Un bon départ pour O’ Tipikement Kreol

O Tipikement Kréol est nouveau sur Hell-Bourg. Nous l’avions repéré voici quelques temps, surplombant les deux tournants garnis de platanes juste avant d’arriver au village de Hell-Bourg. L’accès se fait par le premier carrefour un peu plus haut.

Un vaste espace vert jouxte de bâtiment sur pilotis en pierres. La salle et la terrasse, aménagée de mobilier d’extérieur et de parasols jaunes, peuvent accueillir une bonne soixantaine de personnes au total. Nous arrivons les premiers, bien accueillis, et choisissons une table à l’extérieur pour profiter du beau temps. La serveuse nous ramène les panneaux où sont inscrits les boissons et le menu du jour. Un caloupilé qui est devenu caloupillée… Si on commence à piller les calous maintenant, où va-t-on ?

Un gratin de chouchou et palmiste frais en entrée, quatre plats principaux au choix : cari daurade au caloupilé (donc), un sauté de poulet chouchou et brèdes, un rougail saucisses et un riz chauffé au curcuma, porc ou végé. Salade frite et poulet croustillant ou gratin de chouchou ferment la marche. Nous prenons la formule du jour, entrée, plat, dessert et café à 25 euros. Un excellent cocktail de fruit frais légèrement alcoolisé nous désaltère. Mais la paille est trop petite pour la hauteur du verre. Dans ces cas-là, autant ne pas proposer de paille du tout.

Le gratin nous met bien. Si la sauce paraît un peu plus fluide qu’attendue, elle enrobe tout de même les morceaux de chouchous et de palmistes, dont le croquant préservé a le dont de mettre leur goût respectif à l’honneur. Bémol : le palmiste aurait peut-être mérité un peu de cuisson supplémentaire, certains morceaux montrent qu’ils existent, comme chantait France. Le fromage joue son rôle et fouette tout ça. Le gratin est vite fini.

Le sauté de poulet est satisfaisant, même s’il baigne un peu dans une sauce claire. Le chouchou, c’est beaucoup d’eau. Pour autant, les tranches de légumes n’ont pas trop souffert de cette humidité gustativement parlant, pas plus que les carottes. Et les (rares) brèdes non plus d’ailleurs. Quand on prend la peine de baptiser un plat avec le nom d’un ingrédient, la moindre des choses est de faire en sorte que ce dernier soit visible, et pas à l’état de molécule. Le poulet lui-même a du goût, dont le ton est clairement asiatique. L’ensemble se mange sans effort ni grimace, et se digère tout seul.

Nous attendons le rougail saucisse au tournant, sachant que notre expérience passée dans d’autres établissements a été rarement concluante, pour cause de saucisses exécrables. Celles-ci sont très bonnes. Des saucisses battues, visiblement, vu la mâche qui n’est pas molle pour les molaires. L’assaisonnement est équilibré, avec des sel et poivre maîtrisés et une jolie saveur de cochon qui ne s’en dédit pas. Renseignement pris, les saucisses proviennent du charcutier du centre du village, qui a l’heur de fournir d’autres établissements du coin. Quand c’est bon, c’est bon ! En voilà un qui sera visité pour le prochain concours de la saucisse d’or. Le rougail est conséquemment savoureux, avec une sauce tomate odorante relevée par les oignons verts.

Le riz est bien cuit, même si les grains sont un peu indisciplinés. Le petit hachard en accompagnement est très bon. Il va mieux avec les saucisses qu’avec le sauté d’ailleurs.

Deux desserts viennent terminer le repas sur une note de plaisir. Glace artisanale, vanille ou goyavier, ou bien une coupe de fruits frais où nous avons le bonheur de voir deux letchis, un demi fruit de la passion et de la mangue josée. C’est si rare de voir des fruits de saison dans les restaurants créoles que cela mérite un bon point.

Bilan de l’opération, une soixantaine d’euros pour deux personnes tout compris, soit trente par tête. Le rapport qualité prix est acceptable.

Si le restaurant O Tipikement Kréol est nouveau, son chef n’est pas un bleu. Billy Benoit a en effet fait chanter les marmites dans le gîte Le Tableau d’Hell-Bourg. Nos premières impressions sont clairement bonnes, mis à part quelques détails aisément corrigeables, et qu’on imputera à la période de « rodage » de l’établissement. Le chef en a encore sous la pédale, et il a tous les atouts pour surprendre son monde. Le cadre offre déjà un avantage que les restaurants du village n’ont pas : un espace verdoyant où l’on peut se garer aisément, même si des aménagements donneraient plus de cachet au lieu. Billy a devant lui un boulevard, car aucun restaurant du village ne sort pour l’instant du lot. Ils oscillent entre le très moyen et le bon sans éclat. Courir à la facilité en proposant aux touristes ignorants de notre cuisine créole traditionnelle des plats réalisés à la va-vite avec des produits bas de gamme est peut-être un bon calcul économique, mais la destination finale reste la médiocrité et la perte progressive du goût. Les remontées de nos antennes au sujet d’établissements jadis bien notés ne sont pas bons. O’Tipikement Kréol, à vous de jouer !

La Cascade Blanche, l’adresse touristique…

La Cascade Blanche jouit d’un bel emplacement juste à côté du pont de l’Escalier sur la route de Salazie. Un emplacement un peu délaissé par les services communaux, visiblement, si l’on en juge par la hauteur des herbes et l’état de délabrement des kiosques. C’est sans doute un nouveau concept touristique : le « moisi authentique ». Notre dernière visite date des débuts de la rubrique, en 2011. Une fourchette en argent fut attribuée. Il est plus que temps de faire une mise à jour, pour voir si ce restaurant de cuisine réunionnaise mérite une sélection dans la liste des meilleures adresses.

undefinedNous débarquons peu avant midi, il n’y a pas encore grand monde en ce jour de semaine. Nous choisissons notre table et l’on nous apporte la carte des boissons, et le menu où trois entrées sont suivies par deux salades et 16 plats, dont du cari de langouste, du magret de canard sauce miel, un rougail zandouille, un canard à la vanille et de la dorade grillée, entre autres. 16 plats. Tout ça, oui.

