La Table créole

La Table créole, février 2012. Nous étions sortis satisfaits et repus de ce restaurant de la Possession, en ayant dégusté un rougail chevaquines et un rougail morue, ce qui leur avait vallu une fourchette en argent. Trois ans après, nous avons voulu savoir si la qualité a progressé.

En lieu et place du soleil à assoiffer les chameaux qui nous avait accueilli la première fois, nous avons droit aujourd’hui à un ciel lourd, suivi d’un orage et de hallebardes. Au menu du jour : pavé de thons, frites, salades ; paëlla maison ; Poulet fermier fumé au palmiste frais ; cari de filet de dorade ; rôti de porc aux champignons et massalés d’agneau.

La carte est toujours aussi complète. Tout le monde y trouvera son compte entre les shop-suey divers et les grillades. Le poulet et le poisson remportent nos faveurs.

Le temps de nous désaltérer, nous apprécions quelques menus progrès dans la décoration par rapport à notre précédente visite. Tout à l’air plus net, tout en demeurant convivial, et des ventilateurs-brumisateurs ont été installés pour plus de confort par grandes chaleurs, sous cette vaste terrasse de plus de 100 couverts.

Service rapide. Et l’odeur du cari de poulet précède la jeune femme qui nous l’emmène. Nous commencerons par là. Déjà, la viande atteste par sa texture ferme sa descendance fermière. La couleur orange foncée luisante est tout à fait seyante, ce qui complète parfaitement nos premières sensations olfactives. Presque pas de surprise donc à la dégustation : la viande souple et ronde, où les arômes de cari ont pénétré, affiche le caractère authentique des caris de grand-mère cuits au feu de bois, avec sa saveur de fumé qui monte au nez et sa finale subtilement sucrée de miel. Un délice à sucer les os avec les doigts, ce que nous ne nous sommes pas privés de faire !

Pendant ce temps, nos voisins de table disparaissent derrière leur paella.

Le cari de dorade est de même facture. La chair, du filet, et sans arêtes donc, est d’un fondant jouissif. Elle se délite toute seule en bouche avec sa sauce parfumée que relève avec panache un combava conquérant. Une sauce de cari exécutée de main de maître, où toutes les épices se sont fondues dans une union safranée tout simplement divine. Qu’eût donc été ce plat s’il se fût agi d’un de nos fameux poissons rouges ? Une extase sublime ! Une montée au septième ciel de la gastronomie créole ! Seul manquait à l’appel un piment vert « crasé » qui eût convenu à merveille à cette démonstration culinaire de grand chef créole.

À la place, deux rougails ont joué leur partition. Un concombre honnête, qui doit mieux chanter avec le massalé, et un rougail Dakatine au tonus impressionnant, tant au niveau du goût qu’à celui du piment. Une affaire dont la couleur trahit un roussi d’une expertise rare dont tous les autres plats ont, subodorons-nous, bénéficié. Les grains aussi.

Le riz est parfait. Ni trop sec, comme un basmati en manque d’eau, ni trop mou. Du bon riz bien goûteux pour accompagner des plats d’exception, et qui plus est servi en juste quantité.

Ce repas réussi nous a coûté 31 euros pour deux personnes, hors boissons. Nous en avons eu pour notre argent, c’est le moins que l’on puisse dire.

« Quand j’ai appris que j’avais eu la fourchette en argent, par des amis, j’étais très contente que ma cuisine soit appréciée » nous confie Keza, la patronne de la Table créole. Cette pimpante dame aux yeux pétillants, dont les parents étaient restaurateurs, est une autodidacte de la cuisine. Et depuis l’âge de 15 ans, elle n’arrête pas, cherchant à s’améliorer, toujours à l’affût de connaissances. La fourchette en argent ne la satisfait donc pas, elle veut faire encore mieux. Elle met tout son coeur dans sa cuisine, et la clientèle ne s’y trompe pas. Nous n’avions pas terminé notre repas que les caris de dorades continuaient à sortir. Il est rare de trouver ce genre de cuisine créole traditionnelle, avec des saveurs si vraies, si authentiques. Preuve que les hauts et le sud sauvage n’en ont pas l’exclusivité. Voilà pourquoi nous avons le plaisir de décerner à Keza et toute son équipe la note suprême : une belle et méritée fourchette d’or.

Pour résumer : 
Accueil : très bien • Cadre : bien • Présentation des plats : bien
Service : très bien • Qualité des plats :  excellents
Impression globale : excellente table
Fourchette d’or

La Table créole

[Visite en février 2012]

Aujourd’hui nous mettons les pieds sous « La table créole », au Port. Vous trouverez ce restaurant sur l’ancienne route nationale, un peu avant le temple tamoul dans la direction Possession – Rivière-des-Galets, niché dans le décor de savane typique du coin (galets-tamarins-soleil qui pwak). Une vaste salle ouverte taillée pour les dîners dansants nous accueille.

