci, un peu trop gras, mou du genou, baigne dans une sauce où l’oignon exerce une dictature sans faiblesse, et où le sel est un peu trop présent ? De la viande standard en plus, pas vilaine au nez, mais trop banale au palais.

Deuxième mi-temps. Le boucané part sur le banc de touche, remplacé par le poisson, qui nous fera un match plus offensif. « Nous sommes en panne de poisson rouge et de gueule rouge » nous dit l’aubergiste en substance qui nous emmène à la place un mérou un peu pâlot. Mais s’il manque de couleur, l’animal s’avère bien préparé et très goûtu. La sauce est bien dosée en sel et en piment, et l’on y perçoit de loin la saveur tonique du gingembre qui se cache derrière celle, plus franche, de l’ail chinois. La chair n’est pas aussi fine que celle du roi des poissons locaux, loin s’en faut, et légèrement trop cuite, vu son comportement sous la fourchette, mais ce n’est pas dramatique. Le tout tient la route et nous contente amplement, d’autant que les rougails tomate et citron étaient très corrects et que les haricots, bien parfumés en thym, ont assuré.

C’est le dessert qui marquera le but aux arrêts de jeu. Du gâteau ti son, joliment présenté avec du chocolat, de la chantilly et une pointe de confiture de papaye maison, qui en a dans le maillot ! D’ordinaire sec et étouffe-chrétien, le gâteau ti son est ici moelleux et tendre à souhait, avec un bon goût de beurre qui fait merveille marié au chocolat. L’homme nous donne le secret de ce moelleux, mais nous ne le dévoilerons pas ici, vous le lui demanderez vous-même, en réclamant les pâtisseries de « tatie Yvette », parmi lesquelles on compte aussi le gâteau de patate douce et le gâteau de bananes aux raisins.
Fin du match. Le score est à 58 euros hors boissons pour deux personnes. Un brin cher.

Le Poisson Rouge est un vieux de la vieille de la restauration créole. Si nous nous fions aux nombreux témoignages que nous avons reçu, il aurait baissé en qualité. Nous préférons nous fier à notre présent ressenti après ce repas : c’était globalement bon, mais il y aurait encore des progrès à faire. Les plats nous semblent exécutés à la va-vite, pour satisfaire la demande importante côté route. En revanche les produits ont l’air d’être frais, et pas trop mal travaillés. Le désastreux rougail boucané a bien failli faire basculer la note vers la fourchette en inox. Le poisson seul n’a pas suffit à faire pencher la balance, heureusement que le dessert était là pour le « but en or » ! Verdict : une fourchette en argent, sur le fil.

Pour résumer :
Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : bien
Service : correct • Qualité des plats : bons dans l’ensemble
Notre impression globale : Bonne table
Fourchette en argent

L’Anse des cascades

[visite en juillet 2011]

Aujourd’hui nous nous sommes arrêtés à l’Anse des Cascades, afin d’y tester le restaurant du même nom, niché dans ce creux de verdure de la côte Est prisé des touristes et des pique-niqueurs patentés. L’établissement a été refait à neuf et n’a plus rien à voir avec l’épouvantable boui-boui qui vendait des bouchons suspects, il y a quelques années encore. La salle, spacieuse, lumineuse et confortable est recouverte par une structure de poutres en carrousel non dénué d’intérêt.

Lumineux aussi les sourires qui nous accueillent. Nous nous installons à côté de la baie vitrée afin de profiter un maximum du panorama. La carte qu’on vient de nous déposer fait la part belle aux produits de la mer : langoustes, camarons, crevettes et poissons. On y trouve également quelques shop-suey. Au menu ce jour : un cari de vivaneau qui fera bien l’affaire, précédé d’un gratin de papaye au saumon. Nous commandons aussi un cari Ti-jacques boucané et une salade de palmistes frais.

Pour éveiller nos sens, nous demandons le punch maison. Le breuvage, un planteur amélioré, est délicieux, léger, et servi frais comme il convient. Le temps que les plats arrivent, nous goûtons à la quiétude de cet endroit magique. Et voici les entrées. La salade de palmiste est copieuse, les minces lamelles reposent sur un lit de laitue et sont accompagnées, à part, d’une sympathique sauce blanche au citron. Vous avez le choix du dosage. Le palmiste ne s’en porte que mieux, tant au niveau de sa texture, qu’à celui de son parfum, si délicat. Le gratin de papaye est structuré en épisodes : le fromage, d’abord, qui en impose. Le saumon, ensuite, qui communique sa saveur à la sauce onctueuse. La papaye enfin, qui, bien que coupée un peu trop finement, tire quand même son épingle du jeu en affirmant sa personnalité typique que l’on retrouve dans les confitures, tout en laissant une très légère amertume en finale. Plats nettoyés. Place à la suite.
C’est service à l’assiette. Très bon point pour la déco, mais les quantités semblent un peu justes. Pure illusion d’optique : en fait les proportions sont correctes. Nous mélangeons un peu de riz à de la sauce ducari de vivaneau, portons le tout en bouche et un ange passe… vous entendez ? Vous sentez ces effluves d’iode et cet air du large qui vient caresser la grande cocoteraie qui murmure, là, au-dehors ? Clignant des yeux, nous rajoutons au mélange un peu de chair du poisson et le rougail de courgettes. Mais pourquoi trouve-lui-t-on un arrière goût de margoze ? Peu importe… cela magnifie encore la symphonie gustative. Par-dessus le marché, à notre agréable surprise, on nous a demandé si on voulait du piment dans le cari, et à quelle dose. Quelle délicatesse ! C’est rare. Et comment qu’on en veut du piment ! Et il affirme bien sa présence, le bougre, mais tout en relevant sans méchanceté les sensations que nous procure le cari, comme le vent soulève la houle qui chante au-dehors. Et ce n’était « que » du vivaneau, on vous laisse deviner ce que doit donner le poisson rouge !
A côté, le boucané Ti-Jacques n’est pas en reste. Le fruit vert, très finement haché, accompagne une viande pas grasse du tout et nous emmène dans ces vieilles cuisines au feu de bois « lontan », au fond de la cour, qui sentaient le canard fumé aux feuilles de mangue, la cendre chaude, et le bois fraîchement coupé. Le tout est tendre sous la dent, même le boucané maigre, qui en fin de compte capitule très vite. Nous sommes repus quand les desserts débarquent. Une banane flambée et une crème brûlée, très bonnes, viennent clore la rêverie. Addition : 51 euros et des molécules, pour deux personnes (apéritifs, entrées, plats et desserts). Autant dire très très correct en regard de la qualité des mets.
L’anse des cascades est indéniablement un établissement à fréquenter. Non seulement l’endroit est magique et reposant, mais en plus on nous y gratifie d’une cuisine très fine et goûteuse comme il sied à tout ce qui touche à l’art culinaire des produits de la mer. A l’instar de la Marmite, il y a quelques semaines, il n’est pas difficile de deviner que c’est la passion du métier qui anime ceux qui s’activent derrière, aux fourneaux. Le registre n’est pas le même, la manière non plus, mais alors les enfants, qu’est-ce qu’on y mange bien ! Preuve en est que la diversité des recettes et des « coups de main » est une grande richesse de notre gastronomie. Conséquemment, nous adressons à l’Anse de cascade une très méritée fourchette en or.

Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : très bien • Plats : excellents • Service : bien • Rapport qualité/prix : sympa
Notre impression globale : excellente table
Fourchette en or