Nous optons pour un civet la patte-cochon et de la morue chouchou margoze. L’attente est courte. Nous avons juste le temps d’apprécier les cocktails sans alcool. Ou bien les caris ont été cuits depuis très tôt le matin, ou bien la cuisson n’est pas du jour et les plats sortent plutôt du congélateur. Le service est à l’assiette, et les quantités sont généreuses.

undefinedLe civet la patte présente une jolie couleur lustrée, tirant sur le marron foncé. Le premier coup de dents révèle une chair tendre et bien cuite. Et puis c’est tout. En effet, gustativement parlant, nous avons droit à un girofle tyrannique auquel résiste difficilement les saveurs du pauvre porc, réfugiées par-ci par-là au coin des os, ou dans la sauce épaisse où les épices et la tomate ont bien compoté. C’est du civet de girofle à la patte-cochon.

undefinedLa morue fait un peu mieux, bien que le plat soit davantage mouillé que sec, au contraire de ce que nous a déclaré la serveuse.
Nous nous attendions à de la morue frite, émiettée comme il faut, avec des oignons émincés, toute enrobée d’une pellicule de sauce légèrement grasse réduite à son minimum, accompagnée de juliennes de chouchou encore fermes et de margoze croquante qui distribue avec finesse son amertume fraîche dont la morue profite largement dans un plat correctement exécuté. A la place nous avons droit à de la morue émiettée avec les pieds, qui baigne dans un fond de sauce liquide où la margoze et le chouchou trop cuits se font fouetter par un gingembre autoritaire. C’est mangeable, certes, mais ça ne ressemble à rien.

Le riz est insignifiant. Du bas de gamme avec des brisures et des grains secs. Le rougail fait son travail sans zèle. Les lentilles sont en revanche assez crémeuses et généreuses en saveur. Le petit achard de légumes en juliennes épaisses est très bon et croquant, il apporte une touche de fraîcheur aux deux caris.

Les onze desserts sont assez classiques : gâteau chouchou, gâteau banane, crème brûlée, tarte tatin… Nous terminons par une mousse au chocolat assez bonne, et qui a la courtoisie de ne pas être compacte.

L’addition grimpe à 56,50 euros soit 28 euros et des miettes de morue par personne pour deux boissons, deux plats, un dessert et un café. Le rapport quantité prix est correct. Le rapport qualité prix est mauvais. Heureusement que nous avons fait l’impasse sur les « tapas », facturés à 18 euros pour 20 pièces.

La Cascade Blanche, nonobstant un environnement dont la mairie de Salazie semble se foutre comme de l’an quarante, présente bien. Case en tôle, salle décorée et habillée façon ambiance authentique agréable aux touristes, tout est fait pour que les visiteurs se sentent à l’aise. La cuisine se veut authentique, à des tarifs… touristiques justement. Pour l’instant les touristes ne sont pas encore revenus. Il serait bon, peut-être, d’ajuster prix et qualité pour faire en sorte qu’à leur retour ils ne se sentent pas les dindons de la farce, ou des pigeons… voyageurs. Car sait-on jamais, ils pourraient être accompagnés d’un(e) Réunionnais(e) qui, elle ou lui, a l’habitude de manger des bons caris, et qui va trouver le menu de la Cascade Blanche un peu cher pour ce que c’est.
Quelques cuistots devraient se rappeler que la cuisine réunionnaise, c’est autre chose que des produits cuisinés à la va-vite et maquillés à grand renfort de girofle ou de gingembre, comme s’il fallait en écouler dans l’urgence le surplus.
Nous avons bien conscience que par les temps qui courent, les critiques négatives des restaurants ne sont pas politiquement correctes (si tant est qu’elles le fussent un jour), mais il ne faut tout de même pas trop pousser mère-grand dans les galaberts.

La présente critique a été réalisée sur la foi de la dégustation du jeudi 2 juillet 2020. Cette critique est subjective par nature et ne prétend pas constituer une vérité absolue et définitive concernant la qualité des plats et du service de ce jour, ni des jours suivants. Nous certifions n’avoir aucun lien avec les responsables de ce restaurant ni aucun intérêt à donner une bonne ou une mauvaise appréciation. Dans tous les cas, les personnes concernées bénéficient d’un droit de réponse. Nous vous invitons à tester vous-mêmes ce restaurant et à vous faire votre propre opinion.

Chez Alice

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Nous voilà de retour dans le Bourg du gouverneur Hell, classé parmi les plus beaux villages de France, pour mettre (de nouveau) les pieds sous la table de Chez Alice. Notre dernière visite date de juin 2012, le restaurant avait obtenu une fourchette en argent de justesse. Il est grand temps de faire une mise à jour de fourchette.

Le restaurant n’a pas bougé de la rue des Sangliers, accueillant, avec son ambiance chalet, les fenêtres à carreaux, les tables et chaises en bois, et la soixantaine de couverts sur nappe de la salle principale, sans compter les quelques tables à l’extérieur, proche de l’entrée, au milieu des plantes. Tout est est propre, seuls les sets de table estampillés à la marque du brasseur historique mériteraient de prendre leur retraite. Si le brasseur nous lit… 

La carte propose toujours des plats créoles classiques, au nombre de dix, dont le plus original est le porc à l’ananas. Pour changer des caris, entrecôte, magret de canard, omelette et truites sont les autres choix possibles. Une carte à rallonge, comme avant… Le menu du jour, quant à lui, est affiché à 22 euros, entrée, plat et dessert. Nous y piochons un cari de porc pomme de terre et une truite à la sauce cresson, accompagnée au choix de frites, légumes et/ou riz. Nous laissons le riz.

Un ti punch savoureux avec tranche de citron vert nous réveille les papilles.

IMG_5613Nous entamons le repas avec un gratin de chouchou, quasi obligatoire dans le cirque. Nonobstant le fait de sacrifier à une tradition culinaire, le but est aussi de comparer avec le gratin que nous goûtâmes en 2012. Ce dernier était une exposition du chouchou en compétition de natation, dans son propre jus, avec une béchamel misérable. Ce gratin-ci est plus présentable. Un sel bien dosé donne l’opportunité au chouchou qui résiste de prouver qu’il existe, tout emberlificoté d’une béchamel plus épaisse que la fois précédente, avec un fromage assez sage pour préserver la saveur délicate de la christophine. Les gratins sont sifflés. Les plats suivent.

IMG_5615Le cari de porc est mangeable. Les morceaux suintent comme il faut des odeurs d’épices de la marmite, qui peinent quand même à masquer cet arrière goût connu, un peu fort, des morceaux de cochon claustrophobe où refluent des relents d’enclos sale. La viande, souple, a quand même la politesse de comporter assez de gras pour donner au cari une tournure gourmande sans tomber dans l’excès.  Les morceaux de pomme de terre sont légèrement trop cuits (et trop gros) à notre goût, avec une pellicule farineuse heureusement limitée.