Le personnel est prévenant et nous propose un apétitif. La carte est au mur. Au menu du jour : rougail chevaquines, rougail morue, cuisse de poulet au four avec riz sauté, l’assortiment habituel des shop-suey (porc, bœuf, etc.) et quelques plats métros : entrecôte, magret de canard, rumsteak, salades. Ni une ni deux, nous salivons déjà pour le rougail chevaquines et son cousin le rougail morue et les commandons aussi sec. Comme nous sommes arrivés de bonne heure, nous patientons un peu le temps que le service se mette en place et que les autres clients arrivent. Des habitués, souvent, qui viennent chercher des plats à emporter (7 euros! Pas donnée la morue en barquette !), et des employés de la zone industrielle et commerciale voisine.

Les plats arrivent portés à bout de bras par la souriante serveuse à laquelle nous avons demandé un piment « crasé » pour aller avec les chevaquines. Un piment la pâte vert en tient lieu, on lui fera son affaire (au piment, pas à la serveuse !).

Les chevaquines ont une belle couleur marron, signe qu’elles ont été bien grillées comme il faut, et que la tomate a fondu et doré avec les petits morceaux de crevettes pilés dans les règles. Ces minuscules crevettes ont leurs amateurs et leurs détracteurs. Tout le monde n’aime pas. La faute, souvent, à une odeur assez forte et à leur goût prononcé. Le diable nous patafiole, mais ce qu’il y a dans nos assiettes n’a rien à voir avec cela. Le goût des chevaquines est toujours là, mais sage et domestiqué. De plus, elles ont été si bien pilées qu’en bouche aucune agression de gencive n’est à signaler. Un bonheur. Du coup, le riz teinté de la belle couleur de la sauce n’en est que plus goûteux.

Le fameux piment la pâte, bien musclé, accompagne tout cela à merveille en nous mettant une claque ou deux. Au passage, il dira bonjour aussi à la morue. Cette dernière est excellente. Et ce n’est pas évident de trouver du bon rougail morue par les temps qui courent. D’une belle couleur orangée, habillée de paillettes d’oignons verts, elle nous chante ses saveurs lointaines des souvenirs de ses ancêtres qui parfumaient les boutiques chinois d’antan. La sauce est parfaite, ni trop grasse, ni envahissante et salée juste ce qu’il faut. Un bémol : les morceaux sont un peu gros. On aurait préféré le poisson un peu plus émietté. Ceci dit, on peut comprendre celui ou celle qui s’en est occupé, on imagine : “MAAA fiiy ! Tout’ sa la morue-là pou éclitééé, moin na poin rienk’sa pou fé ! Et puis vi koné, la morue koméla, lé pu pareil sa d’avant !

On redemande du riz, pour finir les caris (un peu juste pour des travailleurs qui transpirent, la dose de riz, surtout avec des caris comme ceux-là). On nous débarrasse avec la question rituelle : “vous avez terminé ?” La table, qui ressemble à Dunkerque un 5 juin 1940, répond d’elle-même. Nous terminons effectivement par des douceurs, une crème brulée et un fondant tiramisu qui réconcilierait n’importe quel candidat au suicide avec la vie. L’addition (apéros-repas, desserts et cafés) se monte à 46 euros pour deux personnes. Bien. On ne regrette pas d’être venus.

“La Table créole” est un resto-midi qui propose de la bonne cuisine pour pas très cher et on y passe un bon moment. L’ambiance est conviviale, le personnel est disponible et très sympathique. Ceux qui travaillent aux alentours l’ont bien compris. Si vous êtes de passage pour affaire du côté du Port, n’hésitez pas. Un endroit idéal pour emmener un client et signer un contrat. Quelques points peut-être à améliorer : il y fait un peu chaud, des brumisateurs ne seraient pas du luxe. On aimerait aussi avoir une carte à table. Ceux qui sont assis loin ne peuvent pas forcément lire les tableaux. Nous décernons donc à la Table créole une magnifique fourchette en argent massif.

Pour résumer
Accueil : bien • Cadre : bien • Plats : bons / très bons • Rapport qualité/prix : correct
Notre impression globale : bonne table
Fourchette en argent 

 

Note août 2013 : L’un des établissements les plus sympas que nous ayons testé. Nous y sommes retournés de manière informelle un an plus tard, la qualité de la cuisine n’avait pas bougé.