La Table de Lyne, accueillante et généreuse.

Direction Saint-Pierre aujourd’hui. Nous allons mettre les pieds sous la Table de Lyne, restaurant revendiqué traditionnel créole de la rue Marius et Ary Leblond.
Nous arrivons de bonne heure, comme d’habitude, et sommes accueillis avec le sourire masqué de circonstance par une jeune demoiselle bien aimable qui nous invite prendre place après quelques jets de gel hydroalcoolique.

La commande des boissons est suivie de la présentation des plats. Aujourd’hui, rien qui sort des sentiers battus à par un riz « sofé » morue pimenté, en tête de liste, proposé aussi en accompagnement des autres plats pour un supplément de 5 euros. Cari poulet, boucané bringelles, cari de poisson gingembre (du marlin), rougail saucisses gros piment, et aussi du magret de canard, entre autres classiques. Neuf plats en tout, plus les accompagnements. Un menu relativement réduit qui augure l’utilisation de produits frais. Bon point déjà, surtout que la cuisine ouverte ne laisse pas entrevoir de brigade au grand complet. Les tarifs allant de 12 (pour le riz « sofé » tout seul) à 21 euros, nos attentes en termes de qualité n’en sont que plus fortes.
Après quelques hésitations nous choisissons de goûter au sauté de poulet aux brèdes et au boucané bringelles assorti du riz « sofé ».

Les assiettes dressées ne tardent pas, accompagnées de deux petites marmites contenant les pois du Cap et le rougail tomate. Nous notons l’effort de présentation. Les quantités nous semblent généreuses. A l’attaque.

Le sauté de poulet est plutôt bon. Les escalopes arborent une couleur marron clair – beige, sans traces prononcées d’exposition plus que nécessaire au fond de karay. Elles ont sans doute mariné un peu, vu la légère saveur un peu barbecue, un peu cacahuète, qui ressort. Celle-ci est soutenue par un sel bavard, dont le riz se charge de calmer les ardeurs. Les brèdes sont très bonnes, et leur mariage avec le poulet est réussi, bien qu’elles soient en sous-effectif par rapport à la viande, à notre goût.

Le boucané bringelles chante plus haut. Le boucané, très équilibré en gras et viande, fait en effet des vocalises sur des tomates mûres compotées, du curcuma élégant, et expose sans pudeur son caractère fumé teinté d’épices roussies dans l’huile, baignant dans les sucs. Leur couleur en dit déjà long sur leur cuisson, le passage en bouche confirme : c’est un poil gras, mais on s’en fiche, c’est succulent. Les bringelles fondues font un peu de figuration mais, avec la sauce, elles gagnent en épaisseur et se glissent avec bonheur dans les bouchées appréciées par une mastication lente.

Le riz blanc est tout à fait bon. Son pendant « sofé », quoique naturellement plus lourd, est un délice où la morue en goguette, toute en miettes, vous en met plein le nez autant que plein la bouche. Finalement, en plat seul, le riz « sofé » est très suffisant, car consistant, fidèle à ses origines, où il « tenait au corps », dans la froidure du matin des Hauts, au concert des coqs.
Les pois sont en crème, et conséquemment soyeux. Le rougail tomate ne chante pas en play-back. Cette tomate fraîche, quoique hachée et non pilée, profite d’un piment chaud et parfumé pour éclairer les bouchées de son acidité tout en saveur. Ça change des tomates sous serres au goût de flotte qu’on ose encore servir aux citoyens sous couvert de rentabilité.

Nous avons du mal à terminer les assiettes tant ce fut riche. Nous déclinons donc la proposition de desserts qui inclue des fruits frais, et un café gourmand. Nous terminons par un café tout court.

Nous réglons l’addition : 50,50 euros pour deux boissons, deux repas et un café, soit un peu plus de 25 euros par personne. Le rapport qualité-quantité-prix est bon.

Cadre clair, décoration moderne et minimaliste, accueil chaleureux et service aux petits soins, tout est mis en œuvre pour que vous soyez à l’aise à la Table de Lyne.
Le restaurant, tenu par la famille Volnay, propose surtout une cuisine réunionnaise fort bien exécutée, et qui ne laisse pas sur leur faim les appétits costauds. Voilà une adresse qui, quelques années auparavant, aurait récolté une belle fourchette. Aujourd’hui, nous l’inscrivons sur la liste des meilleures adresses de La Réunion, et sans doute de Saint-Pierre, jusqu’à preuve du contraire. Une prochaine visite dans la ville au plus beau marché forain pourrait en effet nous faire mentir. Il paraîtrait que du côté de Terre-Sainte, un jeune chef mettrait un point d’honneur à satisfaire ses clients. Affaire à suivre.