IMG_5621La truite débarque accompagnée de frites et de légumes, pour changer du riz. Le poisson est enduit de la sauce au cresson, mais les légumes trempent dans une autre sauce de couleur foncée. Qu’est-ce donc ?  Il s’avère que nous avons là quelques légumes sautés, encore croquants, comme rescapés d’un karay à shop-suey. Effectivement, la sauce épaisse, tirant sur le gluant, donne dans les parfums chinois.  En soi, les légumes sont plutôt bons, mais la sauce puissante oblitère totalement celle au cresson qui accompagne la truite. Nous nous attendions simplement à un sauté de légume standard, quitte à ce qu’ils trempent dans la même sauce que le poisson. Voilà un mélange des genres étrange. D’ordinaire nous ne sommes pas contre les innovations, mais ici on tombe un peu dans le n’importe quoi. La truite, pour sa part, dégustée tel quel, est assez bonne. La chair fondante est dépourvue de tout relent de vase comme c’est parfois le cas, et se marie bien avec la sauce au cresson, bien que celle-ci manque de punch. 

Le riz, grain long, qui accompagne de cari de porc, est convenablement cuit. Les grains blancs sont parfaits. Le rougail tomate quelconque et la sauce de piments écrasés, qui ont passablement confit, sont trop salés.

Les desserts consistent en une part de gâteau au coco et une glace vanille accompagnée de rhum et raisin secs. Le gâteau est aérien, léger et parfumé. Pas de sucre surnuméraire pour venir tuer le coco comme un Bounty. La glace est succulente, toute réveillée de la claque de l’alcool et des raisins. L’addition se monte à 54,60 euros pour deux menus, deux boissons et deux cafés « coulés ». Le rapport qualité prix est perfectible.

Peut-être avons nous mal choisi notre plat. Comment aurions nous pu nous douter qu’un shop-suey de légumes accompagnerait la truite. Nous qui pensions nous délecter du poisson avec des saveurs subtiles, travaillées et toute en nuances qui l’auraient magnifié. Toutes nos illusions sont détruites.  Heureusement que le reste tient à peu près la route, mais nous nous laissons dire, encore une fois, qu’il faudrait abandonner ce vieux concept antédiluvien de la carte à rallonge pour retrouver des plats plus aboutis et mieux travaillés, tels que les touristes sont en droit d’attendre. Pourquoi continuer à proposer quotidiennement la même longue liste de caris cuisinés à la chaîne ? Par tradition ? La tradition est indispensable, mais il convient de la garder intacte dans le goût, pas dans le nombre de plats. La qualité d’abord.  Nous partons de Chez Alice avec un sentiment mitigé. La cuisine y est banale, sans éclats. On attend davantage de ce genre d’établissement, qui est en première ligne du tourisme réunionnais, surtout dans le petit paradis  d’Hell-Bourg. Il faut se réveiller. La fourchette en inox s’impose.

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Finox
Pour résumer. 
Accueil : moyen • Cadre : très bien • Présentation des plats : très moyen
• Service : bien • Qualité des plats : moyen • Rapport qualité-prix : perfectibleImpression globale : table moyenne

Fourchette en inox

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Le Relais des cimes

P1000268En tout début de cette année, nous avions testé le Ptit Chouchou, à Hell Bourg. Aujourd’hui, c’est un autre restaurant de ce charmant village du cirque de Salazie que nous visitons : celui du Relais des Cimes, seul hôtel de Hell-Bourg depuis des lustres, en attendant la résurrection de feu l’hôtel des Salazes, qui est l’arlésienne en cours dans le paysage touristique de l’Est.

Nous mettons les pieds sous une table propre et bien dressée, dans une belle salle à la décoration sobre très accueillante. Sourire de bienvenue et accueil professionnel, le personnel est aux petits soins.
Tout en dégustant un cocktail de fruits frais, largement ananassé, nous compulsons la très riche carte composées des grands classiques de la cuisine créole, mais aussi de plats moins ordinaires, qui proposent des produits du terroir local, comme la « Truite grillée sauce cresson » ou « truite à la vanille flambée au rhum », ou la « pintade rôtie aux pêches et goyavier ». Un « romazava » et un « ravin’toto » se joignent à la compagnie, chose assez rare. Dans nos pérégrinations, nous n’avons vu ce premier plat qu’à la carte du Roland Garros à Saint-Denis. Mais nous nous laisserons plutôt tenter par un bon vieux cari la patte cochon et un rougail zandouille. Le dernier que nous ayons dégusté, au Jardin des Délices au Baril, était fameux. Voyons si celui-ci fait mieux.
Auparavant, goûtons voir à la « Salade Salazienne », de cresson et de foie de volaille, et un incontournable du cirque : le gratin de chouchou.

Le cresson est jeune et croquant, tout frais, il sent presque la rosée. Une fraîcheur exhalée avec sa saveur inimitable, et à la force raisonnable, qui n’éteint aucunement le beau fumet du velouté foie de volaille. Le mariage des deux produits est connu et apprécié des brouteurs de cresson dont nous sommes.
Le gratin quant à lui est conforme aux canons du genre. Le fromage fondu délivre un sel ajusté dans une béchamel présente mais non envahissante qui laisse s’exprimer le roi chouchou. Ce dernier est fondant, parfumé, délicat, magnifique.

Les assiettes sont débarrassées rapidement, et les plats de résistance les remplacent.

La patte cochon présente bien. Bien cuite, peau et chair se détachent facilement des gros os et se mélangent agréablement en bouche, enrobées d’une sauce au gras maîtrisé. En revanche nous trouvons l’affaire un peu pâlotte à la vue. Et les sensations gustatives aussi. Ça manque d’épices. Nous aurions souhaité un ail moins timide, par exemple. Rien de rédhibitoire pour autant puisque le plat est sifflé.

L’andouille est allongée en tranches d’un peu moins d’un centimètre, et nous emballe d’entrée par ses effluves poivrées. A vue de nez, il y a parité entre la viande et le gras. Une viande parfaite, qui ne laisse pas de filasses sous la dent, et des morceaux de gras expressifs mais qui ne jouent pas les dictateurs. Le tout emballé dans une belle sauce de tomates mûres. Le plat est excellent. La charcuterie a bénéficié d’une préparation étudiée qui l’a débarrassée de son sel surnuméraire et en a laissé juste assez pour soutenir sa saveur musquée.

Les plats repartent vides, laissant notre contentement plein.

Il reste une petite place pour le dessert. Un gâteau de patate douce à la vanille. Ce sera la vraie déception du repas. Non pas tant à cause du goût mais plutôt de la texture. Une fois de plus, les bouchées sont denses et lourdes, et ce n’est pas le petit flanc chocolaté en accompagnement qui y change quoi que ce soit. Le dessert aurait mérité un peu plus de préparation et de présentation, et c’est bien celle-ci qui a péché tout du long. Rien n’est fait pour habiller les plats et les rendre agréables à l’œil. La présentation basique des caris, dans un restaurant comme celui-là, ne devrait plus être la norme. Sans aller jusqu’à transformer les plats en œuvre d’art, quelques petites touches de décoration ne seraient pas de trop, comme par exemple un léger habillage de l’assiette, tel que nous l’avons vu la semaine dernière au « Ptit Zinc ».

Addition : une soixantaine d’euros pour deux personnes, tout compris. Le rapport qualité-prix est assez correct.

Le Relais des Cimes à Hell-Bourg a été mis en gérance par son propriétaire, mais en cuisine, c’est Gilbert Elisabeth qui œuvre. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il nous a régalé aujourd’hui. Même si certains détails sont à améliorer. Voilà de la bien belle cuisine créole, goûteuse, respectueuse de la tradition et aussi inventive avec des plats qui sortent de l’ordinaire. L’accueil et le service sont satisfaisants, en dépit de quelques petits écarts comme l’eau non proposée et oubliée.

Ce vieil établissement a donc encore de sérieux atouts et, culinairement en tout cas, représente bien notre île auprès des touristes. Tout cela lui vaut, aujourd’hui, une très belle fourchette en argent.

 
Pour résumer : 
Accueil : Très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : aucune
Service : bien • Qualité des plats : très bons • Rapport qualité-prix : bon.
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent

Le Ti’Chouchou

P1080073Aujourd’hui, par un temps plus qu’humide à ragaillardir une treille de chouchous, nous montons au bourg du gouverneur Hell, poser nos séants à la table du Ti chouchou, restaurant situé dans le carré touristique du village, où fleurissent les boutiques de souvenirs pour nos visiteurs d’outre-océan. L’établissement a ses quartiers depuis des lustres dans une case créole bien conservée et offre le confort honnête d’une salle décorée simplement, et d’une terrasse à l’arrière pour profiter du bon air, pour un total de plus de 70 couverts. Nous sommes accueillis poliment. Nous nous trouvons une table nous-même. Il est encore tôt.

A la carte, diverses formules s’articulent autour des plats du jour créoles, avec des entrées ou des assortiments de fritures diverses. Des « variantes » sont également au programme, comme des entrecôtes, un cari de grosses crevettes, et plusieurs accommodements de truites (meunière, au gingembre, à la crème de cresson).

Nous commandons le menu à 22 euros, assortiment créole inclus, avec un rougail boucané bringelles comme plat, plus un gratin de chouchou et  un cari de poulet, ainsi qu’un menu enfant.

Ce dernier arrive quasi immédiatement après les apéritifs (punch maison et cocktail de fruits frais, assez bons). Bonne surprise. En effet, le Ti chouchou peut vous arranger autre chose que le sempiternel steak haché – frites. Un « petit » rougail saucisse est ainsi servi, avec des saucisses pour le moins goûteuses, et nous attendons la suite avec impatience.

Nous aurions dû choisir les poissons. Toutes nos illusions seront détruites.

L’assortiment de créolités consiste en trois beignets, chouchou, capucine et cresson, avec un samoussa (pas deux, un !), un morceau de boudin et une salade de chouchou. Pas de surprise hélas concernant les beignets. à l’instar de bien d’autres dégustés ailleurs, les beignets ont beau porter des noms différents et comporter des ingrédients variés, ils ont tous le même goût de… pâte à beignets frite ! « C’est lequel le beignet au cresson ? », « Celui-là, il est vert ». « Ah d’accord… » Sans intérêt donc.

L’unique samoussa pour sa part fait d’autant plus regretter sa solitude qu’il est plutôt bon, quoique gras. Le boudin est pâteux et trop salé. Du comblage à la mie de pain. Seule la salade apporte de la fraîcheur à toute cette affaire, en gardant un peu de croquant et sa douce saveur de chouchou frais sous la pluie.

Passons au gratin. Le bon terme pour le décrire est « navrant ». De gros morceaux de chouchous qui ne datent pas de la dernière averse, vu la texture poisseuse et les poils, et qui se serrent dans le ramequin avec une misère de béchamel et trois tonnes de gruyère. Bref, les chouchous ont été livrés avec leurs vieux grains en robes, à la va-comme-je-te-pousse. On les finit quand même, comme on achève les chevaux.

Le cari de poulet, pour ce qui le concerne, est affligé d’anémie, en dépit de sa sauce curcumatée réglementaire. La vue seule l’annonçait, le coup de fourchette le confirme : la viande s’effiloche comme vieille feuille de brède par grand vent. Du bon vieux poulet de batterie congelé ! Compte tenu du handicap, en bouche, nous sommes à peine surpris par les saveurs en berne, même pas digne d’une barquette à 5€.

Le boucané bringelle est pire. Les morceaux de boucané coupés gros sont flasques et tellement cuits qu’on aurait de la peine à les différencier des pauvres bringelles qui les accompagnent, s’il ne livraient en bouche leur chair filandreuse. On pourrait presque manger le tout avec une paille, en faisant abstraction du goût éteint des bringelles mélangées au boucané bouilli. Ce cari est une honte.

Pour accompagner tout ça, quoi de mieux que des lentilles rares dans une sauce abondante, mais qui accomplit l’exploit d’être pas mauvaise, plus une version cubiste du rougail de tomates hachées au taille-haie, et du riz bas de gamme.

Nous terminons par une « bananette » flambée accompagnée d’une boule de glace à la mangue, pauvre satisfaction glycémique d’un repas sans relief. Addition : 60€ pour deux adultes et un enfant, tout compris. Très cher en regard de la qualité globale.

D’abord, nous nous sommes dit que nous étions mal disposés, en effet nos voisins ont eu l’air d’avoir apprécié leur repas. La clientèle nombreuse aussi d’ailleurs (à 90% métro). Mais les faits sont là. De notre point de vue, ce que nous avons mangé fut piteux. 

Comment peut-on proposer aux touristes des plats créoles de cette nature ? Où était notre bonne cuisine traditionnelle, réalisée avec des bons produits ? Les visiteurs de notre île qui auraient déjeuné ce jour des mêmes plats que nous seraient repartis avec une idée faussée de notre gastronomie. Sacrifier la qualité sur l’autel de la rentabilité n’est certes pas la meilleure façon de vendre notre belle île. 

L’établissement étant bien noté par ailleurs, nous espérons que c’est juste un « coup de mou ». Pour notre part, aujourd’hui, nous attribuons au Ti chouchou une généreuse fourchette en inox.

Pour résumer : 
Accueil : passable • Cadre : très bien • Présentation des plats : moyen
Service : très bien • Qualité des plats : médiocre
Impression globale : médiocre et cher
Fourchette en inox

Le Ptit Bambou

Aujourd’hui nous faisons escale au P’tit Bambou, restaurant plus chinois que créole, comme son nom le suggère, stratégiquement posté depuis vingt ans dans une petite case pile en face de l’église de Salazie et juste à côté de la mairie. La situation de l’établissement permet de surcroît d’avoir une plaisante vue sur le village. 

Vous pouvez déjeuner dedans, la salle d’une cinquantaine de couverts est décorée simplement mais avec goût, ou sur la terrasse. Une petite surface gazonnée permet aux enfants de jouer.

Au menu ce midi : assiette de boudin accompagnée de salade, sauté de poulet aux chouchous, rougail saucisses ou rougail de morue au chouchous, puis gâteau. La carte est typique des restaurants chinois : poulet, porc et boeuf sont proposés sous diverses déclinaisons, sautés ou en shop-suey, avec quelques originalités comme le « sauté de boeuf sur lit de cresson ». Quelques plats créoles sont présents, comme l’irremplaçable rougail saucisses ou le cari de camarons. Nous choisissons le menu, avec la morue, plus un gratin de chouchou et un sauté de poulet aux gros piments. C’est parti !

Le gratin de chouchou est un modèle du genre. Toutes les saveurs s’y combinent sans se marcher dessus permettant d’apprécier la fraîcheur d’un chouchou superbement parfumé, visiblement trié sur le volet, et de se délecter du fromage fondu qui ne vous agresse pas les gencives. Le légume y figure en morceaux assez gros pour pouvoir libérer ses arômes subtils quand on y mord. Les épices, thym et poivre subliment tout ça avec un sel bien dosé, en s’aidant de la béchamel onctueuse pour glisser sous le palais. Le boudin quant à lui est du matin. Sa texture fondante et veloutée qui exhale son fumet de sang cuit ne laisse aucun doute. S’il a été réchauffé, c’est fort modérément car la peau n’a pas rétréci sur les bord. Et le bougre est sacrément pimenté, ce qui ne nous dérange guère. La petite salade verte croquante vient à propos pour apaiser ce coup de sang, avec une vinaigrette discrète. Un seul bémol : les portions sont quelque peu homéopathiques.

Le service, réalisé à deux, est un modèle d’efficacité. Le temps que l’odeur de boudin prenne la tangente et les plats de résistance font leur apparition. Le rougail morue aux chouchous nous paraît d’entrée un peu clair. Nous nous attendions à le voir plus coloré que ça. En bouche, le plat n’est pas désagréable intrinsèquement. L’équilibre gustatif entre la salaison et le chouchou est correct, laissant les deux parties s’exprimer, et le sel aussi. La morue a semble-t-il évité l’huile chaude, elle semble plutôt être passée au hamam, ce qui lui confère une texture plus tendre en raccord avec celle du chouchou, ce qui aboutit à une homogénéité du plat. Le mariage du chouchou avec la viande ou le poisson peut être délicat. Le légume étant gorgé d’eau, il est susceptible de noyer son partenaire. Ce n’est pas vraiment le cas ici mais nous déplorons tout de même un certain manque de punch gustatif. Le piment « crasé » aux oignons aide un peu quand même.

Le sauté de poulet en comparaison est une explosion tonitruante, faisant passer nos papilles d’une atmosphère éthérée de moines zen en méditation à la folie débridée d’une avenue de Rio en plein carnaval. Macérés dans une sauce d’huître rappelant la sauce grand-mère avec des lointaines humeurs musquées, les émincés sont tendres et savoureux. Les morceaux de gros piments sont en nombre, avec quelques poivrons verts, mais ne sont pas là « pour faire le tas » comme dit le créole. Ils envoient sans ménagement leur puissance et leur saveur sitôt que les dents les ont croqués, au travers d’une humidité poivrée qui fait la révolution dans nos glandes salivaires. Le résultat est cousu de fil blanc : « encore, encore ! » Un mot sur les pois du Cap : très bons, avec un respectable fumet, mais à la sauce un peu liquide.

Une bonne carafe d’eau là-dessus, et ces émois ne sont plus qu’un doux souvenir, ce qui laisse la place nette pour le gâteau : un « ti-son ». Ce dessert créole traditionnel a été souvent l’objet de notre courroux. Et pour cause : secs comme un coco de pain rassis, étouffes-chrétien en plein carême, sans plus de goût qu’un vieux pop-corn lyophilisé.

Pas aujourd’hui. C’est la première fois depuis on ne sait plus quand que nous dégustons avec plaisir un bon gâteau ti-son des familles, moelleux, délicatement sucré, avec son arôme de vanille en finale et qui, ventre-saint-gris, a un goût de maïs ! Ce qui est quand même un minimum. Le petit coulis de fraise par dessus lui apporte une acidité sensuelle qui clôt le repas avec bonheur.

Addition : 37 euros pour deux personnes hors boissons. Assez correct compte tenu de la qualité globale.

Le P’tit Bambou a été, il y a bientôt quatre ans, notre restaurant test avant le lancement de cette rubrique. Vous pouvez d’ailleurs retrouver cette critique sur notre blog. Il avait à l’époque récolté d’une fourchette en inox, note qui se voulait moyenne.  De l’eau a coulé dans la Rivière du mât et on peut dire qu’aujourd’hui, la qualité de ce que nous avons dégusté est bien au dessus de la moyenne, malgré un mariage chouchou-morue qui ne nous semble pas heureux, de notre point de vue. Cadre agréable, accueil sympathique, service impeccable, quelques produits frais et un chef qui assure en cuisine, que demande le peuple ? L’établissement est une bonne escale avant de pousser plus loin voir les merveilles du cirque. Pour ce bon repas nous lui attribuons donc une fourchette en argent, avec recommandation de l’équipe.

Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : bien
Service : très bien • Qualité des plats : bons
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent

Le Faham

[Visite en février 2013]

Salazie. Nous grimpons vers l’empire des chouchous sous la queue de Felleng. Inutile de vous dire qu’il pleut comme peu de vaches peuvent pisser. Après une légère accalmie, le village trempe dans une atmosphère gorgée d’humidité. Peu de monde dehors, à part quelques touristes dégoulinants. Le charme de la bourgade n’en est guère plus altéré, bien au contraire. Notre cible était le Petit bambou, face à l’église, mais c’est fermé. Nous nous rabattons sur le Faham, deux cent mètres plus bas, face à la Poste.

Le Faham est un hôtel restaurant d’une douzaine de chambres, sans étoile pour l’instant, mais qui fait bonne figure. La grande salle à la déco classique expose une quarantaine de couverts espacés où l’on est à son aise. L’accueil est souriant et un peu pressé. Nous avons à peine le temps de jeter un œil à la carte qu’on vient aussitôt nous demander ce que l’on veut manger, mais pas si nous souhaitons boire quelque chose. Nous commandons quand même le punch maison. Ce dernier est un tas de sucre. Un vrai sirop.

La carte propose des plats créoles habituels, quelques-autres chinois (shop-suey, bol renversé, mines), et même des omelettes et des pâtes. Nous optons pour le menu du jour : un ti-jacques boucané et un cari de crevettes, assortis de boudin au achard et d’un gratin de chouchous en entrées. Ces dernières sont inégales. Le boudin est sec et pâteux, pourtant il fleurait bon le sang frit, le poivre et le cochon en bonne santé. Pas terrible. Par-dessus le marché l’achard, très croquant au demeurant, est beaucoup trop salé. Le gratin de chouchous rattrappe le coup. Légume coupé en petits morceaux qui a une bonne odeur de thym ; du sel bien dosé (ouf) ; l’abbé Chamel et sa bénédiction onctueuse ; le fromage fondu, collant, au goût magnifique qui sait respecter celui du chouchou tout en vous laissant son piquant dans les gencives. La suite arrive vite.

Le cari de crevette, dans sa sauce orange foncé assez épaisse, est délicieux. Les crustacés ont gardé le bout de leur queue, pour plus de saveur, ce qui nous donne une bonne excuse pour en extirper le jus, en essayant de limiter les bruits de succion pour garder un peu de contenance. Le piment vert “crasé” que nous avons dû réclamer, et à juste titre, emporte le plat à deux niveaux supérieurs et nous emporte la bouche avec, déclenchant nos larmes masochistes.

Le cari de ti-jacques est pareillement fréquentable, bien qu’un peu sec (mais ce n’est pas entièrement de sa faute, nous le verrons dans un instant). Du ti-jacques frais et odorant battu maison, assez tendre, et au bon goût de fumé communiqué par un boucané civilisé, pas trop gras, et pas trop envahissant. La portion étant un peu légère, nous en commenderons une seconde. Le troisième convive pour sa part disparaît littéralement derrière son bol renversé, un monticule conséquent, qui sent bien bon l’œuf frit et le siave. Nous ne le goûterons pas, ayant assez à faire avec deux plats.

Seule ombre au tableau : la qualité médiocre du riz blanc. Ce dernier est convenablement cuit mais c’est du bas-de-gamme aux brisures nombreuses, et d’une platitude navrante. En bouche, il enlève toute dignité au pourtant respectable cari ti-jacques. Les grains blancs sont ordinaires. Nous ne touchons pas au rougail servi, sorte de melting-pot de plusieurs légumes pimentés, lui préférant de loin notre tortionnaire piment vert ! Nous terminons par un fondant au chocolat avec sa glace vanille, très bons.

Addition : 64 euros pour trois touristes, boissons comprises, avec un dessert et deux cafés, soit 21 euros et des gouttes de pluies par personne. Un rapport qualité-prix acceptable.

Le Faham propose au cœur du village de Salazie un cadre confortable, à la décoration un peu convenue, dans lequel on déguste une cuisine créole correcte mais qui manque d’originalité, ne serait-ce qu’au niveau de la présentation des plats (mais c’est hélas assez courant ailleurs). On nous a précisé catégoriquement que le service n’allait pas au delà de 14 heures, contraintes de personnel sans doute. Nous ne regrettons pas notre passage, nous étant convenablement sustentés, nonobstant un riz médiocre, à proscrire quand on prétend recevoir, surtout pour la clientèle touristique. Une visite qui nous fait décerner au Faham une fourchette en argent juste, tout juste !

Pour résumer :
Accueil : bien • Cadre : bien • Présentation des plats : perfectible • Service : moyen • Qualité des plats : bons
Impression globale : bonne table
Fourchette en argent 

Chez Alice

[Visite en juin 2012]

Aujourd’hui, nous voilà partis dans le cirque de Salazie, berceau des chouchous, des cascades, du pisse-en-l’air et des Sisahayes. Et c’est à Hell Bourg que nous nous arrêtons pour déjeuner. Entre les restaurants, les snacks et autres tables d’hôtes alentours, ce n’est pas le choix qui manque pour satisfaire un appétit aiguisé par l’air vivifiant de ce charmant petit village lové au creux d’une végétation luxuriante. Nous choisissons d’aller tester la table de Chez Alice, établissement connu de la place qui propose aussi des chambres.

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En passant, nous faisons connaissance avec le sieur Philippe, vendeur de légumes bon pied bon œil, qui se trouve avoir le verbe loquace en matière de chouchous ! «Comment ou aime mangé le chouchou ?»
« Ha ça ! Répond l’homme, Mi préfère le p’tit chouchou-cannette, bouilli, avec un ti grain d’sel, a là mon naffair ! Sinon vi peu mange a li avec sucre aussi. »
« Bon, et en plat ? »
« Ah, ben en daube ! Vi met in tit peu zoignon, l’ail, thym,sel, avec un peu de quatre-épices » (tiens, ça c’est original ! On va essayer!).

Après cette conversation avec Philippe, not’ bouche i fé d’l’eau. Alice, nous voici ! Le moins que l’on puisse dire, c’est que le restaurant est agréable et confortable, divisé en deux grandes salles. Plantes vertes, bois, avec des tables aux napperons jaunes posent un décor accueillant.

La carte que l’on nous dépose présente les atouts touristiques du cirque, puis un menu à dix-neuf euros avec deux entrées et deux plats au choix. L’essentiel de l’offre à la carte est créole (du cari de poulet au civet de lapin en passant par le cari de poisson). Concernant les entrées : quatre salades, et trois préparations au chouchou : daube, tarte et gratin. Des samoussas et des bouchons, servis par quatre, sont aussi facturés comme des entrées, à 1,60euros ! Pas de petites économies chez Alice ! Des amuses-gueule ordinairement offerts ailleurs. Pour le prix ils auraient au moins pu faire attention à la présentation : le morceau de carambole est abîmé.

Notre choix est fait : ce sera gratin et daube de chouchou, puis cabri massalé et ti Jacques-boucané.

Le personnel s’active avec dextérité auprès des clients déjà arrivés. En attendant, nous sirotons un excellent jus de goyavier frais, qui sent encore la rosée du matin, et un « ti-punch » bien citronné qui nous rince les gencives avec modération, tutti et quanti.

Les entrées débarquent, et le bal commence…mal. La daube de chouchou, présentée à l’assiette avec quelques crudités qui font pitié est parfaitement quelconque. Nous avions pourtant levé un sourcil de satisfaction à la première bouchée, le morceau était frais et parfumé. C’était bien le seul. Les autres, coupés gros, sont un peu farineux… et sans autre saveur que celle de l’ail, et du persil haché dessus. L’ensemble est convenable mais nous nous attendions à beaucoup mieux.

Le gratin, pour sa part, est une catastrophe. C’était pas son jour il faut croire. Les morceaux de chouchous nagent le cent mètres dos dans de la flotte parsemée de béchamel sans goût. Le fromage lui-même est d’une pâleur de tuberculeux. La vague saveur de gratin est quasiment fantomatique. Y’a de la fourchette en inox dans l’air. Nous prions pour que la suite soit plus à la hauteur. Et les petites marmites arrivent (présentation pratique mais qui ne font plus s’extasier que les touristes tout frais).

Nous attaquons le cabri massalé. Première impression : nous sommes bien loin du cabri massalé pur malbar, celui qui transforme votre palais en piste de danse des épices, qui vous envahit les sinus du parfum de coriandre, de cumin, de graine de moutarde mélangées et qui vous arrachent des larmes qui sentent le piment. Non. Ici nous avons droit à la partition sage d’un massalé furtif, mais qui a gardé quand même assez de goût pour mériter son nom. Détail : une feuille de quatre-épices flotte dans l’abondante sauce en compagnie de rares feuilles de caloupilé. On repense à l’ami Philippe et sa recette. La viande est bien tendre, mais ils auraient dû nous fournir un égouttoir pour l’attraper dans la marmite ! Au final, le cari s’avère plutôt bon, mais pas extraordinaire.

Le Ti’jacques boucané arrive comme la cavalerie, John Wayne en tête, pour sauver la veuve gratin et l’orphelin massalé !

Comment dire ? Au premier humage, nous comprenons tout de suite que le plat est de haut niveau.

Notez que nous avion précisé vouloir déguster un Ti-jacques boucané et pas un boucané Ti-jacques ! On veut manger du Ti-Jacques, du vrai, du cueilli au tronc de l’arbre, du battu à la main par grand-mère avec sa bouteille d’huile de tournesol à côté « à cause de la colle ». Et là, les amis, on en a (enfin) eu pour notre argent. Les fines lamelles du fruit sont gouteuses, avec un léger arôme fumé, et fondent sous la dent. Le tout est sec comme un cari bichique, et pourtant juste assez gras pour glisser sous la langue et vous procurer un frisson de plaisir, tant et si bien que nous apprécions la dernière bouchée sans riz, « tel », en remerciant le ciel d’avoir exaucé notre prière.

La suite se résume à une tarte au coco, correcte, et accompagnée de fruits dont un quart de goyave rouge. Fin du bal : l’addition s’élève à 43 euros, hors boissons, pour deux personnes.

On n’est pas passé loin de la catastrophe chez Alice, victime, sans doute du « syndrome du touriste couillon » (l’étranger ignorant qui trouve un plat bon, quand le créole du terroir jugera le même plat moyen, parce qu’il a la culture et l’expérience nécessaires), syndrome dans lequel sont plongés jusqu’au cou nombre de restaurants ayant pignon sur rue, dont certains ont été testés ici il n’y a pas longtemps. Pas facile de recevoir tout ce monde et de garder la qualité et l’authenticité créole au fond de sa marmite. Même si certains nous trouvent un peu « durs » dans cette rubrique, nous restons conscients que le métier de restaurateur n’est pas de tout repos, quand on veut le faire bien, et avec passion. Il peut y avoir des couacs. Aujourd’hui l’excellent Ti-jacques boucané de chez Alice l’a sauvé de la fourchette en inox. Ce sera donc une fourchette en argent, pour ce sympathique restaurant de Hell Bourg.

Pour résumer : 
Accueil : bien • Cadre : très bien • Présentation des plats : bien
Service : très bien • Qualité des plats : moyens/bons
Notre impression globale : bonne table
Fourchette en argent

La Cascade blanche

[visite en octobre 2011]

Cette semaine nous nous arrêtons au pont de l’escalier, sur la route de Salazie, où un nouveau restaurant a vu le jour en lieu et place de la bâtisse moisie qui trônait de l’autre côté du parking, à l’opposé de la célèbre chapelle aux volets rouges. 

« La cascade blanche », s’affiche aussi comme relais touristique et accueille dans ses murs un fleuriste. Le lieu est verdoyant et aménagé de kiosques et d’un espace gazonné tout à fait propice aux pique-niques. L’intérieur est décoré avec goût, et s’inspire largement de la luxuriance de la nature. L’établissement propose une petite trentaine de couverts. « Nous somme en train de terminer l’aménagement de la salle derrière, pour les réceptions », nous informe le patron. Du reste, avec un tel emplacement, nous avons le choix entre déjeuner à table, au restaurant, ou profiter du bon air pour pique-niquer dans l’herbe ou sous un kiosque, puisque « la cascade blanche » a la bonne idée de proposer aussi des plats à emporter.
Nous optons pour le kiosque, histoire de changer. A la bonne franquette, ou à la bonne barquette plutôt. Concernant l’accueil, c’est déjà très bien. Il est très détendu, quasi-familial. La bonne humeur et le sourire sont de rigueur. Nous faisons donc l’impasse sur l’entrée et les desserts, (gâteaux locaux et tout-venant sucrés) et qu’on nous annonce plus nombreux le dimanche, pour cause d’affluence.

Nous nous concentrons sur le civet de canard et le ti-Jacques boucané, choisis parmi les plats du jours, traditionnels (rougail saucisse, boucané brigelles, rougail morue et cari de poisson… et un confit de canard sauce poivre vert pour l’originalité). Du fond de la gorge étroite que franchit le pont de l’escalier, la chanson perpétuelle des eaux vives monte jusqu’à nous, accompagnant la délicieuse odeur du civet, libérée à l’ouverture de la barquette. La couleur confirme notre humage : ce civet-là a bien été cuit au feu de bois, comme on nous l’a annoncé un peu plus tôt. Et au palais, c’est bingo ! On a touché la timbale de saveurs du vrai civet de chez « momon », avec son parfum de vin rouge cuit, son fumet extraordinaire, un peu sauvage, qu’on va dénicher en suçant le moindre petit os baladeur non sans délectation. Manque juste le bouquet frais de persil hâché par-dessus, et peut-être un dose d’huile en moins (le riz du fond baigne un peu) pour que ce soit parfait. Pause.

Nous attaquons le Ti-Jacques, qui fait presque aussi bien. Le fruit vert est délicieux mais presque trop fondant : on aurait aimé un peu plus de résistance sous la dent. Mais le boucané est parfait, ni trop gras, ni trop maigre, avec une saveur authentique qui vaudrait à elle seule un certificat de traçabilité. «La cascade blanche» se prévaut non seulement d’une cuisson au feu de bois mais aussi de produits frais achetés avec les éleveurs et les agriculteurs du coin. Pour finir, le riz, du grain long parfumé, est sans reproche tant au niveau de la cuisson qu’à celui du goût, et les lentilles, servies généreusement, restent dans la moyenne. Un petit « rougail zognons » vient relever le tout sans agressivité, à noter qu’il accompagne mieux le civet.
Les barquettes vides vont au sac poubelle de pique-nique, les jambes s’étirent et on attend un peu pour terminer au café cet excellent repas, avant de monter du côté de Hell-Bourg, dire bonjour aux chouchous. Avec des tarifs compris entre 9,50 et 15 euros, on peut dire que le rapport qualité-prix est honnête. C’est le cuir du ventre en peau de tambour que nous reprenons la route, en laissant au passage une belle fourchette en argent qui vient ici récompenser la cuisine familiale de la « Cascade blanche ». 

Voilà une escale intéressante sur la route du cirque vert. A tout point de vue. « La cascade blanche » est de ces petits restaurants sans prétention qui vous préparent de la bonne cuisine traditionnelle avec l’ingrédient principal de tout bon cari : le plaisir. Venez en famille, vous avez le choix entre la belle table de l’intérieur, la terrasse ou la nature au dehors, et votre progéniture en bas âge pourra se dégourdir les jambes à loisir. Le dimanche, l’établissement met les petits plats dans les grandes feuilles de bananes, pour encore plus de couleur locale. Demandez un rince-doigt et allez-y alors franco, à la main ! Demandez le poisson. « Le dimanche, c’est poisson rouge » nous promet-on. Réservez, c’est plus prudent.

Pour résumer
Accueil : très bien • Cadre : bien • Plats : bons • Rapport qualité/prix : correct
Notre impression globale : bonne table
Fourchette en argent

Note août 2013 : Cette critique est l’une de celles qui a déchaîné le plus de passion, notamment par commentaires interposés sur l’ancien blog. Evidemment nous ne pouvons pas savoir si les gens qui postent des commentaires sont de bonne foi ou non. Ils peuvent très bien être téléguidés par un concurrent, par des malfaisants en tout genre, ou par la famille ou des amis, et ce pour venir appuyer ou aller dans le sens contraire de la critique, selon les intérêts. Comme souvent, nous sommes repassés voir les gérants de la Cascade Blanche un an après. Ils nous ont remerciés pour l’article, en nous informant que « certains » leur en voulaient pour avoir eu cet emplacement en or, et que depuis une personne en particulier leur mettait des bâtons dans les roues. Il s’agit d’une personne très connue sur la place et dont nous tairons ici le nom pour des raisons évidentes.

Le Petit bambou

[visite en octobre 2010] 

Le petit Bambou se situe en plein village de Salazie, en face de l’église. Le restaurant est installé dans une maison de style créole, avec une large varangue attenante. Nous avons été accueillis chaleureusement par un personnel souriant et courtois, et avons été installés à la terrasse.

L’endroit est sympathique et assez calme, malgré la proximité immédiate de la départementale.S’il fait beau, les enfants remuants peuvent à loisir se défouler sur un espace gazonné protégé d’un garde-corps.

La décoration, simple, gagnerait à être travaillée afin de rendre l’endroit plus convivial encore (un bouquet de fleur sur les tables, par exemple). Rien à dire sur la propreté dans l’ensemble, y compris concernant les toilettes. Le confort est bon. Si vous souhaitez être plus à votre aise préférez tout de même la terrasse, où les tables sont plus espacées qu’à l’intérieur. Un premier coup d’œil sur la carte révèle que l’établissement propose des plats créoles essentiellement au menu, avec un choix entre plusieurs entrées et plats de résistance. Pour le reste vous avez droit essentiellement à des recettes d’inspiration chinoise (Shop Suey, sautés…).

La carte est relativement bien présentée, et a le mérite de contenir des informations touristiques sur le cirque, traduites également en anglais. Les choses sérieuses commencent.

Nous commandons un gratin de chouchou (à Salazie, ça s’impose !), une salade fraîcheur composée de boudin, fromage de tête et cresson, puis un shop-suey de bœuf et un rougail « zandouille », et décidons de terminer avec un gâteau de chouchou. Premier bémol sur la salade : la présentation est minimale, la charcuterie est d’une banalité décevante. Le boudin est quelconque et le fromage de tête industriel.

Heureusement, le gratin rattrape le coup : texture agréable en bouche, chouchou fondant, fromage bien dosé et juste doré comme il faut, et une béchamel réussie. Nous finissons nos assiettes et n’attendons pas très longtemps l’arrivée des plats de résistance. Là encore, la présentation est moyenne. Notre première impression, mitigée, est confirmée par l’absence de l’odeur caractéristique d’un rougail zandouille bien né. Au palais, ce n’est pas mieux. L’andouille, composée surtout de viande et peu de tripes, est trop sèche à notre goût et la sauce ne casse pas trois pattes à un canard.

Nous testons le shop-Suey : c’est pire. Le plat est définitivement trop salé et la viande de bœuf a ce goût prononcé de vieux taureau à la retraite caractéristique des morceaux de seconde qualité. Le tout est relevé (un peu beaucoup) par un rougail tomate à déconseiller aux langues sensibles, et accompagné de gros poids du cap « en creume » en revanche très satisfaisants.

Le dessert, enfin, est correct. Le gâteau de chouchou est assez léger, pas trop sucré et goûteux. Il est accompagné d’un coulis de goyavier avec lequel il réalise un beau mariage en bouche. Après le café, et le petit sablé en prime, le moins qu’on puisse dire est que nous restons un peu «sur notre faim» concernant la qualité générale. C’est bon, mais sans plus. Pas de soucis en revanche sur les quantités, sauf peut-être pour le riz qui contentera insuffisamment les gros mangeurs.

La note arrive : 47 euros (entrées, plats, desserts et cafés pour deux personnes). Verdict : un restaurant agréable, bien situé, où on est très bien accueilli et servi. Une étape possible et pas très chère sur la route de Hell-Bourg ou de Grand îlet, mais qui ne mérite pas (encore) qu’on fasse le déplacement de loin exprès.

Pour résumer

Accueil : très bien • Cadre : bien • Plats : moyen • Service : bien • Rapport qualité/prix : correct.

Notre appréciation globale : Moyen.

Fourchette en inox